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05/02/2024 | FRANCE | N°470957

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 05 février 2024, 470957


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier, 2 mai et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc demande au Conseil d'Etat :



1°) à titre principal, d'annuler la décision de la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n° 2021-05 du 1er décembre 2022 prononçant à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire

de 1 500 000 d'euros ;



2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une enquête en a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier, 2 mai et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision de la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n° 2021-05 du 1er décembre 2022 prononçant à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 1 500 000 d'euros ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une enquête en application de l'article

R. 623-1 du code de justice administrative et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes :

" L'article 13, paragraphe 1, sous c) et d) de la directive 2015/849 doit-il être interprété comme faisant obligation aux entités assujetties d'obtenir de leurs relations d'affaires, de façon systématique, une documentation officielle précise - avis d'imposition des personnes physiques, documents comptables des personnes morales, justificatifs de la situation financière des associations - pour se conformer à leur obligation de vigilance en matière de LCB-FT '

" Lu en combinaison avec le paragraphe 2, l'article 13, paragraphe 1 laisse-t-il au contraire aux entités assujettis la faculté de mettre en place un dispositif alternatif - serait-ce à titre subsidiaire - leur permettant d'établir que les informations dont elles disposent sur leurs relations d'affaires sont justifiées '

" Sur l'obligation supposée d'actualiser la connaissance client pour les comptes bancaires inactifs, l'article 13, paragraphe 1, d), lu en combinaison avec l'article 14, paragraphe 5, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'applique aussi à ces comptes bancaires n'ayant fait l'objet d'aucune opération depuis au moins 12 mois et dont les titulaires ne se sont pas manifestés pendant cette période ' "

3°) de mettre à la charge de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- la directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du

20 mai 2015 ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle diligenté par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 29 juin 2020 au 15 janvier 2021, portant sur la conformité du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme mis en œuvre par la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc aux exigences résultant du code monétaire et financier, une procédure disciplinaire a été ouverte. Par une décision du 1er décembre 2022, la commission des sanctions de cette autorité a prononcé à l'encontre de cet établissement de crédit un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros et ordonné la publication de sa décision au registre de l'Autorité, pendant cinq ans sous une forme nominative, puis sous une forme anonyme. La caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc demande l'annulation de cette décision.

Sur la caractérisation des manquements :

En ce qui concerne le grief tiré de l'insuffisante connaissance de certains clients :

2. Aux termes de l'article L. 561-5-1 du code monétaire et financier : " Avant d'entrer en relation d'affaires, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent. Elles actualisent ces informations pendant toute la durée de la relation d'affaires ". Aux termes de l'article L. 561-6 de ce code : " Pendant toute la durée de la relation d'affaires et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ces personnes exercent, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur relation d'affaires ". Le I de l'article L. 561-8 du même code dispose que " Lorsqu'une personne mentionnée à l'article L. 561-2 n'est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues (...) à l'article L. 561-5-1, elle n'exécute aucune opération, quelles qu'en soient les modalités, n'établit ni ne poursuit aucune relation d'affaires (...) ". En vertu de l'article L. 561-9 du même code, ces personnes peuvent mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 561-5-1 " sous la forme de mesures de vigilance simplifiées dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible ; / (...) ".

3. L'article R. 561-12 du même code précise que ces personnes, " avant d'entrer en relation d'affaires, recueillent et analysent les éléments d'information nécessaires à la connaissance de l'objet et de la nature de la relation d'affaires " et, " pendant toute la durée de la relation d'affaires, recueillent, mettent à jour et analysent les éléments d'information qui permettent de conserver une connaissance appropriée et actualisée de leur relation d'affaires ", que " la nature et l'étendue des informations collectées ainsi que la fréquence de la mise à jour de ces informations et l'étendue des analyses menées sont adaptés au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par la relation d'affaires " et que ces personnes " sont en mesure de justifier auprès des autorités de contrôle (...) de la mise en œuvre de ces mesures et de leur adéquation au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par la relation d'affaires ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de cet article prévoit que " les éléments d'information susceptibles d'être recueillis pendant toute la durée de la relation d'affaires aux fins d'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme peuvent être : (...) 2° Au titre de la connaissance de la situation professionnelle, économique et financière du client (...) : a) Pour les personnes physiques : (...) - les revenus ou tout élément permettant d'estimer les autres ressources ; - tout élément permettant d'apprécier le patrimoine ; (...) b) Pour les personnes morales : (...) tout élément permettant d'apprécier la situation financière ; (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que les établissements de crédit, qui figurent parmi les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, ont l'obligation, avant toute relation d'affaires, d'obtenir du client des éléments d'information adaptés à son profil de risque et en particulier, pour les personnes physiques et morales présentant un risque élevé, ceux permettant d'apprécier, respectivement, leurs revenus et patrimoine ou leur situation financière. Il appartient à l'établissement de crédit de prouver, par tous moyens, s'être acquitté de cette obligation.

