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19/01/2024 | FRANCE | N°469100

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 janvier 2024, 469100


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 23 mars 2021 du ministre de l'intérieur portant invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision et les huit décisions de retrait de points prises par le ministre de l'intérieur au titre des infractions commises entre le 7 novembre 2018 et le 1er mars 2020 qui sont récapitulées dans la décision " 48 SI " et,

d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer les...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 23 mars 2021 du ministre de l'intérieur portant invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision et les huit décisions de retrait de points prises par le ministre de l'intérieur au titre des infractions commises entre le 7 novembre 2018 et le 1er mars 2020 qui sont récapitulées dans la décision " 48 SI " et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer les points dont il conteste le retrait. Par un jugement n° 2122762 du 23 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 novembre 2022 et 23 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision référencée " 48 SI ", le ministre de l'intérieur a prononcé l'invalidation du permis de conduire de M. B... pour solde de points nul à la suite de décisions de retrait de points consécutives à huit infractions commises entre le 26 septembre 2018 et le 1er mars 2020. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 23 mars 2021, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et des huit décisions de retrait de points qu'elle récapitule.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il porte sur l'établissement de la réalité des infractions commises les 7 novembre 2018, 31 mars et 20 avril 2019, 3 janvier, 13 janvier, 1er mars, 16 mars, et 11 avril 2020 :

2. Il résulte des dispositions de l'article 530 du code de procédure pénale qu'une réclamation contre le titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée, lorsqu'elle est formée dans les délais et dans les formes prévus par cet article et par l'article 529-10 du même code, entraîne l'annulation du titre exécutoire et de l'article R. 49-8 du même code que l'officier du ministère public saisi d'une réclamation recevable porte sans délai cette annulation à la connaissance du comptable de la direction générale des finances publiques. Il appartient ensuite à l'officier du ministère public soit de diligenter des poursuites devant la juridiction pénale au titre de l'infraction contestée, soit de classer l'affaire sans suite. Eu égard aux dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route, l'annulation du titre exécutoire a pour conséquence que la réalité de l'infraction ne peut plus être regardée comme établie. L'autorité administrative doit, par suite, rétablir sur le permis de conduire les points qui avaient pu être retirés, sans préjudice d'un nouveau retrait si le juge pénal est saisi et prononce une condamnation. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la recevabilité d'une réclamation contre le titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée, laquelle est appréciée par l'officier du ministère public sous le contrôle de la juridiction pénale devant laquelle l'auteur de la réclamation dispose d'un recours. Si le titulaire du permis de conduire peut utilement faire valoir devant le tribunal administratif, à l'appui d'une contestation relative au retrait de points, que la réalité de l'infraction n'est pas établie compte tenu de l'annulation du titre exécutoire du fait d'une réclamation, il ne saurait se borner à justifier de la présentation de cette réclamation, mais doit établir qu'elle a été regardée comme recevable et a par suite entraîné l'annulation du titre.

3. Il résulte de ce qui précède que, si M. B... soutient avoir formé, le 8 juin 2021, une réclamation devant l'officier du ministère public contre les titres exécutoires d'amendes forfaitaires majorées correspondant aux infractions qu'il a commises les 7 novembre 2018, 31 mars et 20 avril 2019, 3 janvier, 13 janvier, 1er mars, 16 mars, et 11 avril 2020, c'est sans commettre d'erreur de droit quant aux règles applicables en matière d'établissement de la réalité des infractions que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté la demande concernant ces infractions après avoir souverainement estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'était établie la réalité de l'envoi d'une réclamation, ni, en tout état de cause, qu'une réclamation aurait été regardée comme recevable et aurait, par suite, entraîné l'annulation du titre exécutoire.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il porte sur la délivrance de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route :

4. Aux termes de l'article L. 223-3 du code de la route : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / (...) / Quand il est effectif, le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple ou, sur sa demande, par voie électronique. (...) ". Selon l'article R. 223-3 du même code : " I.- Lors de la constatation d'une infraction entraînant retrait de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1. / II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. (...) / III.- Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction. / Si le retrait de points lié à cette infraction n'aboutit pas à un nombre nul de points affectés au permis de conduire de l'auteur de l'infraction, celui-ci est informé par le ministre de l'intérieur par lettre simple du nombre de points retirés. (...) ".

