Vu les procédures suivantes :
Par une décision du 18 octobre 2021, la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France, statuant sur une plainte de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France, a infligé à M. C... A..., pharmacien d'officine à Savigny-sur-Orge (Essonne), la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis.
Par une décision n° AD/04908-2 du 12 janvier 2024, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, d'une part, rejeté l'appel formé par M. A... contre cette décision et, d'autre part, décidé que la partie ferme de la sanction sera exécutée entre le 1er mai et le 31 octobre 2024 inclus.
1° Sous le n° 492524, par un pourvoi et deux mémoires, enregistrés les 12 mars, 3 et 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'ARS d'Ile-de-France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 492837 par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 mars, 3 et 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 12 janvier 2024 de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. A... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi et la requête susvisés sont dirigés contre la même décision de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur l'admission du pourvoi :
2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
3. Pour demander l'annulation de la décision qu'il attaque, M. A... soutient que cette décision :
- est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle écarte le moyen tiré de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure en première instance sans rechercher si cette insuffisance n'a pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense et compromis définitivement la possibilité pour lui de bénéficier d'un procès conforme aux exigences résultant des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- a été rendue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit de se taire avant de comparaître à l'audience ;
- est insuffisamment motivée en se bornant à énoncer que ses explications sont impropres à justifier l'ensemble des écarts entre les entrées et les sorties constatés par les inspecteurs assermentés ;
- dénature les faits et pièces du dossier et est entachée d'erreur de qualification juridique des faits en ce qu'elle retient que les ordonnances qu'il a versées au dossier ne permettent pas d'établir formellement la spécialité du médecin prescripteur et ainsi de s'assurer de son habilitation à prescrire les spécialités en cause ;
- dénature les faits et pièces du dossier en ce qu'elle énonce qu'il a indiqué avoir pris des mesures correctives en souscrivant des contrats de sous-traitance relatifs à des préparations magistrales, et ainsi reconnu les faits qui lui sont reprochés, alors qu'il a produit des contrats signés antérieurement à l'inspection conduite par l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et qu'il conteste ce manquement ;
- inflige une sanction hors de proportion avec la gravité des faits retenus à son encontre.
4. Ces moyens sont de nature à permettre l'admission du pourvoi.
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
5. Aux termes de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. (...) "
6. D'une part, la décision attaquée prononce à l'encontre de M. A... la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis, la partie ferme de cette sanction devant s'exécuter entre le 1er mai et le 31 octobre 2024. L'exécution de cette décision risque, en le privant de ses revenus professionnels, d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables.
7. D'autre part, le moyen soulevé par M. A... à l'encontre de la décision attaquée pris de ce qu'elle a été rendue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit de se taire avant de comparaître à l'audience apparaît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 12 janvier 2024 de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi n° 492524 de M. A... est admis.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi n° 492524 de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2024 de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, il est sursis à l'exécution de cette décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 28 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Alain Seban
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras