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12/02/2024 | FRANCE | N°468822

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 12 février 2024, 468822


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 novembre 2022 et les 9 février et 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France (FRSEA IDF) demande au Conseil d'État :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1223 du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées

à la consommation humaine ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 novembre 2022 et les 9 février et 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France (FRSEA IDF) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1223 du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ;

- la décision du 27 avril 2023 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France ;

Considérant ce qui suit :

1. Les articles L. 218-1 à L. 218-14 du code de l'urbanisme, insérés au code de l'urbanisme par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique et modifiés par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, instituent en faveur des communes, groupements de communes ou syndicats mixtes compétents pour contribuer à la préservation de la ressource en eau un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption est mis en œuvre par l'autorité administrative de l'Etat qui, par arrêté, peut décider de l'instaurer et détermine alors la zone sur laquelle il s'applique. Ces dispositions législatives précisent en outre les titulaires du droit de préemption, les aliénations soumises à ce droit, la procédure et le régime des biens acquis. L'article L. 218-14 du code de l'urbanisme renvoie la détermination, en tant que de besoin, des conditions d'application de ces dispositions à un décret en Conseil d'Etat. L'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine, pris pour l'application de ces dispositions et ajoutant notamment, à la fin du titre Ier du livre II de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, un chapitre VIII, comportant les articles R. 281-1 à R. 218-21.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". S'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures que comporte nécessairement l'exécution du décret. L'exécution du décret du 10 septembre 2022 ne comporte l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que le ministre de l'intérieur aurait été, du fait qu'il dispose d'attributions se rapportant aux collectivités territoriales ou que ce décret désigne le préfet de département comme l'autorité compétente de l'Etat pour instaurer ce droit de préemption et déterminer la zone sur laquelle il s'applique, compétent pour signer ou contresigner. Dès lors, le décret attaqué n'avait pas, contrairement à ce qui est soutenu, à être revêtu du contreseing de ce ministre.

Sur la légalité interne :

3. En premier lieu, l'article R. 218-19 du code de l'urbanisme issu du décret attaqué prévoit que la mise à bail ou la cession d'un bien acquis par le titulaire du droit de préemption pour préserver la qualité des ressources en eau destinées à la consommation humaine fait l'objet d'un appel de candidatures précédé de l'affichage d'un avis et que, d'une part, en cas de mise à bail, cet avis énonce l'exigence d'un bail conforme aux dispositions de l'article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime et énumère les clauses environnementales relatives aux mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau proposées et, d'autre part, en cas de cession, cet avis énonce l'exigence d'un contrat portant obligations réelles environnementales, au sens de l'article L. 132-3 du code de l'environnement, et énumère les obligations réelles environnementales envisagées pour assurer la préservation de la ressource en eau. Il résulte de ces dispositions que le choix de l'autorité administrative doit nécessairement se porter sur un candidat s'engageant à respecter les obligations environnementales figurant dans ce bail ou ce contrat et présentant des garanties propres à assurer le respect de ces obligations et de l'objectif poursuivi par le législateur. La fédération requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le décret attaqué ne garantirait pas, faute de fixer les critères de sélection des candidats et d'encadrer les conditions d'attribution des biens acquis en vertu de ce droit de préemption de façon suffisamment précise, le respect de l'objectif de préservation de la qualité de la ressource en eau destinée à la consommation humaine poursuivi par le législateur.

4. En second lieu, en prévoyant, au même article R. 218-19 du code de l'urbanisme, que : " La mise à bail ou la cession d'un bien acquis par le titulaire du droit de préemption, par application du présent chapitre " et qui a été intégré, en application de l'article L. 218-13 du même code, dans son domaine privé " fait l'objet d'un appel de candidatures qui est précédé de l'affichage d'un avis à la mairie du lieu de situation de ce bien pendant au moins quinze jours ", le décret attaqué n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas prévu des modalités de publicité préalable à l'appel de candidatures manifestement insuffisantes pour garantir la correcte et adéquate information des candidats potentiels.

5. Il résulte de ce qui précède que l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'union de syndicats Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Île-de-France (FRSEA IDF) et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; Mme Célia Verot, conseillère d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 février 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 468822
Date de la décision : 12/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2024, n° 468822
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468822.20240212
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