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23/02/2024 | FRANCE | N°481576

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 février 2024, 481576


Vu la procédure suivante :



L'Association des villages réunis de Saint-Herblain Ouest, M. A... C... et Mme F... E..., M. B... G... et M. H... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le maire de Saint-Herblain a délivré à la commune de Saint-Herblain un permis d'aménager un terrain d'insertion pour les populations migrantes d'Europe de l'Est. Par une ordonnance n° 2309493 du 27 juill

et 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté...

Vu la procédure suivante :

L'Association des villages réunis de Saint-Herblain Ouest, M. A... C... et Mme F... E..., M. B... G... et M. H... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le maire de Saint-Herblain a délivré à la commune de Saint-Herblain un permis d'aménager un terrain d'insertion pour les populations migrantes d'Europe de l'Est. Par une ordonnance n° 2309493 du 27 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 23 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des villages réunis de Saint Herblain Ouest, M. C... et Mme E..., M. G... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Herblain la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka, Prigent, Drusch, avocat de l'Association des villages réunis de Saint-Herblain Ouest et autres et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de Saint-Herblain ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2024, présentée par la commune de Saint-Herblain ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Association des villages réunis de Saint-Herblain Ouest et autres se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 27 juillet 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la suspension, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le maire de Saint-Herblain a délivré à la commune de Saint-Herblain un permis d'aménager un terrain d'insertion pour les populations migrantes d'Europe de l'Est.

2. Aux termes de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...) 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; (...) / 4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public (...) ". Aux termes des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme métropolitain applicables à la zone A (zones agricole, naturelle ou forestière) : " (...) Le secteur Acl comprend 5 sous-secteurs de taille et de capacités d'accueil limitées : (...) / Acl3 : sous-secteur dédié aux résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. / Acl4 : sous-secteur dédié aux constructions relevant de la destination Equipements d'intérêt collectif et services publics. / Acl5 : sous-secteur dédié à l'habitat dual destiné à l'habitat des gens du voyage. (...) ". Aux termes du 5 de l'article A.2 de ce règlement, sont exclusivement autorisées " en sous-secteur Acl4 : les constructions, extensions, réhabilitations et installations relevant de la destination Equipement d'intérêt collectif et services publics à l'exception de la sous-destination Salles d'art et de spectacle ". Aux termes du lexique du même règlement, la destination " Equipements d'intérêt collectif et services publics " comprend notamment la sous-destination " autres équipements recevant du public ", laquelle " recouvre les équipements collectifs destinés à accueillir du public afin de satisfaire un besoin collectif ne répondant à aucune autre destination définie au sein de la destination " Equipement d'intérêt collectif et services publics " (...) notamment (...) les aires d'accueil des gens du voyage ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que le projet litigieux, situé dans la zone Acl4 du plan local d'urbanisme métropolitain, porte sur l'aménagement d'une aire d'insertion, destinées à l'accueil de familles de migrants en provenance d'Europe de l'Est installées en habitat précaire dans l'agglomération nantaise, comportant quinze " mobil-homes " dont quatorze ayant vocation à devenir leur habitation permanente. Ce projet, qui ne peut être assimilé à une aire d'accueil des gens du voyage dès lors qu'il porte sur la construction d'habitations démontables destinées à accueillir leurs occupants de façon permanente, se rattache, alors même que l'un des " mobil-homes " qu'il comporte sera destiné à servir de bureau et de salle de réunion à l'association chargée de la gestion de l'aire d'insertion, à la sous-destination " logement, hébergement " au sens des dispositions de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, rappelées au point 2. Ainsi, en jugeant que n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de ce que ce projet ne pouvait, compte tenu de sa destination, s'implanter dans une zone classée Acl4 par le plan local d'urbanisme métropolitain, dédiée, selon les conditions détaillées au point précédent, aux équipements d'intérêt collectif et aux services publics, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de leur pourvoi, les requérants sont fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

Sur l'urgence :

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Les travaux rendus possibles par un permis d'aménager présentent un caractère difficilement réversible. Par suite, lorsque la suspension de l'exécution d'un permis d'aménager est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite, ainsi que le prévoit l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifie de circonstances particulières. Il appartient alors au juge des référés, pour apprécier si la condition d'urgence est remplie, de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise.

6. En l'espèce, la commune de Saint-Herblain n'établit pas que, comme elle l'allègue, les travaux seraient parvenus à un état de quasi-achèvement. Il suit de là qu'en dépit de l'intérêt public qui s'attache à la réalisation de cette aire, la commune ne justifie pas de circonstances particulières de nature à permettre que la condition d'urgence ne soit pas, en l'espèce, regardée comme satisfaite.

Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que le permis d'aménager attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article A.2 du règlement du plan local d'urbanisme métropolitain applicables à la zone Acl4 est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2023 du maire de Saint-Herblain doit être suspendue.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Herblain une somme globale de 3 000 euros à verser aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 18 avril 2023 du maire de Saint-Herblain est suspendue.

Article 3 : La commune de Saint-Herblain versera à l'Association des villages réunis de Saint Herblain Ouest, M. C... et Mme E..., M. G... et M. D... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Herblain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Association des villages réunis de Saint Herblain Ouest, première dénommée, pour l'ensemble des requérants et à la commune de Saint-Herblain.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 481576
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2024, n° 481576
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:481576.20240223
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