La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/01/2024 | FRANCE | N°464120

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 janvier 2024, 464120


Vu la procédure suivante :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 23 avril 2020 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) de l'Hérault a rejeté son recours administratif et confirmé la mise à sa charge d'un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 8 641 euros ainsi que de deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année 2016 et 2017 de 152,45 euros ainsi que, d'autre part, la décision du 10 mars 2020 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a

rejeté son recours administratif et confirmé la mise à sa charge d'un i...

Vu la procédure suivante :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 23 avril 2020 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) de l'Hérault a rejeté son recours administratif et confirmé la mise à sa charge d'un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 8 641 euros ainsi que de deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année 2016 et 2017 de 152,45 euros ainsi que, d'autre part, la décision du 10 mars 2020 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté son recours administratif et confirmé la mise à sa charge d'un indu de revenu de solidarité activé d'un montant de 11 681,95 euros. Par un jugement n° 2002654, 2002656 du 17 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé ces deux décisions.

1° Sous le n° 464135, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 23 avril 2020 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....

2° Sous le n° 464120, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du même jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 23 avril 2020, le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) de l'Hérault a rejeté le recours administratif formé par M. B... contre la décision du 17 septembre 2019 lui notifiant un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 8 641 euros, et confirmé la mise à sa charge de cet indu. Par une décision du 10 mars 2020, le président du conseil départemental de l'Hérault a confirmé la mise à la charge de M. B... d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 11 681,95 euros. Par un jugement du 17 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions. Par deux pourvois, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le directeur de la CAF de l'Hérault, ayant qualité pour présenter un pourvoi devant le Conseil d'Etat au nom de l'Etat en vertu de l'article R. 825-4 du code de la construction et de l'habitation, et le département de l'Hérault demandent l'annulation, respectivement, des articles 2 et 1er de ce jugement.

Sur le pourvoi formé au nom de l'Etat par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault :

2. Aux termes de l'article R. 351-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions se rapportant à un litige qui ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, il est compétent, nonobstant les règles relatives aux voies de recours et à la répartition des compétences entre les juridictions administratives, pour se prononcer sur ces conclusions et décliner la compétence de la juridiction administrative ".

3. En premier lieu, jusqu'à l'ordonnance du 17 juillet 2019, en vertu de l'article L. 835-4 du code de la sécurité sociale, les différends avec les organismes chargés de statuer sur le droit à l'allocation de logement sociale, de la liquider et d'assurer son versement, étaient réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale prévu à l'article L. 142-1 du même code. Il en était ainsi, notamment, des litiges relatifs à la répétition d'indus.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 825-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019 : " (...) les recours dirigés contre les décisions prises en matière d'aides personnelles au logement (...) sont portés devant la juridiction administrative ". Cette ordonnance a également inséré dans le même code un article L. 825-2 qui instaure un recours administratif préalable obligatoire en cas de contestation des décisions prises en matière d'aides personnelles au logement et de primes de déménagement par les organismes payeurs. L'article R. 825-2 précise que le directeur de l'organisme payeur statue sur ces recours administratifs préalables obligatoires après l'avis de la commission de recours amiable. L'article L. 825-3, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, confie au directeur de l'organisme payeur le soin de statuer sur " 1°) les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement ou des primes de déménagement ; / 2°) les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires des aides personnelles au logement ".

5. En troisième lieu, en vertu du II de l'article 23 de l'ordonnance du 17 juillet 2019, et par dérogation aux dispositions du I, qui prévoient une entrée en vigueur au 1er septembre 2019 des dispositions de la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation sous réserve de certaines exceptions : " Entrent en vigueur le 1er janvier 2020 : / 1° Les dispositions du chapitre V du titre II du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, annexées à la présente ordonnance ; ces dispositions s'appliquent aux décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation annexé à la présente ordonnance, prises à partir du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux décisions prises, à partir de cette même date, par le directeur de l'organisme payeur sur les demandes de remise de dettes mentionnées au 2° de ce même article. Les décisions prises avant le 1er janvier 2020 en matière d'allocation de logement demeurent soumises aux dispositions applicables en matière de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole prévues aux articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale (...) ". De même, en vertu de l'article 34 du décret 24 juillet 2019 relatif à la partie réglementaire du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, entrent en vigueur au 1er janvier 2020 les dispositions des articles R. 825-1 à R. 825-3 du code de la construction et de l'habitation qui fixent les modalités d'application des articles L. 825-2 et L. 825-3 cités au point précédent. Il résulte de ces dispositions que les dispositions de l'article L. 825-1 mentionné ci-dessus s'appliquent aux décisions des organismes payeurs au titre des aides personnelles au logement prises à partir du 1er janvier 2020, y compris lorsque l'autorité administrative compétente statue, après cette date, sur un recours administratif formé contre une décision prise avant cette même date.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les conclusions relatives à l'indu d'allocation de logement sociale se rapportent à une décision prise le 17 septembre 2019 et ressortissent donc, compte tenu de ce qui est dit aux points 3 à 5, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Si le directeur de la CAF de l'Hérault s'est à nouveau prononcé, après la date du 1er janvier 2020, sur un recours administratif concernant la même décision, cette décision n'a pu, en tout état de cause, se substituer à cette décision dès lors que les dispositions relatives à l'entrée en vigueur du recours administratif préalable obligatoire institué par l'article L. 825-2 du code de la construction et de l'habitation et celles relatives à ses modalités d'applications prévues aux articles R. 825-1 à R. 825-3 du même code n'étaient pas applicables aux décisions prises avant le 1er janvier 2020, faute d'être entrées en vigueur avant cette date. Il suit de là que la juridiction administrative n'était pas compétente pour statuer sur la demande de première instance, ce que le tribunal administratif aurait dû relever d'office. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé la décision du directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault confirmant la mise à la charge de M. B... de l'indu d'allocation de logement sociale et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette même décision comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur le pourvoi du département de l'Hérault :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active, dans les conditions définies au présent chapitre. " En vertu de l'article L. 262-3 du même code, l'ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (RSA). Selon l'article L. 262-9 du code : " Le montant forfaitaire mentionné à l'article L. 262-2 est majoré pendant une période d'une durée déterminée, pour : 1° Une personne isolée assumant la charge d'un ou plusieurs enfants ; (...)./ Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui notamment ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 515-1 du code civil : " un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures (...) pour organiser leur vie commune ". Il résulte par ailleurs de l'article 515-4 du même code que : " Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques (...) ".

8. Lorsque des époux, des concubins ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont séparés de fait, ils ne constituent plus un foyer au sens de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 262-3 du même code. En conséquence, dès lors que la séparation de fait est effective, les revenus du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité n'ont pas à être pris en compte dans le calcul des ressources du bénéficiaire. Pour l'application des dispositions mentionnées au point 7, l'existence d'une séparation est établie par un faisceau d'indices concordants, permettant d'établir la cessation d'une vie commune, tant matérielle qu'affective.

9. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a pris en compte la circonstance que M. B... et M. C... étaient liés par un pacte civil de solidarité et mis en balance les éléments du dossier, selon la méthode du faisceau d'indices, pour rechercher s'ils étaient ou non séparés de fait. En statuant ainsi et en retenant l'existence d'une séparation de fait, le tribunal administratif, qui a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit. Il y a lieu, par suite, de rejeter le pourvoi du département de l'Hérault, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département de l'Hérault est rejeté.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 3 : La demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2020 du directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault mettant à sa charge un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 8 461 euros au titre de la période de septembre 2016 à septembre 2019 est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault, au département de l'Hérault et à M. D... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 2 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 464120
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 464120
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:464120.20240102
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award