5. Il suit de là qu'en exigeant la production de justificatifs des revenus et de la situation financière de certains clients que la requérante a classés comme présentant un risque élevé, par exemple leurs avis d'imposition ou documents comptables, tout en lui laissant la possibilité de produire d'autres justificatifs, la commission des sanctions a fait une exacte application de ces dispositions, qui ne sont pas contraires à la directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dont l'article 13, paragraphe 4, fait obligation aux Etats membres de veiller à ce que les entités assujetties soient en mesure de démontrer que les mesures de vigilance qu'elles appliquent, notamment l'évaluation et l'obtention d'informations sur l'objet et la nature envisagée de la relation d'affaires, sont appropriées au regard des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 561-8 du code monétaire et financier citées au point 2 qu'à défaut d'avoir pu recueillir les éléments d'informations adaptés au profil de risque de son client, l'établissement de crédit est dans l'obligation de n'entretenir avec lui aucune relation d'affaires.

7. Il suit de là qu'en considérant que le défaut de recueil d'informations ne pouvait être pallié par la mise en place de procédures alternatives mises en place par la requérante, consistant en l'espèce en une réévaluation du risque par certains organes internes, la commission des sanctions, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, n'a ni commis d'erreur d'appréciation, ni méconnu ces dispositions du code monétaire et financier, qui ne sont pas contraires à la directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015, dont l'article 14, paragraphe 4, oblige les Etats membres à exiger d'une entité assujettie qui n'est pas en mesure de se conformer aux obligations de vigilance mentionnées ci-dessus " de ne pas nouer de relation d'affaires ".

8. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 561-5-1, L. 561-6 et R. 561-12 du code monétaire et financier cités aux points 2 et 3 que, pendant toute la durée de la relation d'affaires, les établissements de crédit doivent actualiser régulièrement la connaissance qu'ils en ont afin d'être à même d'exercer une vigilance constante et de pratiquer un examen attentif des opérations effectuées, en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec cette connaissance actualisée. Si, ainsi que le prévoit l'article R. 561-12 de ce code, la fréquence de la mise à jour des informations doit être adaptée au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par chaque relation d'affaires, elle doit dans tous les cas, quel que soit le niveau d'activité de la relation d'affaires, permettre à l'établissement d'avoir connaissance des changements intervenus dans la situation de son client qui conduiraient à revoir les mesures de vigilance mises en place à son égard. La circonstance qu'une relation d'affaires soit inactive ne saurait, par elle-même, justifier l'absence d'actualisation des informations la concernant.

9. Il résulte de l'instruction que, dans 27 dossiers, dont deux comptes inactifs, la requérante n'a pas respecté la fréquence d'actualisation qu'elle avait elle-même définie en fonction du niveau de risque de chaque client. En considérant que, pour respecter son obligation légale, la requérante devait respecter la fréquence d'actualisation qu'elle avait fixée, sauf à ce qu'elle démontre que cette fréquence pouvait être relâchée au regard du profil de risque du client, la commission des sanctions, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, n'avait pas à exclure les relations d'affaires inactives, a fait une exacte application de ces dispositions.

En ce qui concerne le grief tiré de l'insuffisance du dispositif de suivi et d'analyse des opérations :

10. Pour l'application des dispositions de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, citées au point 2, l'article R. 561-12-1 de ce code exige qu'ils " mettent en œuvre des mesures permettant de s'assurer de la cohérence des opérations effectuées au titre d'une relation d'affaires avec la connaissance de cette relation d'affaires actualisée conformément à l'article R. 561-12 " et dispose que " ces mesures doivent notamment permettre de s'assurer que les opérations effectuées sont cohérentes avec les activités professionnelles du client, le profil de risque présenté par la relation d'affaires et, si nécessaire, selon l'appréciation du risque, l'origine et la destination des fonds concernés par les opérations ". Enfin, l'article L. 561-32 de ce code exige qu'ils " mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l'évaluation des risques prévue à l'article L. 561-4-1 ".

11. Il résulte de ces dispositions que les établissements de crédit sont tenus de mettre en place des procédures permettant de détecter les opérations qui ne sont pas cohérentes avec les informations qu'ils doivent recueillir et actualiser concernant chaque relation d'affaires, en fonction des risques qu'elle présente.

12. En premier lieu, en considérant que ces procédures devaient notamment permettre de détecter les écarts significatifs et récurrents entre les revenus déclarés par le client et les flux créditeurs enregistrés sur son compte, la commission des sanctions n'a, dès lors que le revenu figure, ainsi qu'il a été dit au point 4, parmi les informations à recueillir au titre de l'obligation de connaissance détaillée par l'article R. 561-12 du code monétaire et financier, ni méconnu ces dispositions, ni commis d'erreur d'appréciation.

