Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 456806, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre et 26 novembre 2021 et le 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EcoDDS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre de la transition écologique du 15 juillet 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l'article L. 131-3 du code de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 460638, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 19 avril 2022 et le 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EcoDDS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre de la transition écologique du 18 novembre 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l'article L. 131-3 du code de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société EcoDDs ;
Considérant ce qui suit :
1. Par ses requêtes enregistrées sous les nos 456806 et 460638, la société EcoDDS demande, d'une part, l'annulation de l'arrêté de la ministre de la transition écologique du 15 juillet 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l'article L. 131-3 du code de l'environnement, en vigueur du 1er septembre au 31 décembre 2021, d'autre part, l'annulation de l'arrêté de la ministre de la transition écologique du 18 novembre 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue par le même article, en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 2022. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes du V de l'article L. 131-3 du code de l'environnement, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) : " L'agence assure le suivi et l'observation des filières à responsabilité élargie du producteur. /Les coûts supportés par l'agence pour assurer la mission mentionnée au premier alinéa du présent V sont couverts par une redevance versée par les producteurs ou leur éco-organisme, dont le montant est fixé par décret. (...) ". Aux termes de l'article R. 131-26-2 du même code : " La redevance prévue au deuxième alinéa du V de l'article L. 131-3 est perçue par l'agence en contrepartie des prestations mentionnées à l'article R. 131-26-1. Elle est due, selon les cas, par les producteurs qui ont mis en place un système individuel ou les éco-organismes. Le montant de la redevance est fixé par l'agence conformément à des tarifs établis par elle et homologués par le ministre chargé de l'environnement, dans les conditions fixées à l'article R. 131-26-4 ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ADEME a communiqué au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires les éléments ayant servi de base à la détermination des tarifs, en accompagnant leur notification d'une fiche de présentation de la méthodologie retenue et de tableaux faisant apparaître les calculs détaillés et les montants appliqués, filière par filière. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les arrêtés attaqués d'homologation des tarifs de la redevance auraient été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 131-26-4 du code de l'environnement.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que l'arrêté d'homologation des tarifs de la redevance au titre de l'année 2021 ait été adopté le 15 juillet de cette année ne l'entache pas d'illégalité au regard des dispositions du III de l'article de l'article R. 131-26-3 du code de l'environnement faisant état de tarifs annuels.
5. En troisième lieu, si la société requérante soutient par voie d'exception que l'article R. 131-26-1 du code serait illégal, ces dispositions, prises sur le fondement de l'article L. 131-3 du code de l'environnement et qui sont d'application immédiate, ne font pas obstacle à ce que les articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 du même code relatifs aux filières soumises à la responsabilité élargie du producteur n'entrent en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2022. Elles n'ont, par suite, pas méconnu l'article 130 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoyant l'entrée en vigueur différée, à cette date, de ces dispositions législatives.
6. En quatrième lieu, la redevance en litige ayant été instituée par la loi, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que l'article R. 131-26-2 du code de l'environnement serait illégal au motif qu'eu égard aux opérations qu'il est appelé à financer, ce prélèvement aurait la nature non d'une redevance pour service rendu mais d'une imposition de toute nature que le pouvoir réglementaire n'avait pas compétence pour instituer ne peut qu'être écarté comme inopérant.
7. En cinquième lieu, l'article 9 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, relatif aux régimes d'autorisation, dispose que " la présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires ". Le régime des agréments des éco-organismes étant régi par la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui définit le régime des autorisations et enregistrements auxquels sont soumis les opérateurs du traitement des déchets, ne peut qu'être écarté le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de ce que la redevance mise à la charge des éco-organismes, prévue par l'article R. 131-26-2 du code de l'environnement, constituerait une condition financière préalable dans le cadre d'une procédure d'autorisation méconnaissant la finalité générale de facilitation de l'accès aux activités de services découlant de la directive 2006/123/CE.
8. En sixième lieu, l'article R. 131-26-1 du code de l'environnement définit les prestations que comprend la mission de suivi et d'observation des filières à responsabilité élargie du producteur confiée à l'ADEME. Les dispositions de l'article R. 131-26-3 du même code précisent, d'une part, à son I, que les tarifs de la redevance doivent couvrir les coûts de fonctionnement et d'investissement inhérents à ces prestations en tenant compte de celles qui sont spécifiques à chacune des filières et de celles dont le service est commun à plusieurs filières et déterminent, d'autre part, à son II, les modalités de répartition de ces coûts entre les différents producteurs en système individuel et éco-organismes. Si l'article L. 131-3 du code de l'environnement a renvoyé à un décret le soin de fixer le montant de la redevance mise à la charge des producteurs et des éco-organismes en vue de couvrir les coûts supportés par l'ADEME à raison de la mission qui lui est confiée, les dispositions réglementaires du code de l'environnement, qui ont fixé les modalités de détermination du produit de cette redevance et de répartition de la charge correspondante entre les redevables, ont pu, sans méconnaître les dispositions législatives dont elles font application, renvoyer à l'ADEME la fixation du montant de la redevance sur la base de tarifs proposés par cette agence et homologués par le ministre chargé de l'environnement. Le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que les dispositions des articles R. 131-26-2 et R. 131-26-4 2°, pour l'application desquelles les arrêtés attaqués ont été pris, seraient, pour ce motif, illégales doit, par suite, être écarté.
9. Enfin, dans l'affaire n° 456806 la société requérante soutient que l'arrêté litigieux méconnait l'article L. 130 de la loi du 10 février 2020 précitée, au motif qu'il aurait pris en compte les coûts des missions fixées au 2° et 3° de l'article R. 131-26-1, alors que celles-ci ne pouvaient être mises en œuvre avant l'entrée en vigueur des articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 du même code, fixée au 1er janvier 2022. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6, ces dispositions règlementaires étaient d'application immédiate, à compter du 30 novembre 2020. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté pris pour l'année 2021 n'a pas couvert de dépenses au titre de la mission prévue par le 3° de l'article R. 131-26-1. Enfin, s'agissant des missions prévues par le 2° de cet article, qui concernent " la collecte, le traitement et l'analyse des données et informations mentionnées aux articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 nécessaires au suivi et à l'observation des filières de responsabilité élargie du producteur ", le ministre soutient, sans être contredit, que les coûts pris en compte concernent des travaux préparatoires d'accompagnement des metteurs en marché pour l'établissement de leurs futures déclarations et des coûts de préparation de l'outil déclaratif afin qu'il soit opérationnel au 1er janvier 2022. De tels coûts pouvaient légalement être pris en compte au titre de l'année 2021 en application du 2° de l'article R. 131-26-1. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société EcoDDS n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société EcoDDS sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société EcoDDS et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 6 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
La rapporteure :
Signé : Mme Laëtitia Malleret
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas