Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 avril 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les cervicalgies, la discarthrose cervicale et les séquelles de la fracture du gros orteil droit dont il souffre. Par un jugement n° 1903894 du 30 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20NT02718 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ces jugements.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 mai et 12 juillet 2022, M. A... demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui a servi dans la Légion étrangère de 2001 à 2004, a demandé, le 8 janvier 2015, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre, d'une part, des cervicalgies à caractère chronique, discarthrose cervicale étagée de C4 à C7 qu'il impute à l'accident de service dont il a été victime le 13 mai 2002 à Djibouti et, d'autre part, des séquelles fonctionnelles qu'il a conservées à la suite d'une fracture de la deuxième phalange du gros orteil droit survenue le 22 octobre 2003 en Côte d'Ivoire dans le cadre d'un entraînement sportif. Par une décision du 24 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif, d'une part, que la première infirmité entraînait un taux d'invalidité de 20 %, inférieur au minimum de 30 % ouvrant droit à pension pour les maladies contractées en temps de paix, et, d'autre part, que la seconde infirmité entraînait un taux d'invalidité de 8 %, inférieur au seuil de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension au titre des accidents de service. M. A... a attaqué cette décision devant le tribunal administratif d'Orléans qui, par un jugement du 30 juin 2020, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 15 mars 2022 contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ces deux jugements.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4, les pensionnés ou postulants à pension à raison d'infirmités résultant de blessures reçues ou de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service accompli : / (...) Soit (...) au cours d'opérations ouvrant droit au bénéfice de campagne double ou en captivité, ont droit à pension si l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 % (...) ".
S'agissant des cervicalgies :
5. En premier lieu, en jugeant, en se fondant notamment sur un avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commission de réforme sur le droit à pension d'invalidité du 26 aout 2016 ainsi que sur les conclusions d'une expertise du 20 novembre 2018 diligentée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité, que le requérant n'établissait pas que les pathologies diagnostiquées en 2007 présenteraient un lien direct et certain avec l'accident qu'il a subi dans le cadre de ses fonctions le 13 mai 2002, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en estimant qu'un supplément d'instruction sur ce point ne présenterait pas un caractère utile, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce qui n'est entachée ni d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, ni d'une erreur de droit.
7. Enfin, aux termes de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dont les dispositions n'étaient pas applicables à la date à laquelle M. A... a présenté sa demande : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli (...) 3° En opérations extérieures (...) ".
8. S'il appartient au juge administratif, saisi d'une demande dirigée contre une décision refusant le bénéfice d'une pension, de rechercher si des dispositions législatives et réglementaires intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés sont susceptibles d'affecter ces droits dès lors que le législateur a entendu leur donner une telle portée, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions de l'article L. 121-6 soulevé par le requérant devant les juges du fond était inopérant dès lors que la cour avait jugé que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les cervicalgies et l'accident invoqué n'était pas établi. Il convient, par suite et ainsi que le soutient le ministre des armées, de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué à celui retenu par les juges du fond.
S'agissant des séquelles de la fracture de l'orteil droit :
9. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". Il incombe, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.
10. En estimant, au vu notamment des éléments fournis par l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité dans son rapport du 20 novembre 2018, qu'une nouvelle expertise relative au taux d'invalidité de cette infirmité ne présenterait pas un caractère utile, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce qui n'est entachée ni d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, ni d'une erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 6 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
La rapporteure :
Signé : Mme Laëtitia Malleret
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas