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13/02/2024 | FRANCE | N°466004

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 13 février 2024, 466004


Vu la procédure suivante :



La société Eaton Industries LP a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 332 142 euros dont elle s'estime titulaire au titre de la période du 1er mars 2017 au 31 mars 2018. Par un jugement n° 1813254 du 8 janvier 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA001181 du 23 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Eaton Industries LP contre ce

jugement.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un m...

Vu la procédure suivante :

La société Eaton Industries LP a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 332 142 euros dont elle s'estime titulaire au titre de la période du 1er mars 2017 au 31 mars 2018. Par un jugement n° 1813254 du 8 janvier 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA001181 du 23 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Eaton Industries LP contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juillet et 24 octobre 2022 et le 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eaton Industries LP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Eaton Industries LP ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eaton Industries LP, dont le siège est situé au Royaume-Uni et qui exerce son activité dans le domaine du commerce interentreprises, a demandé, sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts, le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2017 au 31 mars 2018. A la suite du refus opposé par l'administration fiscale, la société Eaton Industries LP a saisi le tribunal administratif de Montreuil, lequel, par un jugement du 8 janvier 2021, a rejeté sa demande tendant au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée en litige. La société Eaton Industries LP se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance (...)". Ouvrent droit à déduction, dans les mêmes conditions que si elles étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, selon les dispositions du c du V du même article, les opérations exonérées en application, notamment, de l'article 262 du même code, au nombre desquelles figurent, aux termes du 1° du I de ce dernier article : " les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eaton Industries LP, dont le siège est situé à Glasgow, achète des produits hydrauliques auprès des usines du groupe, situées en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, avant de les revendre à des clients, en France ou à l'étranger. Elle a demandé le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2017 au 31 mars 2018, sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a estimé qu'en se bornant à produire 58 factures établies par la " société Eaton Industries LP " domiciliée en France à l'intention de la " société Eaton Industries LP " située à Morges en Suisse, la société requérante dont le siège est situé au Royaume-Uni, ne justifiait pas, fût-ce pour partie, du montant de taxe déductible, et par suite du montant de crédit de taxe dont elle se prévalait.

5. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, la société requérante avait produit un extrait du registre du commerce et des sociétés du canton de Vaud établissant que l'entité sise à Morges en Suisse était sa succursale, ce que l'administration fiscale, d'ailleurs, n'a contesté ni devant les premiers juges ni en appel, et que, d'autre part, les factures produites mentionnaient le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la société britannique, établissant ainsi, au moins pour partie, l'acquittement par celle-ci de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux produits qui lui étaient livrés en France par sa filiale française et qu'elle était susceptible d'utiliser pour les besoins de ses propres opérations, imposables en France ou exonérées mais ouvrant droit à déduction, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Eaton Industries LP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Eaton Industries LP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Eaton Industries LP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 13 février 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 466004
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2024, n° 466004
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466004.20240213
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