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16/02/2024 | FRANCE | N°479822

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 16 février 2024, 479822


Vu les procédures suivantes :



L'association Phalsbourg Bien Vivre, M. E... H..., Mme L... J..., Mme C... O..., M. P... M..., M. G... D..., Mme F... K..., Mme N... I... et M. B... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Moselle du 4 avril 2023 autorisant l'exploitation par la société Solucane d'une plateforme de transit de déchets sur le territoire de la commune de Phalsbourg.<

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Par une ordonnance n° 2304933 du 25 juillet 2023, le j...

Vu les procédures suivantes :

L'association Phalsbourg Bien Vivre, M. E... H..., Mme L... J..., Mme C... O..., M. P... M..., M. G... D..., Mme F... K..., Mme N... I... et M. B... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Moselle du 4 avril 2023 autorisant l'exploitation par la société Solucane d'une plateforme de transit de déchets sur le territoire de la commune de Phalsbourg.

Par une ordonnance n° 2304933 du 25 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à cette demande.

1° Sous le n° 479822, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 24 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Solucane demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association Phalsbourg Bien Vivre et autres ;

3°) de mettre à la charge de l'association Phalsbourg Bien Vivre et autres la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 480616, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 25 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler la même ordonnance.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Solucane ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société Solucane et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont dirigés contre la même ordonnance, rendue le 25 juillet 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Moselle du 4 avril 2023 autorisant l'exploitation par cette société d'une plateforme de transit de déchets sur le territoire de la commune de Phalsbourg. Il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. Aux termes de l'article L. 425-14 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice du deuxième alinéa de l'article L. 181-30 du code de l'environnement, lorsque le projet est soumis à autorisation environnementale, en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du même code, ou à déclaration, en application de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II dudit code, le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre : / 1° Avant la délivrance de l'autorisation environnementale mentionnée à l'article L. 181-1 du même code, sauf décision spéciale prévue à l'article L. 181-30 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 181-30 du code de l'environnement : " Les permis et les décisions de non-opposition à déclaration préalable requis en application des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l'urbanisme ne peuvent pas recevoir exécution avant la délivrance de l'autorisation environnementale (...) / Par dérogation au premier alinéa du présent article, les permis et décisions mentionnés au même premier alinéa peuvent, à la demande du pétitionnaire et à ses frais et risques, recevoir exécution avant la délivrance de l'autorisation environnementale (...) lorsque l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale le permet par décision spéciale motivée (...) ".

5. Pour suspendre l'exécution de l'arrêté contesté du préfet de la Moselle autorisant la société Solucane à exploiter une plateforme de transit de déchets sur le territoire de la commune de Phalsbourg, le juge des référés s'est fondé, pour estimer que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, sur les risques pour la sécurité et les atteintes à la commodité du voisinage susceptibles d'être causés par les travaux de construction de la plateforme de transit litigieuse, travaux autorisés par un permis de construire du 27 janvier 2023. Toutefois, les effets qui s'attachent à l'exécution de l'autorisation environnementale sont distincts de ceux du permis de construire les équipements nécessaires à l'exploitation autorisée. Quand bien même la délivrance de l'autorisation environnementale conditionne, en vertu des articles L. 425-14 du code de l'urbanisme et L. 181-30 du code de l'environnement, la mise en œuvre du permis de construire délivré pour la construction des équipements nécessaires à la réalisation du projet, les risques et nuisances liés aux travaux de construction ne peuvent être utilement invoqués pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'autorisation environnementale. Par suite, en se fondant sur de tels risques et nuisances pour suspendre l'exécution de l'autorisation environnementale contestée, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la société Solucane et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé et de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les risques et nuisances susceptibles de résulter des travaux de construction autorisés par le permis de construire du 27 janvier 2023 sont sans incidence sur l'appréciation de l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté contesté. Il résulte, en outre, de l'instruction que la mise en service de l'installation autorisée par cet arrêté n'interviendra pas avant le mois de juillet 2024. Dans ces conditions, alors au surplus que les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à établir que l'exploitation de cette installation serait susceptible, par elle-même, de porter atteinte, de manière grave et immédiate, à leur situation ou aux intérêts qu'ils défendent, la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite en l'espèce.

9. Il résulte de ce qui précède que l'association Phalsbourg Bien Vivre et autres ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté contesté.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Phalsbourg Bien Vivre et autres la somme de 1 000 euros à verser à la société Solucane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juillet 2023 est annulée.

Article 2 : La demande de suspension de l'association Phalsbourg Bien Vivre et autres est rejetée.

Article 3 : L'association Phalsbourg Bien Vivre et autres verseront à la société Solucane la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Solucane, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association Phalsbourg Bien Vivre, première désignée parmi les défendeurs.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 479822
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 479822
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:479822.20240216
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