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22/02/2024 | FRANCE | N°474365

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 22 février 2024, 474365


Vu la procédure suivante :



La société Lombard et Guérin gestion a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubri

té. Par un jugement nos 1920094, 1927040 du 17 juin 2021, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

La société Lombard et Guérin gestion a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubrité. Par un jugement nos 1920094, 1927040 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 21PA04701 du 21 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société Lombard et Guérin gestion.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mai, 11 août 2023 et 19 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lombard et Guérin gestion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Lombard et Guérin gestion et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lombard et Guérin gestion et la Ville de Paris ont conclu le 17 juin 2013, en application de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, une convention de délégation de service public portant sur l'organisation, la gestion et l'entretien des marchés aux puces de la porte de Clignancourt et de la rue Jean-Henri Fabre pour une durée de cinq ans à compter du 26 juillet 2013. En vertu de cette convention, la société percevait les droits de place et versait en contrepartie à la Ville de Paris une redevance. Par courrier du 12 juillet 2018, la société Lombard et Guérin gestion a sollicité la conclusion d'un protocole transactionnel en invoquant, d'une part, la modification unilatérale des conditions de facturation de certains emplacements en cours de convention et, d'autre part, la baisse de fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de salubrité et sécurité récurrents qui auraient rompu l'équilibre économique de la délégation de service public. Par courrier du 16 juillet 2019, la Ville de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation s'agissant des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et a indiqué, s'agissant de la baisse de la fréquentation du marché, qu'elle ne disposait pas des documents certifiés nécessaires à l'étude de cette demande, ce qu'elle a confirmé par courrier du 17 octobre 2019 en réponse à la demande d'indemnisation présentée par la société. La société Lombard et Guérin gestion a saisi le tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser, d'une part, la somme de 128 043,55 euros en réparation du préjudice découlant de la modification unilatérale des conditions de facturation de la profondeur des emplacements du marché Jean-Henri Fabre et, d'autre part, la somme de 731 607 euros en réparation du préjudice causé par la baisse substantielle de la fréquentation des marchés consécutive à des problèmes de sécurité et de salubrité, arrondies à la somme totale de 859 650 euros. Par un jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. La société Lombard et Guérin gestion se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif.

2. L'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de ces taxes indirectes, sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens et la légalité des clauses contestées des baux.

3. Eu égard au contenu du contrat, rappelé au point 1, conclu entre la société Lombard et Guérin gestion et la Ville de Paris, par lequel la seconde confie à la première la perception des droits de place, les actions indemnitaires de la société, qui sont fondées sur les liens contractuels existant entre elle et la Ville de Paris, relèvent de la compétence de l'autorité judiciaire. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir qu'en rejetant comme non fondé l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant ses conclusions indemnitaires, sans relever d'office l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige dont elle était saisie, la cour administrative d'appel de Paris a méconnu son office et, par suite, commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur la demande présentée par la société Lombard et Guérin gestion. Le tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande comme non fondée, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la requête d'appel d'annuler le jugement et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter la demande de la société Lombard et Guérin gestion comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées tant en appel qu'en cassation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 21 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Lombard et Guérin gestion devant le tribunal administratif de Paris est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Lombard et Guérin gestion et par la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lombard et Guérin gestion et à la Ville de Paris.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 474365
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2024, n° 474365
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474365.20240222
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