Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 décembre 2023 et 19 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT taxis demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2023-683 du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 précitée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT taxis.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. En vertu de l'article L. 3121-1 du code des transports, les taxis sont des véhicules dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique. Aux termes de l'article L. 3121-1-2 du même code : " I. - Le titulaire exploite personnellement l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1. Cette disposition n'est pas applicable aux autorisations de stationnement délivrées avant le 1er octobre 2014 ". Aux termes de l'article L. 3121-2 du même code : " L'autorisation de stationnement prévue à l'article L. 3121-1 et délivrée postérieurement à la promulgation de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur est incessible et a une durée de validité de cinq ans, renouvelable dans des conditions fixées par décret ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3121-5 du même code : " Les nouvelles autorisations sont délivrées en fonction de listes d'attente rendues publiques. Nul ne peut s'inscrire sur plus d'une liste d'attente. Les candidats à l'inscription sur liste d'attente doivent être titulaires d'une carte professionnelle prévue à l'article L. 3120-2-2 en cours de validité, délivrée par le représentant de l'Etat dans le département où l'autorisation de stationnement est demandée, et ne pas être déjà titulaires d'une autorisation de stationnement. / Seuls peuvent se voir délivrer une autorisation de stationnement les titulaires d'une carte professionnelle en cours de validité, délivrée par le représentant de l'Etat dans le département où l'autorisation de stationnement est délivrée. En outre, la délivrance est effectuée en priorité aux titulaires qui peuvent justifier de l'exercice de l'activité de conducteur de taxi pendant une période minimale de deux ans au cours des cinq ans précédant la date de délivrance ". Aux termes de l'article L. 2213-33 du code général des collectivités territoriales : " Le maire, ou le préfet de police de Paris dans sa zone de compétence, peut délivrer des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-5 du code des transports. ".
3. Aux termes de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions : " I. - Aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l'accessibilité des transports publics particuliers aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu'au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation à l'article L. 3121-5 du code des transports, des autorisations de stationnement mentionnées à l'article L. 3121-1 du même code à des personnes morales exploitant des taxis. / Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu'à des personnes morales titulaires d'autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris. Elles ne peuvent être exploitées qu'avec des taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Elles sont incessibles et ont une durée de validité de cinq ans à compter de la date de leur délivrance. / Les conditions et les modalités d'attribution de ces autorisations sont définies par décret en Conseil d'Etat. Elles doivent notamment prendre en compte la capacité des personnes morales bénéficiaires à assurer l'exploitation de ces autorisations par des véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant durant toute la période des jeux Olympiques et paralympiques de 2024 et jusqu'à la fin de l'expérimentation, à faciliter les demandes de réservation préalable au bénéfice des personnes utilisatrices de fauteuil roulant et à permettre la transmission à l'autorité administrative des informations nécessaires à la réalisation de l'évaluation mentionnée au III du présent article. Les deux derniers alinéas de l'article L. 3121-5 du code des transports ne leur sont pas applicables. / II. - Par dérogation au I de l'article L. 3121-1-2 du code des transports, l'exploitation des autorisations de stationnement délivrées en application du I du présent article peut être assurée par des salariés ou par un locataire gérant auquel la location d'une autorisation et d'un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce, le montant du loyer étant fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties. / III. - Au plus tard le 30 juin 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation afin de déterminer notamment l'opportunité de sa pérennisation et de son extension en dehors de la zone de compétence du préfet de police de Paris ".
4. A l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'elle a formé contre le décret du 28 juillet 2023 pris pour l'application de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023, la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT taxis demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions législatives. Eu égard à la teneur de ses écritures, elle doit être regardée comme ne contestant la conformité à la Constitution de ces dispositions qu'en tant qu'elles réservent le bénéfice de la procédure dérogatoire de délivrance d'autorisations qu'elles instituent aux personnes morales titulaires d'autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police, sans l'ouvrir aux personnes physiques. Elle soutient qu'elles portent, ce faisant, atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
5. Aux termes de l'article 6 de la cette Déclaration, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
6. Les dispositions contestées ont pour objet de créer, à titre expérimental, dans la zone de compétence du préfet de police, une possibilité de délivrance de nouvelles autorisations de stationnement afin d'augmenter, notamment pendant les jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024, l'offre de transports pour les personnes utilisatrices de fauteuil roulant en région parisienne. Si elles réservent le bénéfice de la procédure qu'elles instituent aux seules personnes morales titulaires d'autorisations délivrées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, il ressort cependant des dispositions citées au point 2 que ces personnes morales ne sont plus susceptibles, depuis l'entrée en vigueur de cette loi et en application des règles de droit commun qui en sont issues, de se voir délivrer de nouvelles autorisations, le bénéfice de la procédure prévue à l'article L. 3121-5 du code des transports étant réservé aux seules personnes physiques. Si les dispositions contestées conduisent ainsi à ce que les personnes morales, d'une part, et les personnes physiques, d'autre part, sont soumises, pour ce qui concerne l'attribution de nouvelles autorisations de stationnement sur la voie publique par le préfet de police dans sa zone de compétence, à deux procédures distinctes, il n'en résulte pas qu'elles institueraient, par elles-mêmes et de ce seul fait, une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation entre ces deux catégories de personnes et en rapport direct avec l'objet de la loi.
7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT taxis.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT taxis et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 19 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire