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23/02/2024 | FRANCE | N°486889

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 février 2024, 486889


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 1er juin 2023 par laquelle la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de ne pas renouveler le contrat dont elle bénéficiait en qualité de travailleur handicapé bénéficiaire de l'obligation d'emploi et de ne pas la titulariser. Par une ordonnance n° 2319250 du 21 août 2023, le juge des référés du tribunal ad

ministratif de Paris a rejeté cette demande.



Par un pourvoi somm...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 1er juin 2023 par laquelle la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de ne pas renouveler le contrat dont elle bénéficiait en qualité de travailleur handicapé bénéficiaire de l'obligation d'emploi et de ne pas la titulariser. Par une ordonnance n° 2319250 du 21 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 août, 7 septembre, 5 et 14 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de la décision du 1er juin 2023 et d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de la réintégrer temporairement dans ses fonctions dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier du juge des référés du tribunal administratif de Paris que Mme A... a présenté le 3 août 2023 une première demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de la décision du 1er juin 2023 par laquelle la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de ne pas renouveler le contrat dont elle bénéficiait en qualité de travailleur handicapé bénéficiaire de l'obligation d'emploi et de ne pas la titulariser, qui a été rejetée pour défaut d'urgence par une ordonnance du 8 août 2023. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 août 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la seconde demande qu'elle avait présentée aux mêmes fins le 17 août 2023.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".

3. Si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l'urgence sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l'autorité de chose jugée. Il en résulte que la circonstance que le juge des référés a rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que la même partie saisisse ce juge d'une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu'ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine. Une telle demande trouve son fondement non dans les dispositions de l'article L. 521-4, qui ne sauraient être utilement invoquées lorsque le juge des référés a rejeté purement et simplement une demande aux fins de suspension, mais dans celles de l'article L. 521-1.

4. Pour rejeter la seconde demande de suspension présentée par Mme A..., le juge des référés du tribunal administratif a retenu qu'elle n'apportait aucun élément complémentaire par rapport à sa première demande, notamment en ce qui concerne l'urgence attachée à la suspension de la décision attaquée, alors, d'une part, qu'elle n'établissait pas être dans l'impossibilité d'exercer les voies de recours ouvertes à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 août 2023 et, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative n'avaient ni pour objet ni pour effet d'offrir une voie de recours au requérant insatisfait par une précédente ordonnance rendue par le juge des référés, en l'absence de tout élément nouveau. Ce faisant, il a méconnu son office et entaché son ordonnance d'erreur de droit dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ni l'absence d'éléments nouveaux produits par la requérante, à la supposer établie, ni la faculté qui lui était ouverte d'exercer une voie de recours contre la première ordonnance ne faisait obstacle à ce qu'elle saisisse le juge des référés du tribunal administratif d'une nouvelle demande ayant le même objet et que cette nouvelle demande de suspension n'était pas présentée en application de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, fondement sur lequel elle n'aurait d'ailleurs pu reposer, mais en application de l'article L. 521-1 de ce code.

5. Il suit de là que Mme A... est fondée, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

7. Pour demander la suspension de la décision contestée, Mme A... soutient que :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle a été prise à une date à laquelle elle ne pouvait plus légalement l'être, dès lors qu'elle n'était plus alors agent du ministère ;

- l'avis de la commission administrative paritaire, qui n'était pas défavorable, a été rendu dans des conditions irrégulières, ses membres n'ayant pas été régulièrement convoqués, le quorum n'étant pas atteint, les pièces du dossier ne leur ayant pas été communiquées en temps utile, la composition de la commission étant irrégulière, la parité entre les représentants du personnel et de l'administration n'ayant pas été respectée lors du vote et cet avis n'étant pas motivé ;

- elle a été prise en méconnaissance des exigences de l'article 6 du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, faute que lui ait été assuré un suivi personnalisé en qualité de personne handicapée ;

- une prolongation de son contrat aurait dû lui être accordée afin de la mettre en mesure de démontrer ses capacités professionnelles en application de l'article 8 du décret du 25 août 1995 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses capacités professionnelles ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 131-8 du code général de la fonction publique dès lors qu'elle n'a pas bénéficié des mesures garanties par ces dispositions pour lui permettre de conserver l'emploi correspondant à sa qualification, de développer un parcours professionnel et d'accéder à des fonctions de niveau supérieur.

8. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'apparaît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

9. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions de Mme A... tendant à ce que l'exécution de cette décision soit suspendue doivent être rejetées, de même, par suite, que celles à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 21 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 486889
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2024, n° 486889
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:486889.20240223
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