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26/04/2024 | FRANCE | N°467246

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 26 avril 2024, 467246


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt n° 18BX00919 du 1er avril 2019 par lequel cette cour a enjoint à la commune de Saint-Joseph (La Réunion) de régulariser sa situation au regard de sa rémunération et de ses droits à pension dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt, conformément à l'injonction prononcée par l'article 2 du jugement n° 1400330 d

u 13 avril 2017 du tribunal administratif de La Réunion.



Par ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt n° 18BX00919 du 1er avril 2019 par lequel cette cour a enjoint à la commune de Saint-Joseph (La Réunion) de régulariser sa situation au regard de sa rémunération et de ses droits à pension dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt, conformément à l'injonction prononcée par l'article 2 du jugement n° 1400330 du 13 avril 2017 du tribunal administratif de La Réunion.

Par un arrêt n° 21BX00349 du 5 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de Mme A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre et 29 novembre 2022 et le 1er septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'exécution ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

- le décret n° 91-841 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 2001-898 du 28 septembre 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de Mme B... A... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Saint-Joseph ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 13 avril 2017, le tribunal administratif de La Réunion a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née le 19 février 2014 du silence gardé par le maire de Saint-Joseph sur la demande de Mme A... tendant à être intégrée, à compter du 25 juillet 2001, en application des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques et de voir sa carrière reconstituée et a, d'autre part, enjoint à la commune de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à l'intégration de Mme A... dans ce cadre d'emplois et à la reconstitution de sa carrière à compter du 25 juillet 2001. Par un arrêt du 1er avril 2019, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la commune de Saint-Joseph contre ce jugement. Par un arrêté du 28 mai 2018, le maire de cette commune a nommé Mme A... dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques à compter du 25 juillet 2001 et a reconstitué sa carrière. Saisie par Mme A... d'une demande d'exécution du jugement du 13 avril 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un second arrêt du 1er avril 2019, également devenu définitif, enjoint à la commune de Saint-Joseph de régulariser sa situation, à compter du 25 juillet 2001, au regard de sa rémunération et de ses droits à pension, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt. Le maire de Saint-Joseph a pris le 5 juillet 2019 un arrêté modifiant celui du 28 mai 2018, en vue de procéder à cette régularisation. Mme A..., estimant que cette régularisation n'était pas complète dans la mesure où les sommes qui lui ont été versées, ainsi qu'à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le 9 octobre 2019, ne prenaient pas en compte les majorations de traitement dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux en service à La Réunion, a saisi le 7 août 2019 la cour administrative d'appel de Bordeaux d'une nouvelle demande d'exécution. Par une ordonnance du 1er février 2021, la présidente de cette cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par un arrêt du 5 juillet 2022, la cour administrative d'appel a rejeté la demande de Mme A.... Celle-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...) ".

3. D'une part, l'annulation pour excès de pouvoir d'un refus d'intégration dans un cadre d'emplois d'un agent contractuel de la fonction publique territoriale, assortie d'une injonction de procéder à cette intégration avec effet rétroactif, impose à l'administration de procéder à la reconstitution de la carrière de l'intéressé et de lui verser, s'il y a lieu, un rappel de rémunération pour la période concernée par cette reconstitution et pendant laquelle il a effectivement rempli les obligations de service correspondant aux fonctions dans lesquelles il a été affecté, sans préjudice, le cas échéant, de l'action indemnitaire que cet agent pourrait engager au titre des préjudices de tout nature qu'il estimerait découler du retard avec lequel cette intégration a été prononcée. D'autre part, les rappels de rémunération dus à raison d'une telle reconstitution sont déterminés en prenant en compte, pour un agent de la fonction publique territoriale qui a exercé ses fonctions pendant la période considérée dans une collectivité territoriale où elles sont applicables, les majorations de traitement prévues au profit des fonctionnaires en service dans les collectivités d'outre-mer, lorsque ces majorations, bien que présentant le caractère d'une indemnité attachée à l'exercice des fonctions, sont attribuées aux agents qui exercent leurs fonctions dans une collectivité d'outre-mer sans considération de la nature des fonctions exercées.

4. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, d'une part, en faisant application, pour statuer sur la demande de Mme A... tendant à l'exécution du jugement annulant le refus opposé à sa demande d'intégration dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques à compter du 25 juillet 2001 et enjoignant à la commune de reconstituer sa carrière, des principes qui régissent la réparation du préjudice subi par un agent public irrégulièrement évincé, d'autre part, en en déduisant que Mme A... n'était pas en droit, au motif qu'elle n'avait pas effectivement exercé les fonctions attachées au cadre d'emploi dans lequel elle a été nommée rétroactivement, de prétendre au bénéfice de la majoration de 25 % prévue par l'article 3 de la loi du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, alors que cette majoration est attribuée aux agents exerçant leurs fonctions dans l'une des collectivités d'outre-mer qu'elle vise, sans considération de la nature des fonctions exercées. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph le versement à Mme A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La commune de Saint-Joseph versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Joseph au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Saint-Joseph (La Réunion).

