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29/02/2024 | FRANCE | N°489196

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 février 2024, 489196


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administratif, d'ordonner la suspension de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Puy-de-Dôme sur sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un récépissé l'autorisant à travailler.



Par une ordonnance n° 2302256 du 2 octobre 2023, le juge des référés du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administratif, d'ordonner la suspension de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Puy-de-Dôme sur sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un récépissé l'autorisant à travailler.

Par une ordonnance n° 2302256 du 2 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 18 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser au cabinet Buk Lament-Robillot, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". En vertu de l'article L. 522 3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B... a demandé le 1er mars 2023 au préfet du Puy-de-Dôme le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", expirant le 14 mars 2023. Par une ordonnance du 2 octobre 2023 contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté sa demande tendant à ce que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Puy-de-Dôme sur sa demande de renouvellement de titre de séjour soit suspendue et à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un récépissé l'autorisant à travailler.

3. Aux termes de l'alinéa 1er de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté ". Selon l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ". Aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants:/ 1° l'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné au 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 et des dispositions de l'annexe 9 de ce code, en vigueur jusqu'au 5 avril 2023, qu'à la date du dépôt de la demande présentée par M. B... tendant au renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", un tel titre de séjour ne figurait pas sur la liste mentionnée à l'article R. 431-2 de ce code et devait, dès lors être présentée dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il était titulaire. En retenant que la demande de renouvellement présentée par M. B... quinze jours avant l'expiration de son précédent titre était tardive et devait être regardée comme une première demande, le juge des référés a implicitement mais nécessairement jugé qu'elle relevait de la procédure prévue à l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a, ce faisant, méconnu le champ d'application de ces dispositions.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. D'une part, l'urgence à suspendre une décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour doit, en principe, être reconnue. En défense, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à faire échec en l'espèce à cette présomption. La condition d'urgence doit dès lors être regardée comme remplie.

8. D'autre part, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus opposé à M. B... sur sa situation personnelle, eu égard à l'ancienneté de son séjour en France et à son insertion professionnelle, est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande de M. B... et de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de renouveler son titre de séjour. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Il ressort des pièces du dossier que le 2 février 2024, soit postérieurement à l'introduction de la demande, le préfet du Puy-de-Dôme a délivré à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à demeurer sur le territoire et à travailler. En conséquence, il n'y a pas lieu d'enjoindre au Préfet de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour.

11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Buck-Lament-Robillot, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 2 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision implicite par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B... est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la demande de renouvellement du titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Buck-Lament-Robillot, avocat de M.B..., une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 489196
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 fév. 2024, n° 489196
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Boniface
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489196.20240229
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