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13/02/2024 | FRANCE | N°471939

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 13 février 2024, 471939


La société Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, de la somme de 214 518 euros correspondant au crédit d'impôt sur les sociétés pour l'investissement en Corse prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts. Par deux jugements n° 1900228 du 22 octobre 2020 et du 1er juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n°s 21MA03619, 21MA03620 du 6 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la soci

té Pefil contre ces jugements.



Par un pourvoi sommaire et u...

La société Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, de la somme de 214 518 euros correspondant au crédit d'impôt sur les sociétés pour l'investissement en Corse prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts. Par deux jugements n° 1900228 du 22 octobre 2020 et du 1er juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°s 21MA03619, 21MA03620 du 6 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Pefil contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les

6 mars et 7 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pefil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 471939 du 26 juillet 2023 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Pefil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société Pefil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Pefil qui exploite depuis 2017 sur l'île de Cavallo (Corse-du-Sud), une épicerie, un bar-brasserie et un restaurant, a demandé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, à bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts en faveur de l'investissement productif en Corse, à raison des investissements qu'elle avait réalisés pour un montant total de

1 123 814 euros. L'administration fiscale a rejeté l'éligibilité au crédit d'impôt de ces investissements, à hauteur d'un montant de 715 059 euros. La société Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution, au titre de l'exercice clos le

31 décembre 2017, de la somme de 214 518 euros correspondant au crédit d'impôt refusé par l'administration fiscale. Par deux jugements du 22 octobre 2020 et du 1er juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande. La société Pefil demande l'annulation de l'arrêt du 6 janvier 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les appels qu'elle avait formés contre ces jugements.

2. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, (...), réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité (...) commerciale (...). / 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : / a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf ;(...) ".

Sur le caractère de biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif de certains biens :

3. Aux termes de l'article 39 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. L'amortissement des biens d'équipement (...) acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif (...) ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, dans les conditions fixées aux articles 23 à 25, les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du

1er janvier 1960 et énumérées ci-après : / Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ; (...) / Installations de magasinage et de stockage sans que puissent y être compris les locaux servant à l'exercice de la profession ; / Immeubles et matériels des entreprises hôtelières ".

6. Peuvent faire l'objet d'un amortissement selon le mode dégressif au titre des matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport au sens et pour l'application de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts, les biens d'équipement normalement utilisés dans leur activité productrice par des entreprises industrielles, indépendamment de leur importance ou de leur coût.

7. En jugeant que le presse-agrumes, les congélateurs, les réfrigérateurs et les machines à glace acquis par la société requérante n'étaient pas, compte tenu du caractère restreint de leur capacité, identiques aux matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication alimentaire au sens de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts et, par suite, qu'ils n'étaient pas éligibles au régime de l'amortissement dégressif, la cour, qui s'est bornée à déduire des caractéristiques matérielles de ces équipements telles qu'elles ressortaient des pièces du dossier qu'elle n'a pas dénaturées, que ceux-ci n'étaient pas assimilables à des biens d'équipement susceptibles d'être utilisés par des entreprises industrielles pour leur activité productive, n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les autres biens et agencements :

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit dans la décision du

26 juillet 2023 visée ci-dessus, le législateur a entendu réserver le bénéfice des dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts aux investissements attestant de la pérennité de la localisation de l'activité sur le territoire corse, tels les agencements et installations des locaux commerciaux mentionnés au a du 3° du I de ces dispositions, lesquels ne peuvent s'entendre que des éléments destinés à mettre les locaux commerciaux en état d'utilisation et faisant corps avec eux, et en exclure les biens meubles autres que les biens d'équipements amortissables selon le mode dégressif. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que n'entraient pas dans l'assiette du crédit d'impôt en litige les meubles meublants acquis par la société requérante.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit également dans la décision du

26 juillet 2023, le législateur n'a pas entendu exclure du champ des " agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle " ouvrant droit au crédit d'impôt en faveur de l'investissement productif en Corse les investissements réalisés au titre de surfaces commerciales non couvertes, telles les terrasses d'un restaurant ou d'un débit de boissons. Par suite, en jugeant que les travaux de réalisation des terrasses du bar brasserie et du restaurant exploités par la société requérante ne pouvaient être pris en compte dans l'assiette du crédit d'impôt au motif qu'ils avaient été entrepris sur des espaces totalement ouverts qui ne pouvaient être regardés comme constituant des locaux commerciaux au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater E du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit.

9. En troisième lieu, en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la salle intérieure du restaurant, d'une surface de 57,20 m² hors sanitaires, serait habituellement ouverte à la clientèle et que, par suite, les travaux entrepris dans ce local n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pefil est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque qu'en tant qu'il s'est prononcé sur les travaux réalisés sur les terrasses du bar-brasserie et du restaurant.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à la société Pefil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il s'est prononcé les travaux réalisés sur les terrasses du bar-brasserie et du restaurant.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à la société Pefil la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Pefil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 13 février 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 471939
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2024, n° 471939
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471939.20240213
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