Délibéré à l'issue de la séance du 20 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat ; M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 26 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Autret

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467246
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTÉGRATIONS - CONSÉQUENCES DE L’ANNULATION CONTENTIEUSE DU REFUS D’INTÉGRER UN AGENT CONTRACTUEL DANS UN CADRE D’EMPLOI – 1) OBLIGATIONS DE L’ADMINISTRATION – RECONSTITUTION DE LA CARRIÈRE – VERSEMENT DES RÉMUNÉRATIONS JUSTIFIÉES PAR UN SERVICE FAIT - INCLUANT LE CAS ÉCHÉANT LES MAJORATIONS DE TRAITEMENT PRÉVUES AU PROFIT DES FONCTIONNAIRES EN SERVICE DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER – 2) APPLICATION DES PRINCIPES RÉGISSANT LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE SUBI PAR UN AGENT PUBLIC IRRÉGULIÈREMENT ÉVINCÉ – ABSENCE.

36-04 1) L’annulation pour excès de pouvoir d’un refus d’intégration dans un cadre d’emplois d’un agent contractuel de la fonction publique territoriale, assortie d’une injonction de procéder à cette intégration avec effet rétroactif, impose à l’administration de procéder à la reconstitution de la carrière de l’intéressé et de lui verser, s’il y a lieu, un rappel de rémunération pour la période concernée par cette reconstitution et pendant laquelle il a effectivement rempli les obligations de service correspondant aux fonctions dans lesquelles il a été affecté, sans préjudice, le cas échéant, de l’action indemnitaire que cet agent pourrait engager au titre des préjudices de tout nature qu’il estimerait découler du retard avec lequel cette intégration a été prononcée. ...Les rappels de rémunération dus à raison d’une telle reconstitution sont déterminés en prenant en compte, pour un agent de la fonction publique territoriale qui a exercé ses fonctions pendant la période considérée dans une collectivité territoriale où elles sont applicables, les majorations de traitement prévues au profit des fonctionnaires en service dans les collectivités d’outre-mer, lorsque ces majorations, bien que présentant le caractère d’une indemnité attachée à l’exercice des fonctions, sont attribuées aux agents qui exercent leurs fonctions dans une collectivité d’outre-mer sans considération de la nature des fonctions exercées....2) Les principes qui régissent la réparation intégrale du préjudice subi par un agent public irrégulièrement évincé ne sont pas applicables pour déterminer les modalités de reconstitution de la carrière de l’agent et les montants de rappels de rémunérations dus par l’administration dans un tel cas.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - CONSÉQUENCES DE L’ANNULATION CONTENTIEUSE DU REFUS D’INTÉGRER UN AGENT CONTRACTUEL DANS UN CADRE D’EMPLOI – 1) OBLIGATIONS DE L’ADMINISTRATION – RECONSTITUTION DE LA CARRIÈRE – VERSEMENT DES RÉMUNÉRATIONS JUSTIFIÉES PAR UN SERVICE FAIT - INCLUANT LE CAS ÉCHÉANT LES MAJORATIONS DE TRAITEMENT PRÉVUES AU PROFIT DES FONCTIONNAIRES EN SERVICE DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER – 2) APPLICATION DES PRINCIPES RÉGISSANT LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE SUBI PAR UN AGENT PUBLIC IRRÉGULIÈREMENT ÉVINCÉ – ABSENCE.

36-12 1) L’annulation pour excès de pouvoir d’un refus d’intégration dans un cadre d’emplois d’un agent contractuel de la fonction publique territoriale, assortie d’une injonction de procéder à cette intégration avec effet rétroactif, impose à l’administration de procéder à la reconstitution de la carrière de l’intéressé et de lui verser, s’il y a lieu, un rappel de rémunération pour la période concernée par cette reconstitution et pendant laquelle il a effectivement rempli les obligations de service correspondant aux fonctions dans lesquelles il a été affecté, sans préjudice, le cas échéant, de l’action indemnitaire que cet agent pourrait engager au titre des préjudices de tout nature qu’il estimerait découler du retard avec lequel cette intégration a été prononcée. ...Les rappels de rémunération dus à raison d’une telle reconstitution sont déterminés en prenant en compte, pour un agent de la fonction publique territoriale qui a exercé ses fonctions pendant la période considérée dans une collectivité territoriale où elles sont applicables, les majorations de traitement prévues au profit des fonctionnaires en service dans les collectivités d’outre-mer, lorsque ces majorations, bien que présentant le caractère d’une indemnité attachée à l’exercice des fonctions, sont attribuées aux agents qui exercent leurs fonctions dans une collectivité d’outre-mer sans considération de la nature des fonctions exercées....2) Les principes qui régissent la réparation intégrale du préjudice subi par un agent public irrégulièrement évincé ne sont pas applicables pour déterminer les modalités de reconstitution de la carrière de l’agent et les montants de rappels de rémunérations dus par l’administration dans un tel cas.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2024, n° 467246
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Autret
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:467246.20240426
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