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01/03/2024 | FRANCE | N°484208

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 01 mars 2024, 484208


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 27 avril 2023 par laquelle la directrice du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles a refusé de lui octroyer pour l'année universitaire 2023-2024 une nouvelle autorisation d'occuper un logement en résidence universitaire. Par une ordonnance n° 2305060 du 30 juin 2023, la ju

ge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 27 avril 2023 par laquelle la directrice du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles a refusé de lui octroyer pour l'année universitaire 2023-2024 une nouvelle autorisation d'occuper un logement en résidence universitaire. Par une ordonnance n° 2305060 du 30 juin 2023, la juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 1er septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre à la directrice du CROUS de Versailles de lui attribuer un logement pour l'année universitaire 2023-2024 dans le délai de trois jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CROUS de Versailles la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Versailles qu'à l'appui de sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 27 avril 2023 de la directrice du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles refusant de lui octroyer pour l'année universitaire 2023-2024 une nouvelle autorisation d'occuper un logement en résidence universitaire, Mme B... faisait valoir qu'elle avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle et entendait compléter ses écritures avec l'aide d'un avocat. En s'abstenant de statuer sur sa demande d'aide juridictionnelle, la juge des référés du tribunal administratif de Versailles n'a pas mis Mme B... en mesure de présenter utilement sa demande et a ainsi statué irrégulièrement. Mme B... est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la condition d'urgence :

5. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation du père de Mme B..., en date du 30 août 2023, qu'eu égard à l'exiguïté et à l'insalubrité de son logement, il ne peut accueillir sa fille. En outre, Mme B... fait valoir, sans être contredite par le CROUS de Versailles, qu'en raison de sa qualité de boursière et de l'absence de ressources propres, elle ne dispose pas de la possibilité de se loger dans le parc locatif privé, ce qui préjudicie à la poursuite de ses études universitaires. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard tant à la précarité de la situation de Mme B... qu'à l'impossibilité, non contestée en défense, pour l'intéressée de trouver un logement, la condition d'urgence justifiant la suspension de l'exécution de l'acte attaqué doit être regardée comme remplie.

Sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

7. Pour refuser d'octroyer à Mme B..., au titre de l'année universitaire 2023-2024 une nouvelle autorisation d'occuper un logement en résidence universitaire, le CROUS de Versailles a retenu qu'il avait été constaté que le père de Mme B... était présent dans le logement qu'elle occupait en résidence universitaire pendant que cette dernière se trouvait, pour ses études, en Corée, et qu'il s'agissait d'une occupation irrégulière. Toutefois, un tel motif n'est corroboré par aucune pièce du dossier et Mme B... fait valoir sans être contredite qu'elle avait demandé à son père de se rendre occasionnellement dans son logement pour retirer son courrier et surveiller des entreprises chargées d'effectuer des travaux pendant la période durant laquelle elle poursuivait son cursus universitaire à l'étranger. Dans ces conditions, le moyen pris de ce que c'est par une appréciation inexacte des faits que la directrice du CROUS de Versailles a considéré que le comportement de la requérante justifiait le refus de lui octroyer une nouvelle autorisation d'occuper un logement en résidence universitaire apparaît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 27 avril 2023 qu'elle attaque.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Il y a lieu d'enjoindre au CROUS de Versailles de procéder à une nouvelle instruction de la demande de Mme B... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 30 juin 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 27 avril 2023 de la directrice du CROUS de Versailles est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la directrice du CROUS de Versailles de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme B... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la demande est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 484208
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2024, n° 484208
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:484208.20240301
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