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06/05/2024 | FRANCE | N°461538

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 mai 2024, 461538


Vu la procédure suivante :



La société Rexma a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 20 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture de travaux miniers, ensemble la décision du 17 octobre 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1701288 du 18 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 19BX03914 du 17 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Me A..., liquid

ateur judiciaire de la société Rexma, contre ce jugement.



Par un po...

Vu la procédure suivante :

La société Rexma a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 20 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture de travaux miniers, ensemble la décision du 17 octobre 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1701288 du 18 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX03914 du 17 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Me A..., liquidateur judiciaire de la société Rexma, contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 février et 16 mai 2022 et 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Me C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code minier ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre chargé des mines a, les 3 mai et 26 octobre 2012, accordé à la société Rexma un permis d'exploitation de mines d'or et de substances connexes dans le secteur de la crique Limonade, sur le territoire de la commune de Saül en Guyane, pour une durée de cinq ans. Par un jugement du 3 mars 2017, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision du 13 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté la demande d'autorisation d'ouverture de travaux miniers et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Rexma contre ce refus et a enjoint au préfet de procéder à une nouvelle instruction du dossier dans un délai de deux mois. Par une décision du 20 juillet 2017, le préfet de la Guyane a refusé d'accorder à la société Rexma l'autorisation d'ouverture de travaux miniers sollicitée. Par un jugement du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande d'annulation de cette décision préfectorale. Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de la cour administrative d'appel que Me A... a produit une note en délibéré, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 1er décembre 2021, postérieurement à l'audience publique du 23 novembre 2021. Faute de viser cette note, l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Me A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif, qui analyse et répond à chacun des moyens soulevés devant lui, est insuffisamment motivé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise les textes applicables et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a jugé que le permis d'exploitation ne confère pas de plein droit une autorisation d'ouverture de travaux miniers au titre d'une autorisation d'exploitation, pour en déduire que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, au sens du nouveau code minier devait être écarté, n'est pas assorti des précisions nécessaires à son examen.

9. En troisième lieu, si l'existence de différences entre la version de l'étude d'impact remise au maître d'ouvrage par le cabinet d'étude Ecobios et celle remise à l'administration qui a été finalisée par M. B..., mandaté par la société Burgeap liée par contrat avec la société Rexma, ne suffit pas à faire regarder l'étude d'impact comme étant entachée d'une irrégularité substantielle tenant à son caractère non sincère, dès lors qu'en application des articles R. 122-1 et R. 122-4 du code de l'environnement, l'étude d'impact préalable à la réalisation du projet est réalisée sous la responsabilité du ou des maîtres d'ouvrage responsables de la qualité et du contenu de cette étude, l'arrêté attaqué ne fait toutefois état de cette circonstance de fait que pour constater, au regard notamment du nouveau rapport d'instruction de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Guyane en date du 28 avril 2017 et des données d'inventaire transmises par le Parc amazonien, que le document final remis à l'administration sous-estime gravement l'impact du projet sur l'écosystème, en minimisant ou en passant sous silence les dommages sur l'environnement et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine dans la crique Limonade. Dans ces circonstances, le préfet de Guyane a pu, légalement, estimer que les différences entre la version de l'étude d'impact remise au maître d'ouvrage et celle remise à l'administration entachaient cette étude d'impact d'irrégularités substantielles.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 du décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, dans sa version applicable au litige : " I.- Le demandeur d'une autorisation présentée au titre de l'article 3 constitue un dossier comprenant [...] 4° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine [...] VIII. - Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : a) Le maître d'ouvrage s'assure que celle-ci est préparée par des experts compétents ; b) Le maître d'ouvrage tient compte, le cas échéant, des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables ; ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. L'autorité administrative peut se fonder sur ce motif pour refuser la délivrance de l'autorisation demandée.

11. Le requérant soutient qu'aucune espèce protégée identifiée dans le document final n'a été écartée des listes d'inventaire présentées au public et à l'administration et que l'appréciation de l'impact du projet n'a pas davantage été minimisée dans l'étude faune-flore remise à l'administration, laquelle mentionne la présence de 100 espèces sur le site prévu pour l'exploitation minière et l'existence de mesures spécifiques de protection pour les reptiles et fait état du caractère remarquable du site de la crique Limonade pour les mammifères et de ce que l'exploitation minière prévue, dans les conditions de reforestation proposées, aura un impact temporaire sur les sous populations locales des quinze espèces aviaires sensibles.

