La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2024 | FRANCE | N°463496

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 16 février 2024, 463496


Vu la procédure suivante :



L'association d'animation et de gestion de la maison d'enfants de Quézac (AGAMEQ) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Lot a refusé de lui rembourser les frais de prise en charge de quatre mineurs et de condamner le département du Lot à lui verser la somme de 51 059,68 euros à ce titre. Par un jugement n° 1703214 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du président du conseil départem

ental du Lot du 15 juin 2017 et condamné le département à verser à l'AGAME...

Vu la procédure suivante :

L'association d'animation et de gestion de la maison d'enfants de Quézac (AGAMEQ) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Lot a refusé de lui rembourser les frais de prise en charge de quatre mineurs et de condamner le département du Lot à lui verser la somme de 51 059,68 euros à ce titre. Par un jugement n° 1703214 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du président du conseil départemental du Lot du 15 juin 2017 et condamné le département à verser à l'AGAMEQ la somme demandée.

Par un arrêt n° 19BX04955 du 24 février 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du département du Lot, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par l'AGAMEQ en première instance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 20 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'AGAMEQ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du département du Lot la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association requérante soutient que la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt :

- d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ne recherchant pas si l'action en justice avait été régulièrement engagée par son président alors qu'aucune stipulation des statuts ne réservait expressément à un organe la capacité de décider de former une action en justice ;

- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en jugeant que le droit d'agir en justice appartenait à son conseil d'administration ;

- de dénaturation des pièces du dossier en estimant que la décision du conseil d'administration du 2 juin 2015 n'était pas suffisamment précise pour habiliter le directeur à ester en justice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2023, le département du Lot conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'AGAMEQ au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'association gestion et animation de la maison d'enfants de Quézac et à la SCP Gury et Maître, avocat du département du Lot ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association de gestion et d'animation de la maison d'enfants de Quézac (AGAMEQ), gestionnaire d'un établissement d'accueil pour enfants situé dans le Cantal, a demandé au département du Lot, par lettre du 29 mars 2017, le remboursement des frais de prise en charge de quatre mineurs confiés par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Cahors. Le président du conseil départemental du Lot, par une décision du 15 juin 2017, a refusé de faire droit à cette demande. L'AGAMEQ se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 17 octobre 2019 condamnant le département du Lot à lui verser la somme de 51 059,68 euros et a rejeté la demande de l'AGAMEQ pour irrecevabilité faute de qualité pour agir en justice de l'auteur de la requête.

2. En l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si aucune stipulation des statuts de l'AGAMEQ ne réserve expressément à l'un de ses organes le pouvoir de décider de former une action en justice en son nom, le président tient de l'article 8 de ces statuts le pouvoir de la représenter en justice. Dès lors, en se fondant sur les stipulations de l'article 7 des statuts de l'association qui confère à son conseil d'administration " les pouvoirs les plus étendus " et prévoit qu'il " autorise tous actes d'administration non réservés à l'assemblée générale " pour juger irrecevable la requête de première instance de l'AGAMEQ faute d'être présentée par son conseil d'administration ou par un organe habilité par lui, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'AGAMEQ est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Lot, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 800 euros à verser à l'AGAMEQ. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'AGAMEQ qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le département du Lot versera à l'AGAMEQ une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département du Lot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association d'animation et de gestion et de la maison d'enfants de Quézac et au département du Lot.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2024 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Philippe Ranquet

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 463496
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 463496
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:463496.20240216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award