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28/05/2024 | FRANCE | N°490197

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 28 mai 2024, 490197


Vu la procédure suivante :



Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Quatre Vallées et la société Distillerie des Quatre Vallées ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre l'exécution, d'une part, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le maire de Chamaloc (Drôme) a interdit la circulation des véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 19 tonnes sur la voie communale n° 1 dite " chemin des Ga

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Vu la procédure suivante :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Quatre Vallées et la société Distillerie des Quatre Vallées ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre l'exécution, d'une part, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le maire de Chamaloc (Drôme) a interdit la circulation des véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 19 tonnes sur la voie communale n° 1 dite " chemin des Garandons ", d'autre part, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, de l'arrêté municipal du 13 juillet 2023 ayant le même objet et de l'arrêté municipal du 29 septembre 2023. Par une ordonnance n°s 2307661, 23077662 du 30 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 décembre 2023 et le 2 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le GAEC des Quatre Vallées et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chamaloc la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois-Sebagh, avocat du GAEC des Quatre Vallées et autre et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la commune de Chamaloc.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " L'article L. 521-4 du même code dispose : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin. " Aux termes de l'article L. 522-3 de ce code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 523-1 : " Les décisions rendues en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-3 sont rendues en dernier ressort. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 13 juillet 2023, le maire de Chamaloc (Drôme) a interdit la circulation des autocars et des véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 19 tonnes sur la voie communale n° 1 dite " chemin des Garandons ", qui dessert notamment les établissements du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Quatre Vallées et de la société Distillerie des Quatre Vallées. Par une ordonnance du 26 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cet arrêté en tant qu'il s'applique aux véhicules de ces deux entreprises. Celles-ci ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le maire de Chamaloc a à nouveau réglementé la circulation des poids lourds sur la même voie communale, et, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, de modifier son ordonnance du 26 septembre 2023 et de suspendre l'exécution de l'arrêté du 13 juillet 2023. Le GAEC des Quatre Vallées et autre se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 30 novembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leurs demandes selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

3. En premier lieu, eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur une deuxième demande en référé émanant du même requérant et tendant à la suspension d'une décision ultérieure survenue dans le même litige ou à la modification de l'ordonnance de référé antérieurement intervenue, sous réserve du cas où il apparaîtrait qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement son office, il aurait préjugé l'issue du litige. Il ne ressort pas des termes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble aurait, par son ordonnance précédente du 26 septembre 2023 qui, d'ailleurs, faisait droit à la demande des mêmes requérants, préjugé l'issue du litige. Par suite, le GAEC des Quatre Vallées et autre ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'irrégularité.

4. En deuxième lieu, il appartient au juge des référés, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de faire apparaître les raisons de fait et de droit pour lesquelles, soit il considère que l'urgence justifie la suspension de l'acte attaqué, soit il estime qu'elle ne la justifie pas. Il ressort des points 5 et 6 de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a répondu de manière circonstanciée à l'argumentation développée par les requérants à l'encontre de l'arrêté du 29 septembre 2023 pour conclure qu'elle ne caractérisait pas une situation d'urgence telle qu'elle implique qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise à très bref délai. En énonçant que la suspension prononcée par sa précédente ordonnance du 26 juillet 2023 demeurait applicable tant que l'arrêté municipal du 13 juillet 2023 n'avait pas été abrogé, l'ordonnance attaquée s'est bornée à relever, sans erreur de droit ni dénaturation des faits et pièces du dossier, qu'aucune restriction résultant de cet arrêté n'était apportée à la circulation des véhicules appartenant aux requérants.

5. En troisième lieu, c'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que le juge des référés a estimé que, si le GAEC des Quatre Vallées et autre ont produit des photocopies de cartes grises et des photographies de véhicules lourds, ils n'ont pas apporté la preuve de ce que leurs clients et fournisseurs ont l'usage de véhicules dont le poids total roulant autorisé est supérieur à dix-neuf tonnes et dont la circulation serait ainsi réglementée par l'arrêté municipal litigieux. Si, par ailleurs, les décisions du juge des référés sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, le maire de Chamaloc n'a pas repris le même arrêté que celui qui, suspendu par l'ordonnance de référé du 26 septembre 2023 en tant qu'il s'appliquait aux véhicules appartenant aux requérants, interdit la circulation des poids lourds sur la voie communale en cause, l'article 2 de l'arrêté litigieux du 29 septembre 2023 précisant que l'interdiction de circulation qu'il maintient " ne s'applique pas (...) aux véhicules utilisés à des fins d'exploitation agricole à titre professionnel appartenant aux exploitants de la commune utilisant la VC n° 1 qui ont été autorisés à circuler dans les conditions fixées à l'article 3 ". Il suit de là que le GAEC des Quatre Vallées et autre ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance qu'ils attaquent est entachée d'erreur de droit et de dénaturation des faits et pièces du dossier pour avoir écarté l'existence d'une situation d'urgence en méconnaissance du caractère obligatoire de l'ordonnance de référé du 26 septembre 2023.

6. En quatrième lieu, ainsi qu'il est dit au point 5, l'interdiction de circulation résultant de l'arrêté litigieux ne s'applique pas aux véhicules utilisés à des fins d'exploitation agricole appartenant aux exploitants de la commune peuvent bénéficier d'une dérogation. Par suite, le GAEC des Quatre Vallées et autre ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance qu'ils attaquent a, pour écarter l'existence d'une situation d'urgence, dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'ils ne sont pas privés de tout accès à la voie publique.

7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du GAEC des Quatre Vallées et autre doit être rejeté.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Chamaloc, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC des Quatre Vallées et de la société Distillerie des Quatre Vallées le versement à la commune de Chamaloc de la somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du GAEC des Quatre Vallées et de la société Distillerie des Quatre Vallées est rejeté.

Article 2 : Le GAEC des Quatre Vallées et la société Distillerie des Quatre Vallées verseront à la commune de Chamaloc la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au groupement agricole d'exploitation en commun des Quatre Vallées, premier dénommé, et à la commune de Chamaloc.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 mai 2024.

Le président:

Signé : M. Alain Seban

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 490197
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2024, n° 490197
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490197.20240528
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