La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/01/2024 | FRANCE | N°472460

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 janvier 2024, 472460


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part d'annuler les décisions de retrait de points sur son permis de conduire consécutives à plusieurs infractions commises entre 2017 et 2020 et la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2020 par laquelle il a constaté la perte de validité du permis de conduire pour solde de points nul, d'autre part d'enjoindre au ministre de procéder à la restitution de ces points et de ce permis. >


Par une ordonnance du 27 octobre 2020, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part d'annuler les décisions de retrait de points sur son permis de conduire consécutives à plusieurs infractions commises entre 2017 et 2020 et la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2020 par laquelle il a constaté la perte de validité du permis de conduire pour solde de points nul, d'autre part d'enjoindre au ministre de procéder à la restitution de ces points et de ce permis.

Par une ordonnance du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a transmis cette demande au tribunal administratif de Nice.

Par un jugement n° 2004427 du 26 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mars, 27 juin et 6 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... a demandé l'annulation des décisions de retraits de points sur son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 9 janvier 2017, 28 janvier 2017, 17 février 2017, 2 avril 2018, 1er août 2018 et 3 juin 2019, de la décision référencée 48 SI du 24 janvier 2020 constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, et d'enjoindre au ministre de procéder à la restitution de ces points et de ce permis. Par un jugement du 26 janvier 2023, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. Il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis. La preuve de la délivrance des informations exigées par la loi peut résulter de la circonstance que le contrevenant a acquitté l'amende forfaitaire ou l'amende forfaitaire majorée et qu'il n'a pu procéder à ce paiement qu'au moyen des documents nécessaires à cet effet, dont le modèle comporte l'ensemble des informations requises.

3. Toutefois, la seule circonstance que l'intéressé n'a pas été informé, lors de la constatation d'une infraction, de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'y accéder n'entache pas d'illégalité la décision de retrait de points correspondante s'il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont été portés à sa connaissance à l'occasion d'infractions antérieures suffisamment récentes.

Sur les retraits de points consécutifs aux infractions du 9 janvier 2017, 28 janvier 2017 et 17 février 2017 :

4. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'après avoir constaté que la preuve de la délivrance à M. A... des informations légalement requises n'était pas rapportée, s'agissant des infractions commises les 9 janvier 2017, 28 janvier 2017 et 17 février 2017, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré du défaut d'information préalable au motif que l'information portant sur l'existence d'un traitement automatisé et la possibilité d'y accéder avait été délivrée à l'occasion d'une infraction commise le 3 mars 2016 pour laquelle le ministre faisait valoir, sans être contredit, que l'intéressé s'était acquitté d'une amende forfaitaire. Toutefois, cette information ne pouvait pallier le défaut d'information relatif notamment à la qualification juridique de l'infraction, dont le requérant soutenait, sans être utilement contredit, n'avoir pas reçu connaissance. Par suite, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

Sur le retrait de points consécutif à l'infraction du 21 août 2018 :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le procès-verbal électronique de l'infraction commise le 21 août 2018 ayant été établi en l'absence de M. A... et le paiement par celui-ci de l'amende forfaitaire majorée n'étant pas établi, celui-ci devait être regardé comme n'ayant reçu aucune des informations légalement requises, notamment celle relative à la qualification de l'infraction. Pour le même motif que celui retenu au point 4, le tribunal administratif ne pouvait par suite, sans commettre d'erreur de droit, écarter le moyen tiré du défaut d'information préalable au motif que l'information légalement requise lui avait été délivrée à l'occasion de l'infraction constatée le 2 avril 2018.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des retraits de points consécutifs aux infractions relevées les 9 janvier, 28 janvier et 17 février 2017 et le 21 août 2018 et, par voie de conséquence, de la décision implicite du ministre rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2020 par laquelle il a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application de l'article L. 821-12 du code de justice administrative.

8. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. D'autre part, la notification d'une décision relative au permis de conduire doit être regardée comme régulière lorsqu'elle est faite à une adresse correspondant effectivement à une résidence de l'intéressé.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la fin de non-recevoir qu'il oppose à la requête de M. A..., le ministre produit l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de la décision 48 SI, distribué le 7 février 2020 à la dernière adresse de l'intéressé connue de l'administration à cette date et revêtu d'une signature. M. A... se bornant à soutenir que la signature sur cet accusé ne correspond pas à la sienne en produisant sa carte nationale d'identité, sans établir que le signataire du pli n'avait pas qualité pour le recevoir, et à indiquer qu'à la date de cette notification, il résidait à Paris, sans justifier de ce que la notification aurait été faite à une adresse qui n'était pas la sienne, la décision 48 SI doit être considérée comme lui ayant été régulièrement notifiée le 7 février 2020. Il s'ensuit que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cette décision, enregistrées le 2 septembre 2020 au tribunal administratif de Paris, sont tardives, de même que les conclusions tendant à l'annulation des retraits de points consécutifs aux infractions relevées les 9 janvier, 28 janvier et 17 février 2017 et le 21 août 2018 qui, étant retracés dans cette décision 48 SI, ont nécessairement été portés à sa connaissance au plus tard le 7 février 2020.

10. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation des retraits de points consécutifs aux infractions relevées les 9 janvier, 28 janvier et 17 février 2017 et le 21 août 2018 et, par voie de conséquence, de la décision implicite du ministre rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2020 par laquelle il a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 2 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 472460
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 472460
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472460.20240102
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award