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25/03/2024 | FRANCE | N°490578

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 25 mars 2024, 490578


1° Sous le n° 490578, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 décembre 2023 et le 28 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. C... A..., E... D..., Mmes B..., F... G..., H... I... et J... K... demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 ;



2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 300 000 francs CFP à

leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° ...

1° Sous le n° 490578, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 décembre 2023 et le 28 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. C... A..., E... D..., Mmes B..., F... G..., H... I... et J... K... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 300 000 francs CFP à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 490871, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 13 janvier et 15 février 2024, l'ordre des avocats au barreau de Papeete demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article LP 4 de la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme globale de 200 000 francs CFP à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 490874, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 janvier et 8 mars 2024, les sociétés Imagine Promotion, Canopy Hills et Core construction, ainsi que MM. Franck Zermati, Jean-Luc Cholet et Noël Cola demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles LP 4, LP 15 et LP 16 de la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme globale de 400 000 francs CFP à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n°2005-59 APF du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat du président de l'assemblée de la Polynésie française et de la présidence de la Polynésie française ;

Considérant ce qui suit :

1 Aux termes de l'article 180-1 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Par dérogation au premier alinéa des I et II de l'article 176 et au premier alinéa des articles 178 et 180, les actes dénommés " lois du pays " relatifs aux impôts et taxes peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat à compter de la publication de leur acte de promulgation. " Aux termes de l'article 180-3 de la même loi organique : " I. - A compter de la publication de l'acte de promulgation d'un acte dénommé " loi du pays " relatif aux impôts et taxes, le haut-commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou six représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent déférer l'acte dénommé " loi du pays " relatif aux impôts et taxes au Conseil d'Etat (...) / II. - A compter de la publication de l'acte de promulgation, les personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt à agir disposent d'un délai d'un mois pour déférer l'acte dénommé " loi du pays " relatif aux impôts et taxes au Conseil d'Etat ".

2. Sous le n° 490578, M. A... et cinq autres représentants à l'assemblée de la Polynésie française demandent au Conseil d'Etat d'annuler la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 20023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024. Sous le n° 490871, l'ordre des avocats au barreau de Papeete demande annuler l'article LP 4 de cette " loi du pays " et, sous le n° 490874, la société Imagine Promotion et autres demandent d'annuler les articles LP 4, LP 15 et LP 16 de cette " loi du pays ". Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête n° 490874 :

3. L'article LP 4 de la " loi du pays " attaquée modifie les taux des droits d'enregistrement pour les cessions d'actions ou de parts sociales de sociétés dont l'actif est majoritairement composé de la valeur des immeubles qu'elles possèdent et il est soutenu qu'il a pour effet d'assujettir de telle cessions aux droits de publicité foncière. L'article LP 16 modifie les conditions dans lesquelles les ventes d'immeubles bâtis neuf, les ventes en l'état de futur d'achèvement et les ventes à terme sont assujettis à des droits d'enregistrement proportionnels réduits. Ces dispositions sont susceptibles d'affecter les conditions d'exercice de l'activité de promotion immobilière des sociétés requérantes ainsi que les conditions dans lesquelles les associés de ces sociétés peuvent céder leurs parts sociales. Il s'ensuit que les fins de non-recevoir opposées par l'assemblée de la Polynésie française et le président de la Polynésie française, tirées de ce que les requérants ne justifieraient pas d'un intérêt pour agir contre les dispositions qu'ils attaquent ne peuvent qu'être écartées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Saisi d'un recours contre un acte dénommé " loi du pays " relatif aux impôts et taxes, le Conseil d'Etat, aux termes de l'article 180-4 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, " annule toute disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit ".

5. L'article 123 de la même loi organique prévoyant que " L'assemblée de la Polynésie française établit son règlement intérieur. Ce règlement fixe les modalités de son fonctionnement qui ne sont pas prévues au présent titre ", il résulte des dispositions combinées des articles 123 et 180-4 de la loi organique qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la conformité des " lois du pays " adoptées par l'assemblée de la Polynésie française aux dispositions du règlement intérieur de cette assemblée, sous réserve que ces dispositions soient nécessaires pour préciser les règles de fonctionnement fixées par la loi organique, et ne soient pas contraires à celle-ci.

6. D'une part, aux termes de l'article 130 de la loi organique du 27 février 2004 : " Tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires qui font l'objet d'un projet ou d'une proposition d'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" (...) / A cette fin, les représentants reçoivent, douze jours au moins avant la séance pour un projet (...) d'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" (...), un rapport sur chacune des affaires inscrites à l'ordre du jour ". Aux termes de l'article 139 de la même loi organique : " L'assemblée de la Polynésie française adopte des actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" et des délibérations. " Selon l'article 142 de la même loi organique : " Sur chaque projet ou proposition d'acte prévu à l'article 140 dénommé " loi du pays ", un représentant à l'assemblée de la Polynésie française est désigné en qualité de rapporteur, dans les conditions fixées par le règlement intérieur / Aucun projet ou proposition d'acte prévu à l'article 140 dénommé " loi du pays " ne peut être mis en discussion et aux voix s'il n'a fait au préalable l'objet d'un rapport écrit, conformément à l'article 130, déposé, imprimé et publié dans les conditions fixées par le règlement intérieur./ Les actes prévus à l'article 140 dénommés " lois du pays " sont adoptés par l'assemblée de la Polynésie française au scrutin public, à la majorité des membres qui la composent. "

