La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°468569

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 28 mars 2024, 468569


Vu la procédure suivante :



La société Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2021-0858 du 14 août 2021 du préfet du Val d'Oise prescrivant l'obligation du " passe sanitaire " et rendant obligatoire le port du masque pour accéder aux centres commerciaux de plus de 20 000 m2 du département du Val d'Oise en ce qu'il subordonne l'accès des centres commerciaux " Les trois fontaines ", " My Place " et " Les portes de Taverny " à la présentation du " passe sanitaire ". Par une or

donnance n° 2113212 du 12 mai 2022, la présidente de la 10ème chambre du tr...

Vu la procédure suivante :

La société Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2021-0858 du 14 août 2021 du préfet du Val d'Oise prescrivant l'obligation du " passe sanitaire " et rendant obligatoire le port du masque pour accéder aux centres commerciaux de plus de 20 000 m2 du département du Val d'Oise en ce qu'il subordonne l'accès des centres commerciaux " Les trois fontaines ", " My Place " et " Les portes de Taverny " à la présentation du " passe sanitaire ". Par une ordonnance n° 2113212 du 12 mai 2022, la présidente de la 10ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22VE01499 du 1er septembre 2022, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Auchan Hypermarché contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un pourvoi rectificatif et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre et 2 novembre 2022 et 30 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Auchan Hypermarché demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Auchan Hypermarché.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 août 2021 du préfet du Val d'Oise prescrivant l'obligation du " passe sanitaire " et rendant obligatoire le port du masque pour accéder aux centres commerciaux de plus de 20 000 m2 du département du Val d'Oise en ce qu'il subordonne l'accès des centres commerciaux " Les trois fontaines ", " My Place " et " Les portes de Taverny " à la présentation du passe sanitaire. Par une ordonnance du 12 mai 2022, la présidente de la 10ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête. La société Auchan Hypermarché se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre cette ordonnance.

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, à la date à laquelle le juge est saisi, l'administration a abrogé l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet la requête formée à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive

3. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que pour rejeter l'appel de la société Auchan Hypermarché, le président de la 4ème chambre de la cour administrative de Versailles s'est fondé sur ce que l'arrêté attaqué avait été abrogé par un arrêté du 7 septembre 2021, ce dont il a déduit qu'à la date de l'enregistrement de la demande au tribunal administratif de Cergy Pontoise, soit le 14 octobre 2021, cet arrêté avait disparu de l'ordonnancement juridique et que dès lors, la requête était, à la date à laquelle elle a été formée, dépourvue d'objet et, par suite, irrecevable. En se prononçant par ces motifs, sans rechercher si cet arrêté avait reçu une exécution pendant la période où il était en vigueur, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit qui en justifie l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond au titre de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. L'arrêté attaqué se fonde, d'une part, sur les dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa version issue du décret du 7 août 2021, qui permettaient au préfet de subordonner, sur décision motivée, à la présentation du " passe sanitaire " l'accès aux centres commerciaux comportant plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifiaient et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, et, d'autre part, sur les dispositions de l'article 1er du même décret du 1er juin 2021, qui habilitaient le préfet à rendre le port du masque obligatoire dans les cas non-prescrits par ce décret, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances l'exigeaient.

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué comportant l'ensemble des éléments de droit et de fait sur lequel il se fonde, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il serait entaché d'insuffisance de motivation.

7. En deuxième lieu, eu égard au contexte de reprise rapide de l'épidémie de covid-19 qui prévalait à la date où ont été adoptées les dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 dans sa version issue du décret du 7 août 2021et qui imposait, pour la préservation des personnes les plus exposées aux formes graves, non seulement une protection directe mais aussi un ralentissement de la propagation du virus, la société requérante n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception à l'encontre de l'arrêté attaqué, l'atteinte disproportionnée que ces dispositions auraient portée à la liberté d'aller et venir, à la liberté du commerce et de l'industrie et au principe de libre concurrence.

8. En troisième lieu, la société requérante n'est, pour les mêmes motifs, pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée aux libertés mentionnées au point précédent et au droit au respect de la vie privée et familiale, ni qu'il porterait atteinte au principe d'égalité et de non-discrimination.

9. En quatrième lieu, la société requérante n'est fondée à soutenir ni que le préfet du Val d'Oise ne pouvait légalement prendre en compte, pour édicter l'arrêté attaqué, la surcharge des services hospitaliers, ni que les mesures prises, n'étaient pas justifiées par la gravité de la situation épidémiologique, ni que le faible risque de contamination dans les centres commerciaux remettrait en cause la légalité de la mesure contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté qu'elle attaque.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 1er septembre 2022 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.

Article 2 : La requête de la société Auchan Hypermarché est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Auchan Hypermarché au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Auchan Hypermarché et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 468569
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2024, n° 468569
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468569.20240328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award