En ce qui concerne les infractions commises le 26 septembre 2018 et les 20 avril 2019, 3 janvier, 13 janvier, 1er mars et 16 mars 2020 :

5. Lorsqu'il est établi que le titulaire du permis de conduire a payé l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale au titre d'une infraction constatée par radar automatique, il découle de cette seule constatation qu'il a nécessairement reçu l'avis de contravention. Eu égard aux mentions dont cet avis doit être revêtu, la même constatation conduit également à regarder comme établi que l'administration s'est acquittée envers lui de son obligation de lui délivrer, préalablement au paiement de l'amende, les informations requises en vertu des dispositions précitées, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du relevé intégral des informations relatives au permis de conduire de M. B..., et du bordereau de situation établi par le trésorier principal de la trésorerie du contrôle automatisé, que l'intéressé a payé l'amende forfaitaire correspondant à l'infraction commise le 26 septembre 2018 et constatée par radar automatique. Il suit de là que M. B..., qui ne soutenait pas avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif a jugé qu'il a reçu à cette occasion l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.

7. D'autre part, la seule circonstance que l'intéressé n'a pas été informé, lors de la constatation d'une infraction, de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'y accéder, n'entache pas d'illégalité la décision de retrait de points correspondante s'il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont été portés à sa connaissance à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes. En retenant que, si le ministre de l'intérieur ne justifie pas que les informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ont été délivrées à M. B... à l'occasion des infractions qu'il a commises les 20 avril 2019, 3 janvier, 13 janvier, 1er mars et 16 mars 2020, ce dernier n'a pas été privé d'une garantie, dès lors qu'il avait été rendu destinataire de ces informations au titre de l'infraction antérieure suffisamment récente du 26 septembre 2018, l'auteur du jugement attaqué n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

En ce qui concerne les décisions de retrait de points correspondant aux infractions commises les 7 novembre 2018 et 31 mars 2019 :

8. La délivrance, préalablement au règlement de l'amende, de l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une condition de la légalité des décisions de retrait de points. Le paiement par le contrevenant de l'amende forfaitaire majorée prévue par le second alinéa de l'article 529-2 du code de procédure pénale implique nécessairement qu'il a préalablement reçu l'avis d'amende forfaitaire majorée. En vertu de l'article A. 37-28 du code de procédure pénale, le formulaire d'avis d'amende forfaitaire majorée utilisé par l'administration est revêtu des mentions qui permettent au contrevenant de comprendre qu'en l'absence de contestation de l'amende, il sera procédé au retrait de points et qui portent à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route. Ainsi, le paiement de l'amende forfaitaire majorée suffit à établir que l'administration s'est acquittée envers le titulaire du permis de son obligation d'information, à moins soit que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, démontre que cet avis était inexact ou incomplet, soit qu'il démontre que le paiement est intervenu par la voie du recouvrement forcé, auquel cas la réception d'un avis d'amende forfaitaire majorée ne peut être regardée comme établie.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, aux termes du bordereau de situation des amendes et condamnations pécuniaires établi par la trésorerie du contrôle automatisé et produit par l'intéressé, si les amendes forfaitaires majorées correspondant aux infractions des 7 novembre 2018 et 31 mars 2019 ont été payées, la mention " VIR OA TIERS " figurant sur le bordereau établit que ce règlement est intervenu à la suite d'une saisie administrative à tiers détenteur à la date du 11 août 2020, qui correspond au demeurant à la date de l'encaissement des amendes correspondantes attestée par le comptable public de la trésorerie du contrôle automatisé, selon des attestations produites par l'administration. Il suit de là que, ainsi que le soutient M. B..., le paiement de ces deux amendes forfaitaires majorées est intervenu par la voie du recouvrement forcé et n'est, par suite, pas de nature à apporter la preuve de la réception des avis de paiement correspondants par l'intéressé. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que le magistrat désigné du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'administration a justifié de la délivrance à son égard de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route préalablement au paiement des amendes forfaitaires majorées correspondant aux infractions des 7 novembre 2018 et 31 mars 2019.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il porte sur la décision référencée " 48 SI " du 23 mars 2021 et la décision de rejet de son recours gracieux :

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le jugement attaqué, en tant qu'il porte sur la décision 48 SI du 23 mars 2021 doit être annulé par voie de conséquence de son annulation en tant qu'il porte sur les deux infractions du 7 novembre 2018 et du 31 mars 2019.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque qu'en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre les deux décisions de retrait d'un point correspondant aux infractions commises les 7 novembre 2018 et 31 mars 2019, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 23 mars 2021 constatant le solde de points nul de son permis de conduire.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 septembre 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par M. B... contre les décisions de retrait de points correspondant aux infractions commises par l'intéressé les 7 novembre 2018 et 31 mars 2019, ainsi que la décision 48 SI du 23 mars 2021 constatant le solde de points nul de son permis de conduire.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nîmes.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 janvier 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 469100
Date de la décision : 19/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2024, n° 469100
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP BOUCARD-MAMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469100.20240119
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