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24/05/2024 | FRANCE | N°468522

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 24 mai 2024, 468522


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser les sommes de 35 288,88 euros en réparation des préjudices causés par l'irrégularité de ses conditions d'emploi et de la décision de mettre fin à son contrat, 3 150 euros au titre des congés payés acquis et non pris et 300 euros à titre de rappel de salaire pour le 5 avril 2020. Par une ordonnance n° 2100150 du 18 mars 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.




Par une ordonnance n° 22DA01053 du 30 août 2022, la présidente...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser les sommes de 35 288,88 euros en réparation des préjudices causés par l'irrégularité de ses conditions d'emploi et de la décision de mettre fin à son contrat, 3 150 euros au titre des congés payés acquis et non pris et 300 euros à titre de rappel de salaire pour le 5 avril 2020. Par une ordonnance n° 2100150 du 18 mars 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22DA01053 du 30 août 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2022 et 27 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité des règles générales de procédure contentieuse qui permettent de rejeter comme tardive la requête d'un agent contractuel avec le droit au recours effectif garanti par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au paiement des congés payés non pris prévu par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Beauvais une somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que l'ordonnance attaquée est entachée :

- de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle ne regarde pas les deux courriers électroniques adressés par le centre hospitalier à M. B... à la suite de sa demande comme des décisions explicites de rejet, et d'erreur de droit dans l'application des articles R. 222-1 et R. 421-5 du code de justice administrative ;

- de méconnaissance du principe de primauté du droit de l'Union européenne et de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elle refuse d'écarter des règles de procédure faisant obstacle à l'application de la directive 2003/88 CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle estime que l'action en paiement qui tendait à obtenir la condamnation du centre hospitalier au versement de la somme de 35 288,88 euros était irrecevable et insusceptible de régularisation.

Le pourvoi a été communiqué au centre hospitalier de Beauvais, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., praticien hospitalier contractuel au centre hospitalier de Beauvais, a saisi ce dernier, par un courrier du 17 juillet 2020 dont il a été accusé réception le 20 juillet, d'une demande tendant au versement de la prime de précarité à l'issue du non-renouvellement de son contrat et à la compensation de congés payés non pris. Par une ordonnance du 18 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté comme tardive la demande de M. B..., enregistrée au greffe de ce tribunal le 13 janvier 2021, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 30 août 2022 par laquelle, sur le fondement du neuvième alinéa du même article, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables (...) / Les présidents des cours administratives d'appel (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) les requêtes dirigées contre les ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...)". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". En outre, aux termes de l'article du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents. ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après réception de la demande de M. B..., qui lui était personnellement adressée, la directrice des affaires générales du centre hospitalier de Beauvais a adressé à l'intéressé le 10 août 2020 un courriel qui, s'il ne faisait pas référence à sa demande, l'informait, d'une part, de la mise en paiement du solde de sa prime de précarité, d'autre part du non paiement du solde de ses jours de congés non pris. En estimant, pour en déduire que le délai de recours avait expiré le 23 novembre 2020, soit deux mois suivant la naissance de la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur la réclamation préalable de M. B..., que le courriel du 10 août 2020 ne pouvait être regardé, compte tenu de sa formulation, comme une décision explicite rejetant la demande de M. B..., la cour s'est méprise sur sa portée et a, par suite, commis une erreur de droit en regardant la demande de première instance comme tardive.

5. En deuxième lieu, M. B... soutient que sa demande préalable ne tendait pas à l'octroi d'une indemnité fondée sur l'irrégularité de ses conditions d'emploi, et qu'ainsi, sa demande ne pouvait, sur ce point, être rejetée sans qu'il soit invité à la régulariser par la production d'une décision rejetant sa demande. Ce moyen, nouveau en cassation, est inopérant.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée à titre subsidiaire, que M. B... n'est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque qu'en tant qu'elle est relative aux conclusions tendant au versement d'un rappel de salaire et au paiement des congés non pris.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Beauvais la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 30 août 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulée en tant qu'elle est relative aux conclusions tendant au versement d'un rappel de salaire et au paiement des congés non pris.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure devant la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le centre hospitalier de Beauvais versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au centre hospitalier de Beauvais.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 24 mai 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Cyrille Beaufils

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 468522
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2024, n° 468522
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468522.20240524
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