12. Il ressort toutefois d'une note du procureur de la République de Cayenne du 28 novembre 2014, qu'ont été dénombrées entre l'étude remise par la société Ecobios à la société Rexma et celle remise à l'administration, 102 modifications du rapport initial portant sur les études des mammifères, des poissons, des reptiles, des batraciens, des chauves-souris, des oiseaux et de la flore, et que la lecture d'un " tableau comparatif montre que les suppressions, modifications et ajouts sont univoques et tendent à démontrer que l'impact d'une exploitation minière a une faible importance sur l'écosystème, peut même l'améliorer, et, est dans tous les cas, réversible alors que le rapport initial souligne les dommages et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine sur la crique Limonade. ". La circonstance que cette note du procureur de la République ne soit pas revêtue de l'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à ce que les éléments de fait qu'elle comporte puissent être pris en compte par le juge administratif. Par ailleurs, le nouveau rapport de la DEAL de la Guyane en date du 28 avril 2017, mentionne, pour sa part, que sur les 102 modifications apportées à l'étude initiale, 37 ont eu un impact significatif en ce qu'elles ont conduit à présenter une version faussée de l'état environnemental du site et des impacts du projet sur l'environnement. Ce rapport relève notamment que le caractère exceptionnel du site en matière d'ornithologie, qui comporte 37 espèces d'oiseaux rares dont 4 protégées, est occulté, que les indications relatives à d'autres enjeux écologiques majeurs du secteur tels que la richesse en habitat ripicole, la présence d'amphibiens et de chiroptères, la présence ou la nidification d'espèces protégées telles que la loutre géante ou l'onoré zigzag ont été supprimées, que des paragraphes mettant en évidence les disparitions que causeraient les travaux envisagés ont été remplacés par des développements sur la neutralité de ces travaux sur les espèces liées aux rivières, leurs effets positifs sur les gibiers, le maintien des populations grâce à la reconstitution continue des milieux et la réinstallation ailleurs des deux espèces les plus rares. Le requérant n'apporte, pour sa part, aucun élément de nature à démontrer le caractère sincère de l'étude remise à l'administration. Compte tenu du caractère substantiel des inexactitudes, omissions et insuffisances entachant ainsi l'étude d'impact, le préfet pouvait légalement estimer qu'elles étaient de nature à exercer une influence sur sa décision en ce qu'elles ne lui permettaient pas de déterminer les mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet, et ce alors même que ces services disposaient aussi de l'étude d'impact dite " originale ", et qu'elles étaient de nature à nuire à l'information complète de la population, notamment durant l'enquête publique, et refuser pour ce motif de délivrer l'autorisation demandée. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'a pas commis d'erreur d'appréciation sur l'absence de régularité de l'étude d'impact produite par la société Rexma.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, " Lorsqu'une demande adressée à une administration est affectée par un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et que ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux, l'administration invite l'auteur de la demande à la régulariser en lui indiquant le délai imparti pour cette régularisation, les formalités ou les procédures à respecter ainsi que les dispositions légales et réglementaires qui les prévoient. (...) ".

14. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet pouvait légalement rejeter, pour le motif tiré de ce que l'étude d'impact était entachée d'inexactitudes, omissions et insuffisances délibérées constitutives d'un vice la dénaturant, la demande d'autorisation d'ouverture de travaux miniers de la société Rexma sans avoir à mettre en œuvre, sur le fondement de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures nécessaires à une régularisation du dossier de demande et de l'enquête publique. La circonstance que la société requérante ait collaboré à l'enquête publique, qui s'est déroulée du 4 mai au 19 juin 2009, et qu'elle ait répondu aux remarques du 22 avril 2011 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, émises après que le dossier lui fut transmis par le préfet de la Guyane, est sans influence sur ce point.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Me C... A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma, doit être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Me A... à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La requête de Me A... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me C... A..., liquidateur judiciaire de la société Rexma et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 avril 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 6 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Hoynck

La rapporteure :

Signé : Mme Stéphanie Vera

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 461538
Date de la décision : 06/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2024, n° 461538
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:461538.20240506
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