13. En second lieu, la requérante fait valoir que l'absence de détection d'une opération ne suffit pas par elle-même à caractériser un manquement à ces dispositions, lequel n'est constitué que lorsque cette absence révèle, par sa nature, l'insuffisance des dispositifs de suivi et d'analyse mis en place. Toutefois, en estimant insuffisants les dispositifs d'analyse des opérations mis en place, du fait de l'incomplétude des scénarios de détection des anomalies, sans se borner à mettre en évidence l'absence de détection de certaines anomalies, la commission des sanctions a fait une exacte application des dispositions citées au point 10.

En ce qui concerne le grief tiré du défaut de déclaration à Tracfin de certaines opérations suspectes :

14. Aux termes du I de l'article L. 561-15 du code monétaire et financier : " Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l'article L. 561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ".

15. En estimant que les opérations réalisées par un client, consistant en la souscription d'un prêt à la consommation non affecté à une dépense particulière, en plusieurs retraits d'espèces et en la location d'un box, auraient dû, eu égard aux éléments dont la requérante disposait sur ce client ayant fait l'objet d'une condamnation antérieure pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, faire naître un soupçon et la conduire à effectuer la déclaration prévue par ces dispositions, dans le prolongement d'un précédent signalement auquel elle avait procédé, la commission des sanctions, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, a exactement qualifié les faits soumis à son examen.

En ce qui concerne, au titre de trois griefs, la mise en évidence de défaillances ponctuelles ne révélant pas de carence d'ensemble du dispositif mis en place :

16. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, les établissements de crédit ont, aux termes de l'article L. 561-5-1 du code monétaire et financier, l'obligation, avant toute relation d'affaires, d'obtenir du client certaines informations. Dès lors, la commission des sanctions était fondée à sanctionner les manquements à cette obligation, alors même qu'ils n'ont été relevés que dans un nombre limité de dossiers et qu'était par ailleurs en place un dispositif de connaissance de la clientèle qu'elle a jugé satisfaisant.

17. En deuxième lieu, l'article L. 561-10-2 du code monétaire et financier exige que les établissements de crédit " effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite ". Dans ce cas, il prévoit qu'il " se renseignent auprès du client sur l'origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de l'opération et l'identité de la personne qui en bénéficie ".

18. Dès lors que l'obligation de procéder à cet examen en se renseignant auprès du client s'applique à toute opération remplissant les conditions ainsi définies, la commission des sanctions était fondée à sanctionner le non-respect de cette obligation dans 17 dossiers, sans qu'y fasse obstacle l'absence de carence d'ensemble du dispositif mis en place.

19. Enfin, dès lors que l'article L. 561-15 du code monétaire et financier cité au point 14 oblige les établissements de crédit à déclarer à Tracfin les sommes ou opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent de certaines infractions ou sont liées au financement du terrorisme, le défaut d'identification de toute opération dont les caractéristiques auraient dû conduire l'établissement à ne pas écarter le soupçon qu'elle remplit l'une de ces conditions, et donc à procéder à une déclaration, caractérise par lui-même un manquement à ces dispositions. Il suit de là que la commission des sanctions était fondée à sanctionner le non-respect ponctuel, dans neuf dossiers, de cette obligation.

20. Il résulte de ce qui précède que la commission des sanctions, après avoir relevé que les griefs tirés de l'insuffisante connaissance de la clientèle, de l'absence d'examen renforcé de certaines opérations et du défaut de déclaration à Tracfin de certaines d'entre elles reposaient exclusivement sur des défaillances ponctuelles ne révélant pas, à elles seules, de carence d'ensemble du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de l'établissement, n'a pas commis d'erreur de droit en regardant néanmoins ces défaillances comme caractérisant des manquements susceptibles d'une sanction.

Sur la proportionnalité de la sanction pécuniaire :

21. Aux termes de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier : " (...) La commission des sanctions peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale à cent millions d'euros ou à 10 % du chiffre d'affaires annuel net au sens du V de l'article L. 612-40 du présent code pour les manquements (...) aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du présent code et aux dispositions européennes portant sur les obligations liées à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (...) ".

22. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi d'une requête dirigée contre une sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de vérifier que son montant était, à la date à laquelle elle a été infligée, proportionné à la gravité des manquements commis ainsi qu'au comportement et à la situation, notamment financière, de la personne sanctionnée.

23. Il résulte de l'instruction que, compte tenu, d'une part, de la gravité des manquements relevés, notamment du deuxième manquement tenant au suivi et à l'analyse des opérations bancaires des clients, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 13, porte sur une carence d'ensemble de l'une des composantes du dispositif dont la mise en place est exigée par la législation en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que, d'autre part, de sa situation financière, la sanction pécuniaire de 1 500 000 euros prononcée à l'encontre de la requérante, qui ne peut utilement se prévaloir du montant des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité dans d'autres affaires, ne revêt pas un caractère disproportionné.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ni d'ordonner d'enquête en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, que la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de sanction qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 3 000 euros à verser à l'Autorité à ce même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc est rejetée.

Article 2 : La caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc versera à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 janvier 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge,

M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Bastien Lignereux, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 février 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Bastien Lignereux

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470957
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2024, n° 470957
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX ; SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470957.20240205
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