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16/02/2024 | FRANCE | N°466905

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 16 février 2024, 466905


Vu les procédures suivantes :



1° La société civile immobilière (SCI) Carilo a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre de perception en date du 22 juin 2017 émis à son encontre pour un montant de 143 780 euros et de prononcer la décharge de la redevance pour création de bureaux correspondante. Par un jugement n° 1803572 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Par une ordonnance n° 22PA03591 du 22 août 2022, enregistrée le 23 août 2022 au secrétariat du contentieux du

Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au ...

Vu les procédures suivantes :

1° La société civile immobilière (SCI) Carilo a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre de perception en date du 22 juin 2017 émis à son encontre pour un montant de 143 780 euros et de prononcer la décharge de la redevance pour création de bureaux correspondante. Par un jugement n° 1803572 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22PA03591 du 22 août 2022, enregistrée le 23 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 1er août 2022 au greffe de cette cour, présenté par la SCI Carilo. Par ce pourvoi, enregistré sous le numéro 466907, par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 novembre 2022 et 18 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Carilo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° La société civile immobilière (SCI) Carilo a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre de perception en date du 22 juin 2017 émis à son encontre pour un montant de 102 437 euros et de prononcer la décharge de la redevance pour création de bureaux correspondante. Par un jugement n° 1803580 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22PA03605 du 22 août 2022, enregistrée le 23 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 2 août 2022 au greffe de cette cour, présenté par la SCI Carilo. Par ce pourvoi, enregistré sous le numéro 466907, par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistré les 10 novembre 2022 et 18 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Carilo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la SCI Carilo ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 29 janvier 2024 présentées par la SCI Carilo ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux pourvois de la SCI Carilo présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Melun que la société civile immobilière (SCI) Carilo a obtenu, par un arrêté du maire de Roissy-en-Brie du 2 juillet 2015 et par un arrêté du maire de Couilly-Pont-aux-Dames du 23 décembre 2015, deux permis de construire des parcs d'activités commerciales. La SCI Carilo se pourvoit en cassation contre les jugements du tribunal administratif de Melun du 30 juin 2022 ayant rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux titres de perception émis le 22 juin 2017, correspondant à la redevance pour création de locaux de bureaux due pour chacune de ces opérations, soit respectivement 102 437 et 143 780 euros, et à la décharge de cette redevance.

Sur les pourvois :

3. Aux termes de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la délivrance des permis de construire : " En région d'Ile-de-France, une redevance est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis au III de l'article 231 ter du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 520-2 du même code, dans sa version en vigueur à la date de délivrance des permis de construire : " La redevance est due par la personne physique ou morale qui est propriétaire des locaux à la date de l'émission de l'avis de mise en recouvrement. L'avis de mise en recouvrement doit être émis dans les deux ans qui suivent (...) la délivrance du permis de construire (...) ". Aux termes de l'article L. 520-17 du même code, dans sa version issue du II de l'article 50 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015: " La taxe et la pénalité dont elle peut être assortie sont recouvrées par les comptables publics compétents dans les mêmes conditions que les créances étrangères à l'impôt. Pour le recouvrement de la taxe et de la pénalité, un titre de perception est émis par le directeur du service de l'Etat chargé de l'urbanisme avant le 31 décembre de la troisième année suivant celle du fait générateur. La taxe et la pénalité sont exigibles à la date d'émission du titre de perception ". Aux termes du V de l'article 50 de la loi du 29 décembre 2015 : " Le II s'applique aux opérations pour lesquelles la demande de permis de construire ou la déclaration préalable prévue à l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme est déposée à compter du 1er janvier 2016 ou, à défaut, aux opérations pour lesquelles le début des travaux ou le changement d'usage intervient à compter de cette date ".

