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21/05/2024 | FRANCE | N°489133

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 mai 2024, 489133


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance du 23 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, saisi d'un litige opposant Mme A... B... à la Caisse nationale des barreaux français concernant le recouvrement de cotisations sociales réclamées au titre de 2017, 2018 et 2019, a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale ainsi formulée : " L'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale prévoit que le débiteur d'un titre exécutoire dél

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 23 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, saisi d'un litige opposant Mme A... B... à la Caisse nationale des barreaux français concernant le recouvrement de cotisations sociales réclamées au titre de 2017, 2018 et 2019, a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale ainsi formulée : " L'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale prévoit que le débiteur d'un titre exécutoire délivré par le premier président de la cour d'appel compétente sur requête du conseil d'administration de la Caisse nationale des barreaux français dispose d'un délai de 15 jours à compter de la signification de ce titre pour en former opposition alors que le cotisant au régime général de la sécurité sociale dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission de recours amiable, puis d'un autre délai de deux mois pour saisir le juge judiciaire en cas de désaccord, conformément à l'article R. 142-1-A du même code. En prévoyant un délai de saisine du juge plus court pour les cotisants avocats que pour ceux du régime général, l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale méconnait-il le principe constitutionnel d'égalité devant la loi ' ".

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2024, la Caisse nationale des barreaux français demande au Conseil d'État de déclarer que l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale n'est pas entaché d'illégalité et de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi est inopérant et en tout état de cause infondé.

Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités demande au Conseil d'Etat de déclarer que l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale n'est pas entaché d'illégalité. Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi est inopérant et en tout état de cause infondé.

Mme B..., mise en cause, n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale des barreaux français ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des articles L. 651-1 et L. 652-2 du code de la sécurité sociale, la caisse nationale des barreaux français est une caisse privée dotée de la personnalité civile, à laquelle sont affiliés de plein droit, au titre de l'assurance vieillesse et invalidité-décès, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tous les avocats et avocats stagiaires en activité dans les barreaux de la métropole et de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Elle perçoit les cotisations mentionnées aux articles L. 625-6 à L. 625-10 du même code, l'article L. 652-11 précisant que : " Le rôle des cotisations est rendu exécutoire par le premier président de chaque cour d'appel, sur l'avis du procureur général. " L'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale dispose que : " Le rôle des cotisations est établi par le conseil d'administration de la Caisse nationale des barreaux français. Il est transmis au premier président et au procureur général de chaque cour d'appel accompagné des requêtes aux fins de délivrance des titres exécutoires. / Les titres exécutoires sont signifiés par acte d'huissier de justice ou notifiés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence du titre exécutoire, son montant, les délais et voies de recours ainsi que la juridiction compétente. / Dans un délai de quinze jours à compter de la signification du titre exécutoire, le débiteur peut former opposition devant le tribunal judiciaire. Le juge territorialement compétent est celui du lieu du siège de la Caisse nationale des barreaux français. L'opposition est motivée ".

2. Mme B... soutient, à l'appui de son opposition devant le juge judiciaire aux états exécutoires émis à son encontre par la Caisse nationale des barreaux français pour le recouvrement d'arriérés de cotisations sociales, qu'en prévoyant un délai de quinze jours pour la saisine du juge par le débiteur d'un titre exécutoire délivré par le premier président de la cour d'appel compétente sur requête de la Caisse nationale des barreaux français à compter de la signification de ce titre, la première phrase du dernier alinéa de l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale porte atteinte au principe d'égalité devant la loi, dès lors que, pour le régime général, le III de l'article R. 142-1-A du même code prévoit que : " S'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. (...) "

3. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des personnes affiliées à des régimes de sécurité sociale différents, lesquels forment chacun un ensemble dont les dispositions ne peuvent être envisagées isolément, soient soumises à des règles différentes au regard de l'objet de la réglementation applicable.

4. D'autre part et en tout état de cause, en vertu de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, les cotisants au régime général de sécurité sociale peuvent former opposition aux contraintes décernées, en application de l'article L. 244-9 du même code, par le directeur de l'organisme de recouvrement de ce régime devant le tribunal judiciaire compétent, dans le même délai de quinze jours que celui prévu par l'article R. 652-25 de ce code pour les contestations des avocats concernant les états exécutoires émis pour le recouvrement de leurs cotisations sociales.

5. Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi en tant qu'il prévoit que le délai d'opposition est de quinze jours à compter de la signification du titre exécutoire.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros à verser à la Caisse nationale des barreaux français au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'article R. 652-25 du code de la sécurité sociale n'est pas fondée.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 3 000 euros à la Caisse nationale des barreaux français au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., à la Caisse nationale des barreaux français, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et au président du tribunal judiciaire de Paris.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 489133
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2024, n° 489133
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489133.20240521
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