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05/02/2024 | FRANCE | N°489551

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 février 2024, 489551


Vu la procédure suivante :



Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia la société à responsabilité limitée (SARL) Paradisula et Mme B... A... comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publique, pour atteinte, constatée par procès-verbal dressé le 30 juin 2021, à la conservation du domaine public maritime, et a demandé à ce tribunal de les condamner au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25

février 2003, d'ordonner la remise en l'état des lieux sous astreinte de 1 000 euros p...

Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia la société à responsabilité limitée (SARL) Paradisula et Mme B... A... comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publique, pour atteinte, constatée par procès-verbal dressé le 30 juin 2021, à la conservation du domaine public maritime, et a demandé à ce tribunal de les condamner au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003, d'ordonner la remise en l'état des lieux sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et de l'autoriser à procéder d'office, aux frais des contrevenantes, à cette remise en état. Par un jugement n° 2101284 du 19 juillet 2022, ce tribunal a condamné la société Paradisula et Mme A... au paiement d'une amende de, respectivement, 7 500 euros et 1 500 euros, leur a enjoint, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de remettre sans délai les lieux en l'état et a autorisé l'administration à procéder d'office, aux frais de celles-ci, à cette remise en état en cas d'inexécution du jugement.

Par un arrêt n° 22MA02514 du 22 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a ramené à 1 500 euros le montant de l'amende infligée à la société Paradisula, réformé ce jugement en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus de l'appel formé par cette société et Mme A... contre celui-ci.

Par un pourvoi, enregistré le 21 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, avocat de la société Paradisula et de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 20 octobre 2021, sur la base des constatations effectuées le 7 septembre 2021 sur la plage de Santa-Giula, sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud), à l'encontre de la société Paradisula, et de sa gérante, Mme B... A..., pour avoir implanté, sans autorisation, sur le domaine public maritime, une terrasse de restauration et disposé des matelas et parasols sur une surface totale de 57 m2. Le préfet de la Corse-du-Sud les a déférées au tribunal administratif de Bastia comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Par un jugement du 19 juillet 2022, ce tribunal les a condamnées à payer, au titre de ces infractions, une amende de, respectivement, 7 500 euros pour la société Paradisula et 1 500 euros pour Mme A.... Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 septembre 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il a ramené la condamnation de la société Paradisula à une amende de 1 500 euros.

2. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ". L'article L. 2132-26 du même code dispose que : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. / Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. / Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13 ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 février 2003, relatif aux peines d'amende applicables aux infractions de grande voirie commises sur le domaine public maritime en dehors des ports : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation maritime prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5e classe. / (...) / L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de contrevenants ".

3. Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " (...) / Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ".

4. En se fondant, pour réformer le jugement du 19 juillet 2022 du tribunal administratif de Bastia et ramener le montant de l'amende infligée à la société Paradisula de la somme de 7 500 euros à celle de 1 500 euros, correspondant au montant maximal mentionné au 5° de l'article 131-13 du code pénal, sur ce que ni les dispositions de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, ni celles de l'article 1er du décret du 25 février 2003, citées au point 2, qui sont d'interprétation stricte, ne prévoient la possibilité de prononcer sur leur fondement des amendes dont le montant excède ceux mentionnés à ce 5° ou ne renvoient explicitement à l'article 131-41 du code pénal qui prévoit que le montant maximal des amendes pénales encourues par les personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Paradisula au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Paradisula une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société à responsabilité limitée Paradisula et Mme B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, conseillers d'Etat ; Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 5 février 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Ferrari

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 489551
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2024, n° 489551
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Ferrari
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489551.20240205
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