Vu la procédure suivante :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'État à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son absence de relogement. Par un jugement n° 2206406 du 17 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juillet 2023, 10 octobre 2023 et 8 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 12 juillet 2017, la commission de médiation des Hauts-de-Seine a déclaré Mme C... prioritaire et devant être relogée en urgence, en application des dispositions de l'article L. 441 -2-3 du code de la construction et de l'habitation. Par un jugement du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par Mme C... sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 441-2-3-1 du même code, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine d'assurer son relogement. Mme C... a ensuite demandé au même tribunal administratif de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son absence de relogement. Par un jugement du 17 mai 2023 contre lequel Mme C... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée en urgence par une commission de médiation en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l'intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 de ce code. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois imparti au préfet, à compter de la décision de la commission de médiation, pour provoquer une offre de logement, et prend fin à la date à laquelle un logement adapté a été assuré à l'intéressé, ou à celle à laquelle il a refusé sans motif impérieux une proposition de logement tenant compte de ses besoins et capacités, alors qu'il avait été averti des conséquences de ce refus dans les conditions prévues par l'article R. 441-16-3 du code de la construction et de l'habitation.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme C..., invitée par le tribunal à produire " toutes pièces de nature à démontrer les caractéristiques de son logement et de ses accès ", a produit le 22 janvier 2023 de nombreuses pièces, notamment des photographies, dont il ressort que le sixième étage de l'immeuble, où sont situées les quatre pièces principales de son logement, n'est pas desservi par l'ascenseur de l'immeuble et que son logement n'est accessible, depuis le cinquième étage seul desservi par l'ascenseur, que par un escalier intérieur de dix-sept marches. En estimant dans ces conditions que la requérante, qui avait produit par ailleurs de nombreuses pièces médicales relatives à son handicap et à ses difficultés pour emprunter l'escalier, n'avait pas démontré l'inadaptation de son logement au regard de son handicap, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 mai 2023 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2024 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 12 mars 2024.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
La rapporteure :
Signé : Mme Sylvie Pellissier
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire