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20/03/2024 | FRANCE | N°470321

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 mars 2024, 470321


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la défense sur sa demande du 25 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er octobre 1981 et le 31 mai 2014, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser les sommes actualisées, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laquelle

il estimait avoir droit, sous astreinte. Par un jugement n° 1801260 du 26 décem...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la défense sur sa demande du 25 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er octobre 1981 et le 31 mai 2014, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser les sommes actualisées, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laquelle il estimait avoir droit, sous astreinte. Par un jugement n° 1801260 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à sa demande en prononçant l'annulation de cette décision en ce qu'elle rejetait implicitement la demande de revalorisation du montant de son indemnité différentielle pour la période du 1er janvier au 31 mai 2014.

Par un arrêt n° 20BX00673 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. A..., annulé la décision par laquelle le ministre des armées a implicitement rejeté la demande de M. A... du 25 mars 2018 tendant à la revalorisation du montant de son indemnité différentielle en tant qu'elle concerne la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, condamné l'Etat à verser à M. A... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue durant cette période et celle qu'il aurait dû percevoir au cours de celle-ci, reformé le jugement du tribunal administratif de Poitiers en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 janvier 2023, 11 avril 2023 et 24 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de son appel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 89-753 du 18 octobre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ancien ouvrier de l'Etat, a été intégré, à compter du 1er octobre 1981, dans le corps des techniciens d'études et de fabrications. Depuis son intégration dans ce corps, M. A... perçoit une indemnité différentielle. Estimant que les montants versés au titre de cette indemnité sur la période du 1er octobre 1981 au 31 mai 2014 inclus étaient inférieurs à ceux auxquels il avait droit, M. A... a, par un courrier du 25 mars 2018, sollicité la révision de ces montants et le versement de la somme correspondante. N'ayant pas obtenu de réponse, M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande et d'enjoindre au ministre des armées de lui verser la somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue sur cette période et celle à laquelle il avait droit. Par un jugement du 26 décembre 2019, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en prononçant l'annulation de cette décision en tant seulement qu'elle rejetait sa demande de revalorisation du montant de l'indemnité différentielle pour la période du 1er janvier au 31 mai 2014. Par un arrêt du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision litigieuse en tant qu'elle concernait la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, condamné l'Etat à verser à M. A... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue durant cette période et celle qu'il aurait dû percevoir au cours de celle-ci, réformé le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 décembre 2019 en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A.... Celui-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

3. Pour juger que M. A... ne pouvait être regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance au titre de la période du 1er octobre 1981 au 31 décembre 2009, la cour a relevé, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, que les modalités de calcul de l'indemnité différentielle avaient été fixées directement par le décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées et que ce décret avait été régulièrement publié. En statuant ainsi, la cour, qui a implicitement mais nécessairement écarté l'argument de M. A... selon lequel celui-ci avait ignoré légitimement sa créance faute pour ses bulletins de paie de mentionner les bases sur lesquelles l'indemnité différentielle était calculée, n'a pas dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 31décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. (...) ". La décision refusant un relèvement de la prescription quadriennale peut être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.

5. En relevant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que M. A... n'avait pas adressé de demande de relèvement de tout ou partie de la prescription qui lui avait été opposée et en en déduisant qu'il n'était pas fondé à soutenir que le ministre des armées aurait dû tenir compte de sa situation pour le relever de la prescription, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées : " Les techniciens d'études et de fabrications relevant du ministère des armées provenant du personnel ouvrier ou du personnel contractuel régi par le décret du 3 octobre 1949 perçoivent, le cas échéant, une indemnité différentielle ; cette indemnité est égale à la différence entre, d'une part, le salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers ou le salaire réellement perçu par les anciens contractuels à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire (...) ". Le décret du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense a maintenu en son article 6, pour ceux de ces techniciens qui en bénéficiaient lors de leur nomination dans ce corps, le bénéfice de cette indemnité différentielle.

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour relever que la profession d'ajusteur était composée, avant sa suppression, des groupes 5, 6 et 7, la cour s'est fondée sur l'annexe V de l'instruction du 4 septembre 2017 relative à la nomenclature des professions ouvrières qui n'était pas en vigueur à la date à laquelle M. A... a été intégré dans le corps des techniciens d'études et de fabrications. Dès lors, la cour a commis une erreur de droit en se fondant sur cette instruction. Toutefois, il ressort du tableau de reclassement de l'instruction 52035/DEF/DPC/CRG/2 du 5 mai 1975 relative à la classification des professions ouvrières des armées, applicable au litige, que la profession d'ajusteur était effectivement composée des groupes 5, 6 et 7. Ainsi, l'erreur commise par la cour en se référant, pour écarter le moyen soulevé devant elle, à l'instruction du 4 septembre 2017 est demeurée sans incidence sur le dispositif de son arrêt comme sur les motifs qui en constituent le soutien nécessaire.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... exerçait, à la date de sa nomination le 1er octobre 1981 dans le corps des techniciens d'études et de fabrication, la profession d'ajusteur, au groupe V, échelon 1. En jugeant d'une part que le groupe sommital de cette profession était le groupe 7 et d'autre part que la seule circonstance que l'indemnité différentielle qui lui avait été effectivement versée avait été calculée sur la base du salaire d'un technicien à statut ouvrier d'Etat appartenant au groupe T5bis ayant atteint le 6ème échelon, n'avait pu conférer à M. A... un droit acquis au maintien d'un tel calcul, la cour, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit. Enfin, M. A... ne peut utilement faire valoir pour la première fois en cassation que la cour aurait dû calculer l'indemnité différentielle à laquelle il avait droit sur la base du " salaire d'un chef d'équipe du hors groupe, huitième échelon ".

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 470321
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2024, n° 470321
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470321.20240320
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