La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2024 | FRANCE | N°470371

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 12 mars 2024, 470371


Vu la procédure suivante :



La société A... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler les titres exécutoires émis par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) les 28 mars et 4 avril 2022 en vue du recouvrement de forfaits de post stationnement mis à sa charge par la commune de Montpellier, ainsi que la majoration dont ils sont assortis. Par une ordonnance n°s 22062466, 22062484, 22062556, 22062599, 22062651, 22062690, 22062714 et 22062732 du 7 novembre 2022, le magistrat désigné par la présiden

te de la commission a rejeté ses demandes.



Par un pourv...

Vu la procédure suivante :

La société A... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler les titres exécutoires émis par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) les 28 mars et 4 avril 2022 en vue du recouvrement de forfaits de post stationnement mis à sa charge par la commune de Montpellier, ainsi que la majoration dont ils sont assortis. Par une ordonnance n°s 22062466, 22062484, 22062556, 22062599, 22062651, 22062690, 22062714 et 22062732 du 7 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente de la commission a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 11 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que huit titres exécutoires, émis par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) à l'encontre de la société A... en vue du recouvrement de forfaits de post-stationnement de 33 euros mis à sa charge par la commune de Montpellier, assortis de majorations de 50 euros revenant à l'Etat, ont été adressés à la société A... à raison de l'absence de paiement de redevances de stationnement constatées à Montpellier entre le 4 et le 24 novembre 2021. M. A..., qui avait cédé le véhicule automobile concerné le 13 octobre 2021, se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 novembre 2022 par laquelle le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté ses demandes de décharge de ces titres exécutoires.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " I.- (...) le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (...), peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains, s'il existe./ La délibération institutive établit : 1° Le barème tarifaire de paiement immédiat de la redevance, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement est réglée par le conducteur du véhicule dès le début du stationnement ; 2° Le tarif du forfait de post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n'est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée (...)/ II.- Le montant du forfait de post-stationnement dû, déduction faite, le cas échéant, du montant de la redevance de stationnement réglée dès le début du stationnement, est notifié par un avis de paiement délivré soit par son apposition sur le véhicule concerné par un agent assermenté de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant désigné pour exercer cette mission, soit par envoi postal au domicile du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule concerné effectué par un établissement public spécialisé de l'Etat (...)/ IV.- Le forfait de post-stationnement doit être réglé en totalité dans les trois mois suivant la notification de l'avis de paiement prévu au II du présent article./ A défaut, le forfait de post-stationnement est considéré impayé et fait l'objet d'une majoration dont le produit est affecté à l'Etat. Le forfait de post-stationnement impayé et la majoration sont dus par l'ensemble des titulaires du certificat d'immatriculation du véhicule, solidairement responsables du paiement. / En vue du recouvrement du forfait de post-stationnement impayé et de la majoration, un titre exécutoire est émis, le cas échéant, sous une forme électronique, par un ordonnateur désigné par l'autorité administrative. Ce titre mentionne le montant du forfait de post-stationnement impayé et la majoration (...) ".

3. Le VI de ce même article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose : " VI.- (...) Les recours contentieux visant à contester l'avis de paiement du montant du forfait de post-stationnement dû font l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant dont relève l'agent assermenté ayant établi ledit avis. (...) / La décision rendue à l'issue du recours administratif préalable contre l'avis de paiement du forfait de post-stationnement peut faire l'objet d'un recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le titre exécutoire émis en cas d'impayé peut également faire l'objet d'un recours devant cette commission. Il se substitue alors à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé (...) ". Par ailleurs, selon l'article R. 2333-120-35 de ce code : " Lorsqu'un titre exécutoire est émis, il se substitue à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé ou à l'avis de paiement rectificatif impayé, lequel ne peut plus être contesté. Aucun moyen tiré de l'illégalité de cet acte ne peut être invoqué devant la juridiction à l'occasion de la contestation du titre exécutoire, sauf lorsque le requérant n'a pas été mis à même de contester le forfait de post-stationnement directement apposé sur son véhicule en raison de la cession, du vol, de la destruction ou d'une usurpation de plaque d'immatriculation dudit véhicule ou de tout autre cas de force majeure

