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06/02/2024 | FRANCE | N°459106

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 février 2024, 459106


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 459106, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 4 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du conseil d'administration de l'université de Bordeaux du 18 octobre 2021 relative à la suppression du poste PR Galaxie 550 " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel " et, d'autre

part, la délibération du 18 octobre 2021 du conseil d'administration de l'université de...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 459106, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 4 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du conseil d'administration de l'université de Bordeaux du 18 octobre 2021 relative à la suppression du poste PR Galaxie 550 " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel " et, d'autre part, la délibération du 18 octobre 2021 du conseil d'administration de l'université de Bordeaux dans sa formation restreinte aux professeurs des universités, mettant fin au processus de recrutement pour ce poste ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Bordeaux de reprendre la procédure de recrutement d'un professeur sur le poste PR - Galaxie 550 " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Bordeaux le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 459108, par une requête et deux nouveaux mémoires enregistrés les 3 décembre 2021 et les 4 et 10 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite de rejet née le 2 novembre 2021 du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur sa demande tendant à ce que sa nomination en qualité de professeur des universités à l'université de Bordeaux sur le poste " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel " soit proposée au Président de la République et, d'autre part, la décision du 15 novembre 2021 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation refusant de proposer sa nomination au Président de la République ;

2°) d'enjoindre, d'une part, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de proposer sa nomination au Président de la République en qualité de professeur des universités à l'Université de Bordeaux sur le poste PR - Galaxie 550 " Droit administratif et financier / droit de l'Union européenne, institutionnel et matériel " et, d'autre part, à l'université de Bordeaux de prendre toute mesure utile aux fins de cette proposition de nomination, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'université de Bordeaux ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers que M. C... A..., maître de conférences en droit public à l'université d'Artois, a présenté sa candidature au poste PR - Galaxie 550 " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel " de professeur des universités à l'université de Bordeaux, créé par transformation d'un emploi auparavant pourvu au sein de l'université par un maître de conférences, dans le cadre d'un concours réservé aux maîtres de conférences titulaires sur le fondement du 3° de l'article 46 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences. Par une délibération du 22 mai 2021, le comité de sélection de l'université de Bordeaux a classé sa candidature en deuxième position sur la liste des candidats retenus. Par une délibération du 8 juin 2021, le conseil académique a proposé cette liste au conseil d'administration de l'université, qui a émis un avis favorable le même jour. Après transmission de cette liste par le président de l'université de Bordeaux à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le Conseil national des universités a, le 13 juillet 2021, émis un avis défavorable à la candidature du candidat classé en première position. Par une délibération du 18 octobre 2021, le conseil d'administration de l'université de Bordeaux a supprimé le poste PR - Galaxie 550. Par une délibération du même jour, le conseil d'administration, dans sa formation restreinte aux professeurs des universités, a pris acte de la suppression de ce poste. Par un courriel du 15 novembre 2021, la direction des ressources humaines du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a indiqué à M. A... qu'il ne pouvait être procédé à sa nomination à la suite de la délibération du conseil d'administration de l'université de Bordeaux.

2. Par sa première requête, enregistrée sous le n° 459106, M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir des deux délibérations du 18 octobre 2021. Par sa seconde requête, enregistrée sous le n° 459108, il demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de rejet qui serait née le 2 novembre 2021 du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à son courriel du 2 septembre 2021 sollicitant la direction des ressources humaines du ministère de l'enseignement supérieur quant aux suites données à la procédure de recrutement, ainsi que la décision de la même ministre du 15 novembre 2021 refusant de proposer sa nomination au Président de la République. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule décision.

Sur la requête n° 459106 :

