Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 470485, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 janvier, 17 avril et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Sud Education demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 modifiant le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et " Réseau d'éducation prioritaire " en tant qu'il prévoit des taux et un montant maximal de l'indemnité de sujétions distincts selon les catégories de personnels ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 28 août 2015 fixant les taux annuels en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 en tant que ses articles 1er et 2 prévoient des taux et un montant maximal de l'indemnité de sujétions versée aux assistants d'éducation et aux accompagnants des élèves en situation de handicap inférieurs à ceux de l'indemnité versée aux autres catégories de personnels ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 471268, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2 et 4 du décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 modifiant le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et " Réseau d'éducation prioritaire " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le numéro 471270, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat SE-UNSA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 28 août 2015 fixant les taux annuels en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et " Réseau d'éducation prioritaire " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le numéro 471233, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 février et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2 et 4 du décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 modifiant le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et " Réseau d'éducation prioritaire " ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 28 août 2015 fixant les taux annuels en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 en tant que ses articles 1er et 2 fixent pour les assistants d'éducation et les accompagnants des élèves en situation de handicap des taux et un montant maximal d'indemnité inférieurs à ceux des autres catégories de personnels ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2003-484 du 6 juin 2003 ;
- le décret n° 2012-225 du 16 février 2012 ;
- le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 ;
- le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 ;
- le décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 ;
- le décret n° 2021-825 du 28 juin 2021 ;
- l'arrêté du 28 août 2015 fixant les taux annuels en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " et " Réseau d'éducation prioritaire " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération Sud Education et autres, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2024, présentée par le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes sous le numéro 471270 ;
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 28 août 2015 a instauré une indemnité dite de sujétions devant être versée, selon ce que prévoyaient les articles 1er et 6 de ce décret dans sa rédaction antérieure au décret attaqué, aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d'éducation, aux personnels de direction, aux personnels administratifs et techniques et aux psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et apprentissage " qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant, respectivement, du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " (REP+) ou du programme " Réseau d'éducation prioritaire " (REP), ainsi qu'aux personnels sociaux et de santé affectés dans ces écoles ou établissements. En vertu des dispositions du décret n° 2016-1171 du 29 août 2016, les agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans ces mêmes écoles ou établissements bénéficient également de cette indemnité.
2. Par une décision n° 452547 du 12 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé la décision par laquelle le Premier ministre a refusé de modifier le décret du 28 août 2015 afin d'y inclure les assistants d'éducation dans la liste des catégories de personnels bénéficiant de l'indemnité de sujétions créée par ce décret, au motif qu'en excluant les assistants d'éducation des catégories de personnels bénéficiant de cette indemnité, le pouvoir réglementaire a créé une différence de traitement sans rapport avec l'objet du texte qui institue cette indemnité et a méconnu, ainsi, le principe d'égalité, d'autre part, enjoint au Premier ministre de modifier les dispositions réglementaires relatives à l'indemnité de sujétions de façon à rétablir l'égalité de traitement de l'ensemble des agents concernés. A la suite de cette décision, le décret du 8 décembre 2022 a modifié les articles 1er et 6 du décret du 28 août 2015 pour inclure les assistants d'éducation dans la liste des catégories de personnels bénéficiant de l'indemnité de sujétions. Il a également inclus les accompagnants des élèves en situation de handicap dans cette même liste ainsi, par ailleurs, que certaines catégories de psychologues et de personnels sociaux et de santé qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP et REP+. L'arrêté du 8 décembre 2022, qui a modifié l'arrêté du 28 août 2015 fixant les taux annuels de cette indemnité, a fixé, pour les assistants d'éducation et les accompagnants des élèves en situation de handicap, des taux et montants maximaux de l'indemnité de sujétions inférieurs à ceux de l'ensemble des autres catégories de personnels mentionnés aux articles 1er et 6 du décret du 28 août 2015 modifié qui bénéficient de cette indemnité.
3. Par quatre requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la Fédération Sud Education, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale (SGEN-CFDT) et le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) demandent l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du décret du 8 décembre 2022 et de l'arrêté du 8 décembre 2022 en tant qu'ils prévoient pour les assistants d'éducation et les accompagnants des élèves en situation de handicap des taux et montants maximaux de l'indemnité de sujétions inférieurs à ceux des autres catégories de personnels.
