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18/01/2024 | FRANCE | N°466569

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 18 janvier 2024, 466569


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes n° 132, d'un montant de 7 920 euros, émis par la commune d'Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines) au titre des opérations de débarras, désinfection et désinsectisation de sa propriété menées le 29 octobre 2018, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 920 euros. Par un jugement n° 1808590 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 20

VE03170 du 9 juin 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel f...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes n° 132, d'un montant de 7 920 euros, émis par la commune d'Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines) au titre des opérations de débarras, désinfection et désinsectisation de sa propriété menées le 29 octobre 2018, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 920 euros. Par un jugement n° 1808590 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20VE03170 du 9 juin 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 8 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sur-Mauldre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de procédure civile ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... A... et à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la commune d'Aulnay-sur-Mauldre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 27 février 2017, enjoint à M. B... A..., propriétaire d'un terrain situé sur la commune d'Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines), de faire nettoyer, désinfecter et désinsectiser sa propriété. Le maire de cette commune a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile alors en vigueur, afin de prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Par une ordonnance du 26 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles a, d'une part, ordonné qu'il soit procédé, avec le concours de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin, sous le contrôle d'un huissier, aux opérations de débarras, de nettoyage, de désinfection et de désinsectisation de la propriété de M. A..., telles qu'ordonnées par l'arrêté du préfet des Yvelines, et constaté que cet arrêté disposait que la créance résultant de ces opérations serait recouvrée comme en matière de contributions directes. Il a, d'autre part, autorisé la commune, sous contrôle du même huissier, à procéder à la capture des pigeons présents sur la propriété de M. A..., par l'intervention d'un fauconnier avec le cas échéant le concours de la force publique, et décidé que les frais de l'intervention de l'huissier et du fauconnier seraient à la charge de M. A.... Le maire de la commune d'Aulnay-sur-Mauldre a émis le 29 octobre 2018 un titre de recettes aux fins d'obtenir le paiement par M. A... de la somme de 7 920 euros correspondant à la facture établie par la société Animals and Co pour son intervention sur les pigeons présents sur la propriété de M. A.... Par un jugement du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante. M. A... se pourvoit contre l'arrêt du 9 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. Aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige et relatif aux pouvoirs du président du tribunal de grande instance : " Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ".

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles a, par l'ordonnance du 26 juin 2018, prise sur le fondement des dispositions de l'article 809 du code de procédure civile, autorisé la commune d'Aulnay-sur-Mauldre, sous contrôle d'un huissier de justice, à procéder à la capture des pigeons présents sur la propriété de M. A..., et décidé que les frais de l'intervention de l'huissier et du fauconnier sollicités pour cette capture seraient à la charge de M. A.... D'autre part, il ressort du titre exécutoire contesté que celui-ci a été émis aux fins d'assurer le recouvrement de la créance résultant de l'intervention de la société sollicitée pour procéder à cette capture, telle qu'ordonnée par cette décision du juge judiciaire. Il en résulte que la demande de M. A..., contestant le bien-fondé de cette créance et en sollicitant la décharge, porte sur le bien-fondé de la créance résultant d'une opération ordonnée par le juge judiciaire. Le litige correspondant à une telle demande ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative. Dès lors, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit en admettant la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel de M. A... contre le jugement du tribunal administratif ayant rejeté cette demande. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que c'est à tort que le tribunal administratif s'est prononcé au fond sur la demande de M. A... tendant à l'annulation du titre de recettes n° 132, d'un montant de 7 920 euros, émis par la commune d'Aulnay-sur-Mauldre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présente M. A... au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 9 juin 2022 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 octobre 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 4 : Le surplus du pourvoi et les conclusions présentées par la commune d'Aulnay-sur-Mauldre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune d'Aulnay-sur-Mauldre.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 décembre 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 18 janvier 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 466569
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 2024, n° 466569
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466569.20240118
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