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20/03/2024 | FRANCE | N°470330

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 mars 2024, 470330


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'ayant cause, et d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser cette pension à compter du décès de son époux, ainsi que les arrérages, dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement du tribunal, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai. Par un jugement n° 2100628 du 2

3 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'ayant cause, et d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser cette pension à compter du décès de son époux, ainsi que les arrérages, dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement du tribunal, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai. Par un jugement n° 2100628 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier et 11 avril 2023 et le 27 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Krivine et Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ;

- l'arrêté interministériel du 30 décembre 2010 portant application du décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C..., ressortissant marocain, a été rayé des contrôles de l'armée active le 10 mai 1956 et qu'il est décédé le 9 août 1996. Mme A... B..., qui soutient qu'elle s'est mariée avec lui, a demandé à la ministre des armées de lui accorder une pension de réversion. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension de réversion.

Sur le désistement d'office :

2. Aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le conseil d'Etat donne acte de ce désistement ".

3. Le pourvoi sommaire de Mme B... a été enregistré le 9 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Si le ministre des armées fait valoir que son mémoire complémentaire, enregistré le 11 avril suivant, a été déposé postérieurement au délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que ce délai franc n'était pas expiré à cette date dès lors que le 10 avril était un jour férié. Il n'y a donc pas lieu pour le Conseil d'Etat de donner acte d'un désistement du pourvoi de Mme B....

Sur le pourvoi :

4. Aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable à Mme B..., ayant cause d'un militaire, par l'article L. 47 du même code : " Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : / 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; / 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ".

5. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Aux termes de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicable aux demandes de pension de réversion : " I. - (...) les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. (...) / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) / VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V./ (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010, pris pour l'application des dispositions de cet article 211 : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la défense, des affaires étrangères, des anciens combattants et du budget énumère les pièces justificatives à produire à l'appui de toute demande visée à l'article 1er ". L'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010 pris pour l'application de ce décret cite, parmi les pièces exigées pour une demande de pension d'un ayant cause, " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ".

7. S'il résulte des dispositions citées au point 6 que " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil " fait foi en toutes ses mentions, notamment la date de la célébration, pour l'obtention des pensions régies par ces dispositions, d'autres preuves de l'existence et de la date d'un mariage peuvent être apportées conformément aux dispositions de l'article 47 du code civil. Par suite, en jugeant que la seule preuve sur ces points admise par les dispositions citées au point 6 était " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ", le tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit. Mme B... est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cet avocat.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 470330
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2024, n° 470330
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470330.20240320
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