4. En premier lieu, le décret et l'arrêté du 8 décembre 2022 ne sont pas au nombre des textes dont l'intervention doit, en vertu de l'article 2 du décret du 16 février 2012 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, être précédée de la consultation de ce conseil. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées auraient été prises au terme d'une procédure irrégulière en ce qu'elles n'ont pas été soumises au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, si l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 12 avril 2022 du Conseil d'Etat mentionnée au point 2 imposait au Premier ministre de modifier les dispositions réglementaires relatives à l'indemnité de sujétions de façon à rétablir l'égalité de traitement de l'ensemble des personnels concernés, elle n'impliquait pas par elle-même que les taux et montants de cette indemnité soient fixés à un niveau identique pour toutes les catégories de personnel en bénéficiant. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 12 avril 2022 doit, par suite, être écarté.
6. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.
7. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 28 août 2015 dans sa rédaction issue du décret attaqué, concernant l'indemnité versée aux personnels exerçant dans un établissement ou une école relevant du programme REP+ : " Les taux annuels de la part fixe et les montants maximaux de la part modulable de l'indemnité prévue à l'article 1er sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la fonction publique et du budget ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 août 2015 dans sa rédaction issue du décret attaqué, concernant l'indemnité versée aux personnels exerçant dans un établissement ou une école relevant du programme REP : " Les taux annuels de l'indemnité prévue à l'article 6 sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la fonction publique et du budget ". Si ces dispositions résultant du décret attaqué ouvrent une possibilité de différenciation des taux et montants de l'indemnité de sujétions selon les catégories de personnels, elles n'établissent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement. Les moyens tirés de ce que ces dispositions seraient entachées d'une méconnaissance du principe d'égalité et d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
8. D'autre part, en vertu de l'arrêté attaqué du 8 décembre 2022, le taux annuel de l'indemnité versée aux personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant du programme REP est fixé à 1 106 euros pour les assistants d'éducation et les accompagnants des élèves en situation de handicap et à 1 734 euros pour les autres catégories de personnels. Selon les dispositions de ce même arrêté, concernant l'indemnité versée aux personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant du programme REP+, les taux annuels de la part fixe et les montants maximaux de la part modulable de l'indemnité sont respectivement fixés à 3 263 euros et 448 euros pour les assistants d'éducation et les accompagnants des élèves en situation de handicap et à 5 114 euros et 702 euros pour les autres catégories de personnels.
9. Il ressort des pièces des dossiers que l'indemnité dite de sujétions instituée par le décret du 28 août 2015 au bénéfice des personnels qu'il énumère et qui sont affectés ou exercent dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP vise, d'une part, à prendre en compte les sujétions particulières attachées aux conditions d'exercice par ces personnels de leurs fonctions et à les inciter à demander une affectation et à servir durablement dans ces écoles ou établissements, de façon à y améliorer la stabilité des équipes pédagogiques et de vie scolaire, et, d'autre part, à la suite de la modification du décret du 28 août 2015 par le décret du 28 juin 2021, à valoriser l'engagement professionnel collectif des équipes exerçant dans une école ou un établissement relevant du programme REP+.
10. Il ressort également des pièces des dossiers que la différence de traitement instituée par l'arrêté attaqué quant au montant des indemnités est justifiée par la différence de situation entre les assistants d'éducation ainsi que les accompagnants des élèves en situation de handicap et les autres catégories de personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l'indemnité, compte tenu, d'une part, des conditions particulières de recrutement des assistants d'éducation et d'au moins certains des accompagnants des élèves en situation de handicap, qui n'ont vocation à exercer leurs fonctions que dans l'établissement scolaire qui est mentionné par leur contrat et, d'autre part, de leurs niveaux de rémunération respectifs, dont il résulte que le versement de l'indemnité de sujétion selon les taux et montants prévus par l'arrêté attaqué représente une augmentation de leur rémunération comparable, en valeur relative, à celle dont bénéficient les autres catégories de personnels. Cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objectif consistant à inciter les personnels à demander une affectation en REP et en REP+ et à y servir durablement et il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'elle soit manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient.
11. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions attaquées de l'arrêté du 8 décembre 2022 méconnaissent le principe d'égalité. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté attaqué pour les mêmes motifs doit également être écarté, de même que celui tiré de ce que l'arrêté devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation des articles 2 et 4 du décret attaqué du 8 décembre 2022.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes nos 470485, 471268, 471270 et 471233 sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Sud Education, au Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), à la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, au Premier ministre, à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure
Rendu le 28 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Fraval
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba