Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Monceau Investissements Immobiliers a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2021 dans les rôles de la commune de Toulouse (Haute-Garonne), d'autre part de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par un jugement no 2202538 du 21 février 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril 2023 et 1er août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Monceau Investissements Immobiliers demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, la société soutient que le tribunal administratif de Toulouse :
- a commis une erreur de droit, d'une part, en jugeant que, pour apprécier la légalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2021, il lui appartenait de rechercher si le produit de la taxe n'était pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, et d'autre part, en excluant le produit de la redevance spéciale des recettes non fiscales devant être déduites du montant des dépenses que cette taxe a vocation à financer ;
- l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit en refusant d'extourner une dépense de 9 069 750 euros retenue dans les charges du service de collecte et de traitement des déchets sans rechercher si la refacturation correspondante de charges d'administration générale effectuée entre le budget général et le budget annexe résultait de l'identification suffisamment précise de dépenses, à partir d'une comptabilité analytique et de clés de répartition adéquates ;
- a commis une erreur de droit, inexactement qualifié les faits de l'espèce et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que les éléments d'information budgétaires et analytiques versés aux débats étaient suffisamment précis pour établir que la dépense de 5 411 098 euros avait été directement exposée pour le service public de collecte et de traitement des déchets.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la Société Monceau Investissements Immobiliers ;
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Monceau Investissements Immobiliers se pourvoit en cassation contre l'article 1er du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2021 dans les rôles de la commune de Toulouse (Haute-Garonne).
2. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure (...) ".
3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.
4. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes ou des dépenses réelles d'investissement lorsque la taxe n'a pas pourvu aux dotations aux amortissements.
5. Peuvent être incluses dans les dépenses de fonctionnement à prendre en compte au titre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers, celles correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité, calculée au moyen d'une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la collectivité, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour les besoins de ce service.
6. Il ressort du jugement du tribunal administratif que, pour juger que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2021 n'avait pas été fixé par Toulouse Métropole à un niveau manifestement excessif, celui-ci s'est fondé sur un montant estimé de dépenses du service de collecte et de traitement des ordures ménagères de 99 791 254 euros, lequel incluait une somme de 14 643 132 euros dont 5 411 098 euros correspondant à des charges d'administration générale imputées forfaitairement au budget " collecte et valorisation des déchets " et 9 069 750 euros correspondant à un mouvement de refacturation entre le budget général et le budget annexe. En admettant la prise en compte dans les dépenses du service, d'une part, de la première de ces sommes au seul motif qu'elle correspondait à des " frais de structure " qui avaient été imputés à hauteur de 12,05 % de leur montant et, d'autre part, de la seconde de ces sommes, calculée elle-aussi sur la base d'une quote-part, au seul motif qu'elle correspondait à un mouvement de refacturation depuis le budget général, sans rechercher si les taux des dépenses imputées au budget annexe étaient eux-mêmes justifiés par des éléments de comptabilité analytique, de sorte que les dépenses correspondantes pouvaient être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets, le tribunal a commis une erreur de droit.
7. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Monceau Investissements Immobiliers est fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal qu'elle attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Monceau Investissements Immobiliers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 21 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulouse.
Article 3 : L'Etat versera à la société Monceau Investissements Immobiliers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Monceau Investissements Immobiliers et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.