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15/03/2024 | FRANCE | N°475653

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 15 mars 2024, 475653


Vu la procédure suivante :



Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 décembre et 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... et C... B... demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 21NT01450 du 5 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'

article L. 442-2 du code de l'éducation.





Vu les autre...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 décembre et 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... et C... B... demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 21NT01450 du 5 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 442-2 du code de l'éducation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'éducation, notamment son article L. 442-2 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de M. et Mme A... et C... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Eu égard à la teneur de leur argumentation, M. et Mme B... doivent être regardés comme demandant au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des I et II de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, dans sa version issue de l'article 23 de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

3. Aux termes des I et II de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " I.- Mis en œuvre sous l'autorité conjointe du représentant de l'Etat dans le département et de l'autorité compétente en matière d'éducation, le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse. / II.- Les établissements mentionnés au I communiquent chaque année à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation les noms des personnes exerçant des fonctions d'enseignement ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et de leurs titres, dans des conditions fixées par décret. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation prescrit le contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1. / Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors contrat. / Un contrôle est réalisé au cours de la première année d'exercice d'un établissement privé. / Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il est mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire. / En cas de refus de la part du directeur de l'établissement d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article L. 131-1-1, et qui permet aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, puis met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite ".

4. A l'appui de leur question prioritaire de constitutionnalité, M. et Mme B... soutiennent que la possibilité ouverte à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation d'exiger de l'établissement d'enseignement contrôlé, dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 442-2 du code de l'éducation, qu'il produise des éléments, sous forme de " traces écrites ", permettant d'établir que les enfants scolarisés acquièrent progressivement le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, est incompatible avec le respect de méthodes pédagogiques excluant de telles traces et méconnaît de ce fait le principe de la liberté de l'enseignement.

5. Toutefois, si les dispositions législatives contestées prévoient l'existence d'un contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat, limitent ce contrôle aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse, et précisent la procédure à suivre ainsi que les mesures susceptibles d'être décidées à son issue, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les éléments permettant aux établissements concernés, dans le cadre d'un tel contrôle, d'établir qu'ils respectent les obligations en cause. Elles n'instituent donc pas l'obligation contestée par M. et Mme B.... Ces derniers ne contestant ainsi la conformité à la Constitution ni de l'obligation faite aux établissements privés hors contrat de se conformer aux exigences dont les dispositions litigieuses prévoient le contrôle, ni du principe ou des modalités de ce contrôle tels que prévus par la loi, la question prioritaire de constitutionnalité qu'ils soulèvent ne présente pas un caractère sérieux.

6. La question prioritaire de constitutionnalité soulevée n'étant pas non plus nouvelle, il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... et C... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Géraud Sajust de Bergues, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Levasseur

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 475653
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2024, n° 475653
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Levasseur
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475653.20240315
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