Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2119242 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois, enjoint au préfet de police de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un arrêt n°s 22PA00392, 22PA00314 du 29 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français et, sur appel du préfet de police, annulé ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions refusant à M. A... un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, et rejeté la demande de ce dernier devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de ces décisions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 26 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel du préfet de police de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 7 septembre 2021, le préfet de police de Paris a refusé d'octroyer un titre de séjour à M. A..., ressortissant géorgien, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. M. A... a relevé appel du jugement du 22 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire. Le préfet de police a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ses décisions refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement et fait droit à l'appel du préfet de police de Paris.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
3. En estimant qu'à supposer que sa résidence habituelle en France puisse être établie depuis l'année 2014, ni son expérience professionnelle en qualité de monteur puis d'aide serrurier, acquise depuis juin 2017 seulement, ni sa situation personnelle, n'étaient de nature à caractériser l'existence d'un motif exceptionnel ou de circonstances humanitaires propres à justifier une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
4. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. A... a été condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion commis en juin 2014, dont l'intéressé soutient sans être contredit qu'ils ne portaient que sur quelques produits d'hygiène corporelle, il n'a depuis cette date commis aucune autre infraction. En estimant que de tels faits, commis plus de six ans avant l'édiction de l'arrêté préfectoral en litige, suffisaient à justifier que la présence de M. A... sur le territoire français créait une menace pour l'ordre public, la cour administrative d'appel de Paris a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de police lui refusant un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une période de vingt-quatre mois et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer son signalement dans le système d'information Schengen.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.
8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la condamnation dont M. A... a fait l'objet pour des faits commis en 2014, qui est la seule circonstance qui motive l'arrêté litigieux, ne saurait caractériser une menace pour l'ordre public justifiant le refus d'accorder à M. A... un délai de départ de volontaire. D'autre part, les circonstances, invoquées par le préfet de police à l'appui de son appel, selon lesquelles M. A... se serait maintenu en France après l'expiration de son visa et n'aurait pas sollicité un nouveau titre de séjour ne sont pas davantage de nature à caractériser une menace pour l'ordre public au sens des dispositions citées au point 4. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions refusant à M. A... un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une période de vingt-quatre mois et lui a enjoint de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du préfet de police refusant à M. A... un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une période de vingt-quatre mois et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen.
Article 2 : La requête du préfet de police devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.