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14/02/2024 | FRANCE | N°473846

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 14 février 2024, 473846


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner l'État à leur verser, respectivement, les sommes de 84 337,15 euros et 1 530 971,01 euros en réparation des préjudices subis par eux-mêmes et par leur père, décédé, du fait de l'absence de dispositions prises par l'État afin d'éviter ou minorer les violences perpétrées à leur encontre en Algérie ainsi que du fait du manquement de l'État aux droits et libertés fondamentaux dans le traitement qui leur a été

réservé à leur arrivée en France, dans des camps, et jusqu'à la date d'introducti...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner l'État à leur verser, respectivement, les sommes de 84 337,15 euros et 1 530 971,01 euros en réparation des préjudices subis par eux-mêmes et par leur père, décédé, du fait de l'absence de dispositions prises par l'État afin d'éviter ou minorer les violences perpétrées à leur encontre en Algérie ainsi que du fait du manquement de l'État aux droits et libertés fondamentaux dans le traitement qui leur a été réservé à leur arrivée en France, dans des camps, et jusqu'à la date d'introduction de leur requête. Par un jugement n° 1705280-1705281 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 20TL22696 du 7 mars 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par les consorts B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai et 22 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

2. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, les requérants soutiennent que la cour administrative d'appel de Toulouse l'a entaché :

- d'erreur de droit, de violation de la loi et de dénaturation des faits de l'espèce en jugeant que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions relatives aux préjudices liés au défaut d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française et leurs familles et à l'absence d'organisation de leur rapatriement en France au motif que ces préjudices ne sont pas détachables de la conduite des relations entre la France et l'Algérie ;

- d'erreur de droit et de défaut de base légale en relevant d'office que les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français faisaient obstacle à la recevabilité de leurs conclusions, fondées sur le droit commun de la responsabilité de la puissance publique, tendant à l'indemnisation de préjudices liés aux conditions d'accueil et de vie réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles, alors que ces dispositions sont incompatibles avec celles de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

3. Eu égard aux moyens soulevés, il y a lieu d'admettre les conclusions du pourvoi qui sont dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a relevé d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation de préjudices liés aux conditions d'accueil et de vie réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles. En revanche, s'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a jugé que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions relatives aux préjudices liés au défaut d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française et leurs familles et à l'absence d'organisation de leur rapatriement en France, aucun des moyens n'est de nature à permettre l'admission de ces conclusions.

D E C I D E :

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Article 1er : Les conclusions du pourvoi de Mme B... et M. B... dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a relevé d'office l'irrecevabilité des conclusions de leur demande tendant à l'indemnisation de préjudices liés aux conditions d'accueil et de vie réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles sont admises.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et M. C... B....

Copie en sera adressée au ministre des armées.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 14 février 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Emmanuel Weicheldinger

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 473846
Date de la décision : 14/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2024, n° 473846
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473846.20240214
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