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12/03/2024 | FRANCE | N°473234

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 12 mars 2024, 473234


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) sur sa demande du 2 novembre 2021 de se voir délivrer un titre de conduite français, d'autre part, d'enjoindre à l'ANTS de lui délivrer un titre de conduite sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de

la décision contestée. Par un jugement n° 2200611 du 17 février 2023, le m...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) sur sa demande du 2 novembre 2021 de se voir délivrer un titre de conduite français, d'autre part, d'enjoindre à l'ANTS de lui délivrer un titre de conduite sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de la décision contestée. Par un jugement n° 2200611 du 17 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision implicite rejetant la demande de M. B..., enjoint à l'ANTS de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois, condamné l'Etat à verser 3 000 euros à M. B... en réparation du préjudice subi et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 avril et 21 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence nationale des titres sécurisés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de la route ;

- le décret n° 2007-240 du 22 février 2007 ;

- le décret n° 2007-255 du 27 février 2007 ;

- l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de l'Agence nationale des titres sécurisés.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 222-2 du code de la route : " Toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d'un permis de conduire national délivré par un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, en cours de validité dans cet Etat, peut, sans qu'elle soit tenue de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3, l'échanger contre le permis de conduire français selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. " En vertu des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen : " Le titulaire du permis de conduire à échanger doit, en vue d'obtenir un permis français, en faire la demande au préfet du département de sa résidence (...) ".

2. En vertu de l'article 2 du décret du 22 février 2007 portant création de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " L'agence a pour mission de répondre aux besoins des administrations de l'Etat de conception, de gestion, de production de titres sécurisés et des transmissions de données qui leurs sont associées. Ces titres sont des documents délivrés par l'Etat et faisant l'objet d'une procédure d'édition et de contrôle sécurisée. / Sans préjudice des dispositions relatives au système d'information et de communication de l'Etat, pour l'accomplissement de ces missions, l'agence est chargée notamment de : (...) / 2° Assurer ou faire assurer, la mise en œuvre de services en ligne, de moyens d'identification électronique et de transmissions de données associée à la délivrance et à la gestion des titres sécurisés ; (...) / La liste des titres sécurisés est fixée par décret. / (...). Sa mission exclut l'instruction des demandes et la délivrance des titres (...) ". Selon le 11° de l'article 1er du décret du 27 février 2007 fixant la liste des titres sécurisés relevant de l'Agence nationale des titres sécurisés, le permis de conduire est au nombre des titres sécurisés pour lesquels l'ANTS exerce cette mission.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Strasbourg que M. B... a obtenu, le 9 décembre 1988, l'échange de son permis de conduire français contre un permis de conduire allemand, sous couvert duquel il a continué à circuler après être revenu vivre en France. En application des dispositions de l'article R. 222-2 du code de la route citées au point 1, il a effectué deux demandes successives d'échange en ligne sur le site de l'ANTS, sans que lui soit délivré de permis de conduire français. Le 2 novembre 2021, il a demandé à l'ANTS de lui délivrer un permis de conduire français, puis au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de l'ANTS née du silence gardé sur cette demande, d'enjoindre à cet établissement public de lui délivrer un titre de conduite et de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 17 février 2023, le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet née du silence conservé sur la demande de M. B... par " l'administration ", enjoint à l'ANTS de prendre une nouvelle décision sur la demande de l'intéressé dans un délai d'un mois, condamné l'Etat à verser au requérant 3 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. L'ANTS se pourvoit en cassation contre ce jugement.

4. Il résulte des dispositions citées aux points 1 et 2 que la personne qui, titulaire d'un permis de conduire national délivré par un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, en cours de validité dans cet Etat, acquiert sa résidence normale en France et demande l'échange de son permis étranger contre le permis de conduire français, doit à cette fin renseigner un dossier de demande en utilisant le téléservice mis à sa disposition par l'ANTS ou en écrivant au préfet du département de sa résidence. Lorsque l'autorité préfectorale à laquelle ce dossier est transmis délivre, à l'issue de l'instruction conduite par les services compétents de l'Etat, l'autorisation de conduire, elle fait assurer par l'ANTS la production du titre de conduite sécurisé et son expédition à l'intéressé.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que l'ANTS n'a pas compétence pour se prononcer sur une demande de délivrance d'un titre de conduite, cette compétence n'appartenant qu'à l'Etat. Par suite, l'ANTS n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre les articles 1er, 3 et 4 du jugement qu'elle attaque, qui ne concernent que l'Etat et ne lui font pas grief.

6. En second lieu, l'auteur de la décision implicite de rejet de la troisième demande déposée par M. B... est le préfet du Bas-Rhin, département dans lequel résidait alors l'intéressé, auquel cette demande est réputée avoir été transmise en application de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que cette autorité administrative est seule compétente pour prendre une décision sur une demande d'échange de permis de conduire en vertu des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 8 février 1999 citées au point 1. Par suite, l'ANTS est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il enjoint à l'ANTS de prendre une nouvelle décision sur la demande de M. B..., est entaché d'erreur de droit. Dès lors, l'ANTS est fondée à en demander l'annulation dans cette mesure.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande l'ANTS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions de l'ANTS dirigées contre les articles 1er, 3 et 4 du jugement n° 2200611 du 17 février 2023 sont rejetées.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 février 2023 est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 4 : Les conclusions de l'ANTS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Agence nationale des titres sécurisés et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2024 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 12 mars 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 473234
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2024, n° 473234
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473234.20240312
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