La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/04/2024 | FRANCE | N°471150

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 29 avril 2024, 471150


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à a protection internationale dont il bénéficiait et de le maintenir dans sa qualité de réfugié.



Par une décision n° 20045772 du 7 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire comp

lémentaire, enregistrés les 7 février et 5 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à a protection internationale dont il bénéficiait et de le maintenir dans sa qualité de réfugié.

Par une décision n° 20045772 du 7 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 5 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., ressortissant turc d'origine kurde, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 février 2005. Après avoir été informé de la condamnation pénale dont l'intéressé avait fait l'objet le 23 avril 2013 pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste et de financement d'entreprise terroriste, par un arrêt de la cour d'appel de Paris devenu irrévocable, l'OFPRA a, par une décision du 13 novembre 2020, mis fin à son statut de réfugié sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, au motif qu'il s'était rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 7 décembre 2022 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé sa décision du 13 novembre 2020 et maintenu M. A... dans la qualité de réfugié.

2. Aux termes de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a repris les dispositions de l'article L. 711-4 du même code, l'OFPRA " met (...) fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : (...) / 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 (...) ". Selon le F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, cette convention ne s'applique pas aux personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Il résulte de l'article L. 511-6 du même code que la section F de l'article 1er de la convention de Genève s'applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des agissements qui y sont mentionnés ou qui y sont personnellement impliquées.

3. Les actes terroristes ayant une ampleur internationale en termes de gravité, d'impact international et d'implications pour la paix et la sécurité internationales peuvent être assimilés à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens du c du F de l'article 1er de la convention de Genève. Il en va ainsi des actions de soutien à une organisation qui commet, prépare ou incite à la commission de tels actes, notamment en participant de manière significative à son financement.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 avril 2013 devenu irrévocable, M. A... a été condamné à une peine de 30 mois d'emprisonnement avec sursis, pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste et financement d'entreprise terroriste, à raison de faits commis de 2004 à 2007. Cette condamnation est fondée sur le constat selon lequel celui-ci a personnellement et sciemment participé à la collecte de fonds au profit du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation kurde figurant sur la liste officielle des organisations terroristes de l'Union européenne. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que l'intéressé a été condamné pour avoir activement participé à cette collecte de fonds, en assumant le rôle de collecteur centralisateur des fonds collectés dans le département des Yvelines, en donnant des instructions aux autres collecteurs et en effectuant des opérations pouvant s'apparenter à des blanchiments de fonds. En jugeant en conséquence, après avoir relevé des éléments caractérisant le fait que M. A... participait de manière significative au financement du PKK, qu'il n'existait aucune raison sérieuse de penser qu'une part de responsabilité dans des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies pouvait être imputée à l'intéressé, tout en reconnaissant le soutien apporté aux activités du PKK, dont l'action a une dimension internationale, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'une inexacte qualification juridique des faits.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 décembre 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 4 avril 2024 où siégeaient : Mme Anne Courrèges, assesseure, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 29 avril 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Courrèges

La rapporteure :

Signé : Mme Amélie Fort-Besnard

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 471150
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2024, n° 471150
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471150.20240429
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award