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06/05/2024 | FRANCE | N°474445

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 mai 2024, 474445


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 8 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Getir France, la société d'administrateurs judiciaires Abitbol et Rousselet, la société El Baze-Charpentier, la société BTSG, la société MJA demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans l

ocaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;



2°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 8 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Getir France, la société d'administrateurs judiciaires Abitbol et Rousselet, la société El Baze-Charpentier, la société BTSG, la société MJA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la directive UE 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Getir France et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Getir France et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence " est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives (...) ".

3. D'une part, l'arrêté attaqué, qui a pour seul objet de modifier les définitions de certaines sous-destinations, telles que régies par l'arrêté du 10 novembre 2016, ne peut être considéré comme ayant pour objet ou pour effet d'instituer un régime nouveau au sens de l'article L. 462-2 du code de commerce. D'autre part, la définition des sous-destinations des constructions qui peuvent être règlementées dans les documents locaux d'urbanisme est par elle-même sans effet sur l'accès à un marché au sens de ce même article. Il en résulte que l'arrêté attaqué n'avait pas à être soumis à l'Autorité de la concurrence ni à la Commission européenne sur le fondement de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information dès lors que la définition des sous-destinations qui résulte de l'arrêté attaqué ne constitue pas une règle technique au sens de cette directive.

Sur la légalité interne :

4. En premier lieu, aux termes du 2° du II de l'article 1 de l'arrêté attaqué : " La sous-destination " artisanat et commerce de détail " recouvre les constructions destinées aux activités artisanales de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, les constructions commerciales avec surface de vente destinées à la présentation ou à l'exposition de biens et de marchandises proposées à la vente au détail à une clientèle, ainsi que les locaux dans lesquels sont exclusivement retirés par les clients les produits stockés commandés par voie télématique ". Aux termes du 3ème alinéa du 1° du IV de l'article 1 de l'arrêté attaqué : " La sous-destination " entrepôt " recouvre les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l'entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un local de stockage ne peut relever de la sous-destination commerce que si les produits commandés sont exclusivement retirés par les seuls clients, les locaux de stockage où les retraits sont faits par d'autres que les clients, notamment des livreurs, relevant quant à eux nécessairement de la sous-destination entrepôts. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions sont claires et ne méconnaissent donc pas le principe d'intelligibilité de la norme.

6. En deuxième lieu, les définitions retenues reposent sur des critères objectifs, tenant à la différence de situation entre les locaux selon qu'ils sont, ou non, fréquentés exclusivement par des livreurs. Par suite, ils ne méconnaissent pas le principe d'égalité ni le principe de non-discrimination.

7. En troisième lieu, si les requérants invoquent les principes de la liberté d'entreprendre, de la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté d'établissement, les dispositions attaquées sont, en tant que telles, sans effet sur la possibilité d'exercer localement une activité donnée, qui dépend des choix faits, au niveau local, par les autorités compétentes dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait ces principes ne peut qu'être écarté.

8. Enfin, en quatrième lieu, aux termes de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. / Elle peut également y avoir recours, sous les mêmes réserves et dans les mêmes conditions, afin d'accompagner un changement de réglementation ".

9. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'arrêté attaqué n'entre pas dans le champ du 1er alinéa de cet article, puisque les règles applicables précédemment prévoyaient déjà que des locaux destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises pour faire l'objet d'une livraison rapide ne pouvaient constituer des locaux " destinés à la présentation et vente de bien directe à une clientèle " au sens de la définition de la sous-destination " artisanat et commerce de détail " retenue par l'arrêté du 10 novembre 2016 dans sa version antérieure à l'arrêté attaqué, mais, constituaient même en cas d'installation de points de retrait, des entrepôts. Par suite, il ne saurait être soutenu que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation faute d'avoir édicté des mesures transitoires.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Getir France et autres doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Getir France et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Getir France, première dénommée pour l'ensemble des requérants et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 avril 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 6 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Hoynck

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 474445
Date de la décision : 06/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2024, n° 474445
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474445.20240506
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