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05/02/2024 | FRANCE | N°472042

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 février 2024, 472042


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.



Par une décision n° 19000491 du 11 janvier 2023, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'OFPRA et a reconnu à M. A... la

qualité de réfugié.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enr...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 19000491 du 11 janvier 2023, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'OFPRA et a reconnu à M. A... la qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 12 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 19 novembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de reconnaître à M. A..., ressortissant sri-lankaise d'origine tamoule, la qualité de réfugié au motif qu'il existait des raisons sérieuses de penser qu'il s'était rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies conduisant à l'exclure, en application du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, du bénéfice du statut de réfugié. Par une décision du 11 janvier 2023, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et reconnu à M. A... la qualité de réfugié.

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le statut de réfugié n'est pas accordé aux personnes qui relèvent de l'une des clauses d'exclusion prévues à la section F de l'article 1er de la convention de Genève, ainsi qu'aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à cette section ou qui y sont personnellement impliquées.

3. Constituent des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens de ces stipulations ceux qui sont susceptibles d'affecter la paix et la sécurité internationale, les relations pacifiques entre Etats ainsi que les violations graves des droits de l'homme. L'exclusion du statut de réfugié sur le fondement du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève est subordonnée à l'existence de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité dans de tels agissements peut être imputée personnellement au demandeur d'asile, sans qu'il soit besoin d'établir sa culpabilité. Pour opposer cette clause d'exclusion à un demandeur d'asile qui a appartenu à ou a entretenu des liens avec une organisation ayant commis des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies, il y a lieu de rechercher et d'établir, au cas par cas, les raisons sérieuses qui permettent, autrement que par déduction du contexte dans lequel il a agi, de le regarder comme ayant contribué à ou facilité la commission de tels agissements, sur la base d'éléments matériels et intentionnels précis, tenant compte notamment du rôle qu'il a effectivement joué dans la perpétration des actes en cause, des responsabilités qu'il exerçait au sein de cette organisation, du degré de connaissance qu'il avait ou était censé avoir des activités de celle-ci, des éventuelles pressions auxquelles il aurait été soumis ainsi que de la possibilité effective dont il disposait d'empêcher la commission de ces agissements ou de s'en distancier sans courir de risques personnels graves.

4. Il ressort des énonciations de la décision de la Cour nationale du droit d'asile que M. A... a rejoint en 1999 les rangs du mouvement des Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE). Affecté de 1999 à 2003 au sein du service des informations de la branche du renseignement intérieur du Service de sécurité et de renseignement de l'organisation tigre (TOSIS), il a été promu responsable de 2003 à 2007 du secteur de Mulliyavalai pour le département des ressources humaines nouvellement créé au sein du TOSIS et coordonnait à ce titre les activités d'une vingtaine de personnes. Selon ses déclarations, il a participé, dans sa zone d'activité, à la collecte d'informations sur les civils et sur les membres du LTTE puis en a eu la responsabilité. Outre la vérification des informations collectées, il était chargé d'émettre un avis sur la crédibilité de ces dernières et de lancer des enquêtes en cas de suspicion d'espionnage ou à l'endroit des personnes suspectées de collusion avec les autorités sri-lankaises ou de comportements contrevenants aux règles imposées par le mouvement.

5. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison de son positionnement au sein du TOSIS, M. A... ne pouvait ignorer que ces informations étaient destinées notamment à d'autres branches de ce service et disposait d'une connaissance suffisante du fonctionnement et des activités du TOSIS et du LTTE, notamment de certains de leurs agissements, rendus possibles par les informations collectées, consistant en des arrestations, interrogatoires, détentions et exécutions de civils ou de combattants suspectés de collusion avec les autorités sri-lankaises ou de comportements contrevenant aux règles imposées par le mouvement et constitutifs pour certains d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève.

6. Il ne ressort ni de la décision attaquée ni des pièces du dossier soumis à la Cour que M. A... se serait trouvé, au cours de la période qu'il a passée au sein du TOSIS, et alors qu'il ne pouvait ignorer les exactions commises par celui-ci, dans l'impossibilité de s'en désolidariser.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'inexacte qualification juridique des faits, déduire des constats auxquels elle a procédé et des éléments ressortant de l'instruction qu'elle a conduite qu'il n'existait pas de raisons sérieuses de penser que M. A... aurait pu prendre une part personnelle de responsabilité en qualité de complice dans la commission d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 janvier 2023 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 5 février 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Jérôme Goldenberg

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Xavier


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 472042
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2024, n° 472042
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472042.20240205
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