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06/02/2024 | FRANCE | N°461530

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 février 2024, 461530


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 2 mai 2022 et le 12 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... et Mme D... C... demandent au Conseil d'Etat :



1°) à titre principal, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 310 898 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative aux

fins de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat à raison d'une faute commise par l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 2 mai 2022 et le 12 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... et Mme D... C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 310 898 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative aux fins de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat à raison d'une faute commise par l'administration fiscale ;

2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé de déterminer et quantifier les conséquences induites sur leur patrimoine et celui de la société " Le Club sandwich " par la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement et de mettre à la charge de l'Etat le règlement des honoraires de l'expert ainsi désigné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Pinatel, avocat de M. B... et de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société " Le Club sandwich " ainsi que M. B... et Mme C... ont saisi, le 20 février 1996, le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à faire reconnaître la responsabilité de l'Etat du fait d'une faute commise par les services fiscaux. La cour administrative d'appel de Marseille, devant laquelle les requérants avaient le 31 juillet 1998 formé appel contre le jugement rendu le 30 avril 1998 par le tribunal administratif, s'est prononcée par un arrêt le 22 janvier 2001. Par une décision n° 298152 du 28 novembre 2008, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi par les mêmes requérants d'une requête tendant à ce que l'Etat répare les préjudices moraux et matériels subis du fait de la durée excessive de la procédure engagée le 20 février 1996 devant la juridiction administrative, a jugé que le délai total de jugement de ce litige indemnitaire ne révélait pas une méconnaissance du droit des requérants à un délai raisonnable de jugement. Toutefois, par un arrêt du 20 juillet 2017, la Cour européenne des droits de l'homme, statuant sur la requête qui lui avait été présentée le 18 juillet 2009 par Mme C... et M. B..., a jugé que la durée de jugement de la procédure qu'ils avaient engagée le 20 février 1996 devant la juridiction administrative avait été excessive. Elle a, en outre, retenu que si, en l'espèce, la méconnaissance de leur droit à un délai raisonnable de jugement garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur avait causé un préjudice moral justifiant que l'Etat français soit condamné à leur verser conjointement la somme de 4 000 euros, au titre de la satisfaction équitable prévue par l'article 41 de cette même convention, il n'était, en revanche, pas démontré que le préjudice matériel qu'ils invoquaient également était la conséquence directe de la violation alléguée.

2. Après l'intervention de cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, Mme C... et M. B... ont saisi le Conseil d'Etat d'une nouvelle demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi en raison de la durée excessive de la procédure qu'ils avaient engagée le 20 février 1996 devant la juridiction administrative.

3. Il résulte de l'instruction que Mme C... et M. B... font valoir qu'à la suite d'un redressement qui leur a été notifié en 1985 au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les exercices 1980 à 1984, lequel redressement a ensuite donné lieu à l'inscription d'un privilège du Trésor pour un montant de 500 690 francs, la société " Le Club sandwich " qu'ils géraient a été contrainte de vendre son fonds de commerce en 1995, puis, après avoir été placée en redressement judiciaire, a été mise en liquidation judiciaire le 6 avril 1995. Ils demandent à ce titre la condamnation de l'Etat à les indemniser du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi en raison de la durée excessive de la procédure qu'ils avaient engagée devant la juridiction administrative, pour faute lourde de l'Etat à n'avoir procédé que le 9 mai 1995 au dégrèvement de ces rappels d'impôts. Toutefois il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice matériel qu'ils invoquent, tenant à la liquidation judiciaire de leur société, soit en lien direct avec la durée de cette procédure, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 20 juillet 2017. Par suite, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à demander que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'ils invoquent.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que la requête de Mme C... et M. B..., y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., Mme D... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461530
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2024, n° 461530
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:461530.20240206
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