7. D'autre part, aux termes de l'article 27 du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française, qui est relatif aux projets et propositions de " loi du pays " et figure au sein de la section 3 " De l'examen des rapports, projets et propositions " du chapitre III " De l'organisation des séances plénières " de ce règlement intérieur : " Les projets de loi du pays présentés par le gouvernement (...), accompagnés de leur exposé des motifs, sont enregistrés au secrétariat général de l'assemblée puis transmis par le président de l'assemblée à la commission compétente./ Le président de la commission désigne le rapporteur parmi les membres de sa commission (...) / Le projet (...) de loi du pays est examiné et amendé en tant que de besoin./ Le rapporteur de la loi du pays dépose, pour enregistrement au secrétariat général de l'assemblée, son rapport qui tient compte des observations de la commission compétente ayant examiné le projet de loi du pays. Ce rapport est imprimé, puis transmis à la conférence des présidents pour inscription à l'ordre du jour d'une séance. Il est diffusé aux représentants douze jours au moins avant la séance (...) ". Aux termes du point 5 de l'article 32 du même règlement intérieur : " La discussion générale débute par l'examen du texte dans sa rédaction issue des travaux de la commission compétente ". Les règles relatives au nombre, à la composition, aux compétences et au fonctionnement des commissions législatives de l'assemblée de la Polynésie française sont fixées par les articles 58 à 65-1 du règlement intérieur. Par ailleurs, l'article 63 du règlement intérieur, intitulé " Des séances " et figurant à la section 1 " Des commissions législatives " du chapitre V " Des commission intérieures " de ce règlement, prévoit que : " 1. Les commissions sont convoquées à la diligence de leur président (...) /A la demande du président de l'assemblée ou de la majorité de ses membres, la réunion d'une commission est de droit. Dans ce cas l'auteur de la demande fixe la date de la réunion de la commission et son ordre du jour (...) ".

8. Les dispositions du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française qui procèdent à la création des commissions législatives de cette assemblée, fixent leur rôle et déterminent les conditions dans lesquelles elles sont appelées à examiner les projets de " loi du pays " sont nécessaires pour préciser les règles de fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française fixées par la loi organique. Il en va ainsi, en particulier, des dispositions du règlement intérieur qui prévoient que les projets de " loi du pays ", après avoir été enregistrés au secrétariat général de l'assemblée et transmis par le président de l'assemblée à la commission compétente, sont examinés par celle-ci et amendés en tant que de besoin, puis font l'objet d'un rapport diffusé aux membres de l'assemblée, avant d'être inscrits à l'ordre du jour d'une séance. Des moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions du règlement intérieur peuvent ainsi être utilement invoqués à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une " loi du pays ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet de " loi du pays " dont l'annulation est demandée a été transmis, en application de l'article 27 du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française, par le président de l'assemblée à la commission de l'économie, des finances, du budget et de la fonction publique qui a désigné deux rapporteurs. A l'issue d'une première réunion de la commission, le 21 novembre 2023, celle-ci a adopté le projet de " loi du pays " dans une version amendée. Cette réunion a donné lieu à un compte rendu mais les rapporteurs de cette " loi du pays " n'ont pas déposé de rapport pour enregistrement au secrétariat général de l'assemblée en vue de sa transmission à la conférence des présidents. Le président de l'assemblée de la Polynésie française, se prévalant des dispositions de l'article 63 du règlement intérieur, a convoqué une seconde réunion de la commission pour qu'elle délibère à nouveau sur le projet de texte dans sa version initiale. La commission s'est ainsi réunie une seconde fois, le 1er décembre 2023, et a procédé à une nouvelle délibération du projet de " loi du pays ", les amendements débattus lors de la première séance étant regardés comme déposés d'office. A l'issue de cette seconde séance, un rapport écrit, présenté comme résultant de l'examen du projet de " loi du pays " lors des deux réunions de la commission, mais ne tenant compte que des travaux de la commission lors de sa seconde séance, a été rédigé et distribué aux représentants de l'assemblée de la Polynésie française, qui a adopté la " loi du pays " attaquée le 13 décembre 2023.

10. Toutefois, aucune disposition de la loi organique, ni du règlement intérieur ne prévoit la possibilité, pour le président de l'assemblée, lorsque la commission compétente a épuisé sa compétence en adoptant un projet de " loi du pays " après l'avoir examiné et, le cas échéant, amendé, de la convoquer à nouveau afin qu'elle en délibère une seconde fois. En particulier, les dispositions de l'article 63 du règlement intérieur, qui permettent au président de l'assemblée ou à la majorité de ses membres de convoquer la réunion d'une commission et d'en fixer l'ordre du jour, n'ont pas cet objet et ne peuvent être regardées comme ayant cette portée.