4. Le tribunal administratif de Melun a jugé que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure de recouvrement des redevances pour création de locaux de bureaux dues au titre des permis de construire mentionnés au point 2 serait entachée d'illégalité, au motif que si l'administration doit se placer à la date du fait générateur de la redevance précitée, à savoir la délivrance du permis de construire, pour appliquer la législation alors en vigueur afin de déterminer le principe de la créance et le calcul de celle-ci, elle doit, en revanche, se placer à la date de l'émission du titre exécutoire pour en déterminer sa nature. En statuant ainsi, alors que les dispositions du V de l'article 50 de la loi du 29 décembre 2015 réservent l'application de l'article L. 520-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de celle du II du même article 50, aux seules opérations pour lesquelles la demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2016, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la SCI Carilo est fondée à demander l'annulation des jugements qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement au fond :

7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 520-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délivrance des permis de construire : " La redevance est recouvrée dans les mêmes conditions que les créances domaniales ". Aux termes de l'article R. 520-6 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 27 mai 2014 portant adaptation de dispositions pour faire suite à la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, en vigueur à la même date : " La détermination de l'assiette et la liquidation de la redevance font l'objet de décisions du directeur départemental de l'équipement ou, dans les conditions prévues à l'alinéa suivant, du maire. / Lorsque le maire est compétent pour délivrer les permis de construire au nom de la commune, en application du a de l'article L. 422-1, il peut se voir confier, sur sa demande ou avec son accord, par arrêté du préfet pris sur proposition du directeur départemental de l'équipement, la détermination de l'assiette et la liquidation de la redevance. / Le directeur départemental de l'équipement et le maire peuvent déléguer leur signature aux agents placés sous leur autorité. / A défaut de paiement de la redevance dans le délai fixé à l'avertissement portant notification de la décision visée au premier alinéa, la créance fait l'objet d'un titre de perception. Ce dernier est émis conformément aux dispositions de l'article L. 2323-1 du code général de la propriété des personnes publiques par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques dans le délai de deux ans à compter soit de la délivrance du permis de construire, soit du dépôt des déclarations prévues par les articles L. 421-4 et L. 520-9 du présent code ou à défaut de la constatation du début des travaux ". L'article R. 2323-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dont les dispositions sont prises pour l'application de l'article L. 2323-1 du même code, prévoit que : " Les poursuites en vue du recouvrement des produits, redevances et sommes de toute nature mentionnés à l'article L. 2321-1 s'opèrent dans les conditions prévues à l'article 113 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ". Enfin, aux termes de l'article A. 520-5 du code de l'urbanisme : " Le paiement de la redevance doit intervenir dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de l'avertissement portant notification de la décision du ministre chargé de l'urbanisme ou de son délégué. / Le directeur des services fiscaux émet un avis de mise en recouvrement dans les deux ans qui suivent la délivrance du permis de construire. / La notification du titre de perception contient sommation d'avoir à payer sans délai la redevance réclamée. Celle-ci est immédiatement exigible. Il est dû un intérêt de 1 % par mois de retard à compter de la réception de ladite notification ".

8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'obtention des permis de construire délivrés par les maires de Roissy-en-Brie le 2 juillet 2015 et de Couilly-Pont-aux-Dames le 23 décembre 2015, la SCI Carilo a été destinataire de deux décisions, en date respectivement du 3 novembre et du 26 décembre 2016, mettant à sa charge les montants correspondants de la redevance pour création de bureaux, puis des titres de perception du 22 juin 2017 en litige, émis par le directeur départemental des finances publiques et rendus exécutoires dans les conditions et les délais prescrits par les dispositions citées au point 7. Il s'ensuit que l'administration a bien, contrairement à ce que soutient la société requérante, mis en recouvrement la redevance pour création de bureaux conformément aux dispositions de l'article L. 520-2 du code de l'urbanisme dans leur version applicable aux opérations pour lesquelles la demande de permis de construire a été déposée avant le 1er janvier 2016, sans qu'ait à cet égard d'incidence la circonstance qu'elle n'ait pas donné aux titres émis le 22 juin 2017 l'intitulé d'avis de mise en recouvrement.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation des titres de perception litigieux et à la décharge des redevances pour création de locaux de bureaux doivent être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Melun du 30 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par la SCI Carilo devant le tribunal administratif de Melun sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par SCI Carilo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Carilo et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2024 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Philippe Ranquet

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 466905
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 466905
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466905.20240216
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