3. Aux termes de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 dans sa version applicable au litige : " Le comité de sélection examine les dossiers des maîtres de conférences ou professeurs postulant à la nomination dans l'emploi par mutation et des candidats à cette nomination par détachement et par recrutement au concours parmi les personnes inscrites sur la liste de qualification aux fonctions, selon le cas, de maître de conférences ou de professeur des universités (...) / Après avoir procédé aux auditions, le comité de sélection délibère sur les candidatures et, par un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats, arrête la liste, classée par ordre de préférence, de ceux qu'il retient. (...) / Au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, le conseil académique (...) siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, propose le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. (...) / Le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, prend connaissance du nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, de la liste des candidats proposée par le conseil académique (...). / Sauf dans le cas où le conseil d'administration émet un avis défavorable motivé, le président ou directeur de l'établissement communique au ministre chargé de l'enseignement supérieur le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement (...) ". Aux termes de l'article 49-3 du même décret, dans sa version alors en vigueur : " Les concours prévus au 3° de l'article 46 se déroulent conformément aux dispositions des articles 9, 9-1 et 9-2. Toutefois, les candidats à ces concours sont dispensés de l'inscription préalable sur la liste de qualification prévue au premier alinéa de l'article 9-2. / La section compétente du Conseil national des universités (...) prend connaissance de la liste de classement établie par l'établissement et examine les candidatures qui lui sont proposées. Après avoir entendu deux rapporteurs désignés par son bureau pour chaque candidature, elle émet un avis sur chacune d'elles. (...) Dans l'ordre de la liste de classement proposée par l'établissement, le candidat le mieux classé qui a reçu un avis favorable de la section compétente du Conseil national des universités (...) est nommé ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la suppression du poste PR - Galaxie 550 " Droit administratif et financier / Droit de l'Union Européenne, institutionnel et matériel ", décidée par le conseil d'administration de l'université de Bordeaux alors que la liste des candidats retenus avait été transmise à la ministre chargée de l'enseignement supérieur et après que le Conseil national des universités eut émis un avis défavorable sur la candidature du candidat, maître de conférences à l'université de Bordeaux, classé en première position sur cette liste, a eu en réalité pour motif, non de répondre à des impératifs budgétaires, mais de mettre fin au recrutement à la suite de l'avis du Conseil national des universités qui faisait obstacle ce que puisse être nommé le candidat placé en première position sur la liste transmise à la ministre par l'université. Or un tel motif n'est pas au nombre de ceux pouvant légalement justifier de mettre un terme à la procédure de recrutement par voie de concours organisée sur le fondement des dispositions citées au point 3. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à demander l'annulation des délibérations qu'il attaque.

Sur la requête n° 459108 :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le courriel de M. A... du 2 septembre 2021 présentait le caractère d'une simple demande de renseignement sur les suites données à la procédure de recrutement. Le silence gardé sur ce courriel ne constituant pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, les conclusions de M. A... tendant à son annulation sont, par suite, irrecevables.

6. En second lieu, en revanche, le courriel de la direction des ressources humaines du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 15 novembre 2021, informant M. A... de ce que la suppression du poste litigieux ne permettait pas de procéder à sa nomination, révèle une décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de ne pas proposer sa nomination au Président de la République, laquelle fait grief à l'intéressé. La fin de non-recevoir opposée par la ministre à l'encontre des conclusions de M. A... tendant à son annulation doit, par suite, être écartée.

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation se fonde uniquement sur le motif tiré de la suppression du poste litigieux par la délibération du conseil d'administration de l'université de Bordeaux du 18 octobre 2021. Or il résulte de ce qui est dit au point 4 que cette délibération est entachée d'illégalité et doit être annulée. M. A... est ainsi fondé à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête concernant cette même délibération.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution de la présente décision implique de reprendre la procédure de recrutement, sur le fondement des dispositions du décret du 6 juin 1984, dans sa version en vigueur à la date des décisions dont l'annulation pour excès de pouvoir est prononcée, au stade de la saisine de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de la liste de candidats classés par ordre de préférence transmise par l'université de Bordeaux et après l'avis rendu par le Conseil national des universités. Il y a lieu d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder, à ce stade, à un nouvel examen de la candidature de M. A....

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2000 euros à la charge de l'université de Bordeaux et une somme de 1 000 euros à celle de l'Etat, à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La délibération du conseil d'administration de l'université de Bordeaux du 18 octobre 2021 et la délibération du même jour du conseil d'administration de l'université de Bordeaux dans sa formation restreinte aux professeurs d'université sont annulées.

Article 2 : La décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, révélée par le courriel adressé le 15 novembre 2021 à M. A..., est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder à un nouvel examen de la candidature de M. A..., dans les conditions précisées au point 8 de la présente décision.

Article 4 : L'université de Bordeaux versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A... est rejeté.

Article 7 : Les conclusions de l'université de Bordeaux présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à l'université de Bordeaux et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459106
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2024, n° 459106
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:459106.20240206
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