11. Dès lors, la circonstance que la commission compétente de l'assemblée de la Polynésie française a été convoquée à nouveau par le président de l'assemblée et a procédé, alors qu'elle s'était déjà prononcée, à une seconde délibération du projet d'acte en cause, avant l'examen par l'assemblée, est constitutive d'une irrégularité qui entache la procédure d'adoption de la " loi du pays " attaquée.

12. Contrairement à ce que soutiennent le président de l'assemblée de la Polynésie française et le président de la Polynésie française, cette irrégularité a privé les requérants d'une garantie et a été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération attaquée.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que les requérants sont fondés à soutenir que la " loi du pays " attaquée a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

Sur les conclusions tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation :

14. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

15. La seule circonstance que la rétroactivité de l'annulation pourrait avoir une incidence négative pour les finances publiques et entraîner des complications pour les services administratifs chargés d'en tirer les conséquences ne peut, par elle-même, suffire à caractériser une situation de nature à justifier que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation. Dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l'annulation rétroactive, par la présente décision, des mesures fiscales figurant dans la " loi du pays " du 15 décembre 2023 ou la perte de recettes évaluée par les défendeurs à 1% du budget de la collectivité qui résulterait d'une telle annulation rétroactive seraient de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, tant pour la collectivité que pour les opérateurs économiques concernés. Par suite, il n'y pas lieu de faire droit à la demande des défendeurs de différer dans le temps les effets de cette annulation.

Sur les frais des instances :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... et autres, de l'ordre des avocats au barreau de Papeete et de la société Imagine Promotion et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge conjointe de l'assemblée de la Polynésie française et de la Polynésie française les sommes demandées au même titre par les requérants.

D E C I D E :

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Article 1er : La " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française et de l'assemblée de la Polynésie française tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., premier requérant dénommé sous le n° 490578, à l'ordre des avocats au barreau de Papeete, à la société Imagine Promotion, première dénommée sous le n° 490874, au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat, M. Jérome Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 25 mars 2024

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490578
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-02-02 OUTRE-MER. - DROIT APPLICABLE. - STATUTS. - POLYNÉSIE FRANÇAISE. - RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ASSEMBLÉE DE LA COLLECTIVITÉ – 1) CONTESTATION D’UNE « LOI DU PAYS » – OPÉRANCE DU MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DE CE RÈGLEMENT RELATIVES AUX COMMISSIONS LÉGISLATIVES DE CETTE ASSEMBLÉE – EXISTENCE [RJ1] – 2) PORTÉE – FACULTÉ DU PRÉSIDENT DE CETTE ASSEMBLÉE DE DEMANDER UNE SECONDE DÉLIBÉRATION D’UNE COMMISSION – ABSENCE – IRRÉGULARITÉ SUSCEPTIBLE DE CONSTITUER UNE PRIVATION DE GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ2] – EXISTENCE.

46-01-02-02 1) Les dispositions du règlement intérieur de l’assemblée de la Polynésie française qui procèdent à la création des commissions législatives de cette assemblée, fixent leur rôle et déterminent les conditions dans lesquelles elles sont appelées à examiner les projets de « loi du pays » sont nécessaires pour préciser les règles de fonctionnement de l’assemblée de la Polynésie française fixées par la loi organique. Il en va ainsi, en particulier, des dispositions du règlement intérieur qui prévoient que les projets de « loi du pays », après avoir été enregistrés au secrétariat général de l’assemblée et transmis par le président de l’assemblée à la commission compétente, sont examinés par celle-ci et amendés en tant que de besoin, puis font l’objet d’un rapport diffusé aux membres de l’assemblée, avant d’être inscrits à l’ordre du jour d’une séance. Des moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions du règlement intérieur peuvent ainsi être utilement invoqués à l’appui de conclusions tendant à l’annulation d’une « loi du pays »....2) Aucune disposition de la loi organique, ni du règlement intérieur ne prévoit la possibilité, pour le président de l’assemblée, lorsque la commission compétente a épuisé sa compétence en adoptant un projet de « loi du pays » après l’avoir examiné et, le cas échéant, amendé, de la convoquer à nouveau afin qu’elle en délibère une seconde fois. En particulier, les dispositions de l’article 63 du règlement intérieur, qui permettent au président de l’assemblée ou à la majorité de ses membres de convoquer la réunion d’une commission et d’en fixer l’ordre du jour, n’ont pas cet objet et ne peuvent être regardées comme ayant cette portée....Dès lors, la circonstance que la commission compétente de l’assemblée de la Polynésie française a été convoquée à nouveau par le président de l’assemblée et a procédé, alors qu’elle s’était déjà prononcée, à une seconde délibération du projet d’acte en cause, avant son examen par l’assemblée, est constitutive d’une irrégularité qui entache la procédure d’adoption de la « loi du pays » attaquée....Cette irrégularité ayant privé les représentants à l’assemblée de la Polynésie française d’une garantie et ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération attaquée, la loi du pays qu’ils attaquent est annulée.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2024, n° 490578
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490578.20240325
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