4. Enfin, aux termes du VII de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque, à la suite de la cession d'un véhicule, le système enregistrant les informations mentionnées à l'article L. 330-1 du code de la route mentionne un acquéreur qui n'est pas le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, l'acquéreur est substitué au titulaire dudit certificat dans la mise en œuvre des dispositions prévues aux II et IV du présent article ". L'article R. 2333-120-13 du même code dispose que le recours administratif préalable obligatoire prévu au VI de l'article L. 2333-87 est exercé " par le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ou, dans les cas prévus au VII de l'article L. 2333-87, le locataire ou l'acquéreur du véhicule (...) " et que ce recours est notamment accompagné, à peine d'irrecevabilité : " (...) 3° (...) dans le cas prévu au VII de l'article L. 2333-87, de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d'enregistrement dans le système d'immatriculation des véhicules (...) ". Selon l'article R. 322-4 du code de la route " I.- En cas de changement de propriétaire d'un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit effectuer, dans les quinze jours suivant la cession, une déclaration au ministre de l'intérieur l'informant de cette cession et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'il appartient en principe au redevable d'un forfait de post-stationnement qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge de saisir l'autorité administrative d'un recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, d'introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant. En cas d'absence de paiement de sa part dans les trois mois et d'émission, en conséquence, d'un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l'Etat, il est loisible au même redevable de contester ce titre exécutoire devant la commission du contentieux du stationnement payant, qu'il ait ou non engagé un recours administratif contre l'avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours. A ce titre, s'il résulte des termes mêmes de l'article R. 2333-120-35 du code général des collectivités territoriales, cité ci-dessus, que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d'une requête contre un titre exécutoire n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s'est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé conteste, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.

6. D'autre part, le débiteur du forfait de post-stationnement et de sa majoration éventuelle est la personne titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule à la date d'émission de l'avis de paiement de ce forfait. Toutefois, lorsque le véhicule a été cédé, son acquéreur est le débiteur du forfait de post-stationnement dès lors que le vendeur a cédé son véhicule avant l'émission de l'avis de paiement et a procédé à la déclaration prévue par l'article R. 322-4 du code de la route avant cette date ou, en tout état de cause, dans le délai de quinze jours prévu à cet article. Ainsi, lorsque l'ancien propriétaire d'un véhicule conteste un avis de paiement ou un titre exécutoire qui lui a été adressé à raison d'un stationnement de ce véhicule constaté après la date de la cession, il ne peut utilement invoquer, devant l'administration ou, le cas échéant, devant la commission du contentieux du stationnement payant, le fait qu'il n'était plus propriétaire du véhicule à la date d'établissement de l'avis de paiement que s'il justifie, en outre, avoir déclaré la cession de son véhicule au ministre de l'intérieur avant l'établissement de l'avis de paiement ou dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 322-4 du code de la route.

7. A l'appui de ses conclusions dirigées contre les titres exécutoires correspondant à huit avis de paiement de forfait de post-stationnement mis à sa charge les 28 mars et 4 avril 2022 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions, alors qu'il avait cédé son véhicule avant l'émission des avis de paiement correspondants, la société A... a notamment produit le certificat de cession du véhicule daté du 13 octobre 2021. Le magistrat désigné par la présidente de la commission a, par une ordonnance du 7 novembre 2022, rejeté ses demandes comme manifestement infondées en retenant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la déclaration prévue par l'article R. 322-4 du code de la route avait été faite avant l'émission des avis de paiement ou dans le délai de quinze jours prévu à cet article. Il ressort cependant des pièces du dossier qui lui était soumis que l'intéressé avait également produit les éléments attestant que la société TaM Voirie, gestionnaire par délégation du stationnement payant sur la voirie de la commune de Montpellier, avait fait droit à ses recours administratifs obligatoires et émis de nouveaux avis de paiement à l'encontre de l'acquéreur du véhicule. En refusant de tenir compte de ces éléments, le premier juge a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Ainsi qu'il est dit au point 7, les huit recours préalables obligatoires de la société A... ont été accueillis et des forfaits de post-stationnement ont été émis à l'encontre de l'acquéreur du véhicule concerné en lieu et place de ceux initialement émis à l'encontre de M. A.... Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il avait été libéré de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions avant l'émission des titres exécutoires qu'il attaque, et à en demander en conséquence la décharge.

11. La commune de Montpellier, mise en cause pour observations, n'ayant pas qualité de partie dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant du 7 novembre 2022 est annulée.

Article 2 : La société A... est déchargée des sommes mises à sa charge par les titres exécutoires n° 031034 878220300671, 031034 878220300620, 031034 878220271965, 031034 878220271930, 031034 878220273569, 031034 878220271957, 031034 878220271981 et 031034 878220272058 émis par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

Article 3 : Les conclusions de la société Djourkovtich présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société A..., à la commune de Montpellier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2024 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 12 mars 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 470371
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2024, n° 470371
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470371.20240312
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award