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22/02/2024 | FRANCE | N°474675

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 22 février 2024, 474675


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du préfet de police du 6 octobre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et procédant à son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. Par un jugement n° 2113837 du 6 janvier 2022, la magistrate désignée

par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du préfet de police du 6 octobre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et procédant à son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. Par un jugement n° 2113837 du 6 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22PA05183 du 26 janvier 2023, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 mai et 31 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... ressortissant mauritanien, entré en France en 2018, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Son recours contre cette décision a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 septembre 2019. Par un jugement du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de police du 6 octobre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et procédant à son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. Par une ordonnance du 26 janvier 2023, contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'intéressé contre ce jugement au motif qu'il était tardif.

2. D'une part, aux termes des deux premiers alinéas de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. / L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette loi : " L'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée par un bureau d'aide juridictionnelle ". Les deux premiers aliénas de son article 13 prévoient que : " Il est institué un bureau d'aide juridictionnelle chargé de se prononcer sur les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle relatives aux instances portées devant les juridictions du premier et du second degré, à l'exécution de leurs décisions et aux transactions avant l'introduction de l'instance. / Ce bureau est établi au siège des juridictions dont la liste et le ressort en cette matière sont définis par décret ".

3. D'autre part, en vertu de l'article 32 du décret du 28 décembre 2020 portant application de cette loi et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " Le bureau d'aide juridictionnelle territorialement compétent pour statuer sur la demande d'aide juridictionnelle est : / (...) 2° Pour les affaires relevant d'un tribunal administratif (...), le bureau établi près le tribunal administratif dans le ressort duquel demeure le demandeur ou, à défaut, le bureau comportant une section spécialisée pour le tribunal administratif dans le ressort duquel demeure le demandeur ", lequel se trouve dans ce dernier cas rattaché à un tribunal judiciaire. L'article 35 de ce décret dispose que : " Le bureau ou la section de bureau qui se déclare incompétent renvoie la demande par décision motivée devant le bureau ou la section de bureau qu'il désigne ". L'article 51 prévoit, quant à lui, que : " I.- En cas de demande d'aide juridictionnelle formée en cours d'instance, le secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle ou de la section du bureau en avise le président de la juridiction saisie. / Dans le cas où la demande est faite en vue d'exercer une voie de recours, l'avis est adressé au président de la juridiction devant laquelle le recours doit être porté. (...) / II.- (...) la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle sursoit à statuer dans l'attente de la décision relative à cette demande (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle devant le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny le 24 janvier 2022, soit avant l'expiration du délai d'appel. Par une décision du 16 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny s'est déclaré incompétent et a renvoyé la demande devant le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris qui l'a enregistrée à la date du 26 août 2022. Par décision du 7 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle à l'intéressé. Par suite, en retenant que M. B... avait introduit sa demande d'aide juridictionnelle le 26 août 2022, alors que cette demande avait été introduite avant l'expiration du délai d'appel d'un mois, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris s'est, pour rejeter l'appel de M. B... comme tardif, fondé sur des faits matériellement inexacts.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ohl, Vexliard, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 26 janvier 2023 du président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. B..., une somme de 3 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 474675
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2024, n° 474675
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Adam
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474675.20240222
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