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03/04/2024 | FRANCE | N°471752

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 03 avril 2024, 471752


Vu la procédure suivante :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " travailleur temporaire " - " salarié " ou " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler et une autorisation provisoire de séjour avec autorisation

de travail, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente,...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " travailleur temporaire " - " salarié " ou " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler et une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Par un jugement n° 2102418 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 21NC03289 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel formé par le préfet de Meurthe-et-Moselle, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Audrey Prince, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 11 août 2017. S'étant déclaré mineur, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Le 3 mars 2019, devenu majeur, il a sollicité du préfet de Meurthe-et-Moselle la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail. Par un arrêt du 29 septembre 2022, contre lequel M. C... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

4. D'autre part, selon l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1°Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. En premier lieu, la seule circonstance que le requérant ait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Nancy ne privait pas le préfet de la possibilité de vérifier que M. C... leur avait effectivement été confié entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans ni d'ailleurs qu'il était dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire, conditions posées par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers citées au point 5 et sur lesquelles était fondée sa demande de titre de séjour. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le préfet avait pu légalement procéder à l'évaluation de la minorité du requérant lors de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.

7. En second lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les documents présentés par M. C... pour justifier de son état civil présentaient plusieurs anomalies caractéristiques des documents défectueux en sortie de production mis sur le marché des faux documents et que ces irrégularités étaient de nature à remettre en cause l'exactitude des informations figurant sur ces documents. Dès lors, en estimant que la condition tirée d'une prise en charge entre seize et dix-huit ans au titre de l'aide sociale à l'enfance n'était pas satisfaite et en jugeant que le préfet, qui avait porté une appréciation globale sur la situation du requérant, n'avait pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", la cour administrative d'appel de Nancy, dont l'arrêt est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune erreur de droit, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation exempte de dénaturation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471752
Date de la décision : 03/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 2024, n° 471752
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Audrey Prince
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471752.20240403
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