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29/12/2023 | FRANCE | N°488337

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 29 décembre 2023, 488337


Vu la procédure suivante :



Le syndicat Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris, révélée par un courriel d'information adressé aux étudiants logés dans certaines résidences universitaires, d'affecter les logements de ces résidences à l'accueil de volontaires et partenaires des Jeux Olympiq

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Vu la procédure suivante :

Le syndicat Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris, révélée par un courriel d'information adressé aux étudiants logés dans certaines résidences universitaires, d'affecter les logements de ces résidences à l'accueil de volontaires et partenaires des Jeux Olympiques et Paralympiques pendant l'été 2024 et, par suite, en cas de demande de renouvellement de leur droit d'occupation pour l'année universitaire 2023-2024, de leur accorder un droit d'occupation dans ces résidences ayant pour terme le 30 juin 2024.

Par une ordonnance n° 2319295/1 du 31 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cette décision.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre et 7 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CROUS de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes ;

3°) de mettre à la charge de Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 ;

- la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre régional des œuvres universitaires et Scolaires de Paris et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du syndicat solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que le syndicat étudiant dénommé Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision, révélée selon lui, par un courriel du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris, adressé aux étudiants logés dans certaines résidences universitaires, d'affecter les logements de ces résidences à l'accueil de volontaires et partenaires des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, pendant l'été 2024, et, par suite, en cas de demande de renouvellement de leur droit d'occupation pour l'année universitaire 2023-2024, de leur attribuer un droit d'occupation dans ces résidences ayant pour terme le 30 juin 2024. Par une ordonnance n° 2319295/1 du 31 août 2023, contre laquelle le CROUS de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés a suspendu l'exécution de cette décision.

Sur l'intervention :

3. La fondation Abbé A... pour le logement des défavorisés et la fédération Droit au logement justifient, eu égard à la nature et l'objet des questions soulevées par le litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir en défense dans la présente instance. Leur intervention est, par suite, recevable.

Sur le cadre juridique :

4. D'une part, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 822-1 du code de l'éducation : " Le réseau des œuvres universitaires contribue à assurer aux étudiants une qualité d'accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation (...) / Il contribue aussi à l'amélioration des conditions de vie et de travail de l'ensemble des membres de la communauté universitaire, telle que définie à l'article L. 111-5. (...) ". Aux termes du septième alinéa du même article : " Les décisions concernant l'attribution des logements destinés aux étudiants sont prises par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ". Aux termes de l'article R. 822-1 du même code : " (...) / Le réseau des œuvres universitaires participe au service public de l'enseignement supérieur et contribue à la mise en œuvre de la politique nationale de vie étudiante définie par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Il a pour missions : / 1° De favoriser l'amélioration des conditions de vie étudiante par ses interventions dans les domaines, notamment de l'accompagnement social des études et de leur financement, de la restauration, du logement (...) ". Aux termes de l'article R. 822-2 du même code : " Relèvent des interventions du réseau des œuvres universitaires : / 1° Les étudiants ou élèves en formation initiale ou continue inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur (...) / 2° Les titulaires d'une carte d'étudiants des métiers (...) ; / 3° Les personnes accomplissant un service civique (...); / 4° L'ensemble des usagers et personnels membres de la communauté universitaire (...) ; / 5° A titre secondaire, d'autres catégories de personnes déterminées par le conseil d'administration des centres régionaux, après avis du centre national (...) ". Aux termes de l'article R. 822-9 du même code : " Les centres régionaux sont des établissements publics à caractère administratif chargés de remplir une mission de service public à l'égard de leurs publics bénéficiaires mentionnés à l'article R. 822-2. / (...) Les centres régionaux contribuent, dans leur ressort géographique, à la mise en œuvre de la politique nationale de vie étudiante définie par le ministre de l'enseignement supérieur en proposant les prestations et les services propres à améliorer les conditions de vie et d'étude. Ils créent, dans ce but, les services leur permettant d'adapter et de diversifier les prestations qu'ils proposent aux usagers en tenant compte de leurs besoins. / (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 631-12 du code de la construction et de l'habitation : " La résidence universitaire (...) accueille des étudiants, des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage et des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage. A titre exceptionnel, cet établissement peut accueillir des enseignants et des chercheurs. / (...) / Le contrat de location a une durée maximale d'un an. Il peut être renouvelé dès lors que l'occupant continue à remplir les conditions précisées au présent article. / (...) ". Aux termes de l'article L. 631-12-1 du même code, créé par l'article 140 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : " Par dérogation à l'article L. 631-12, le gestionnaire d'une résidence universitaire qui n'est pas totalement occupée après le 31 décembre de chaque année peut louer les locaux inoccupés pour des séjours d'une durée inférieure à trois mois s'achevant au plus tard le 1er octobre de l'année suivante, particulièrement à des publics reconnus prioritaires par l'Etat au sens de l'article L. 441-1. / Lorsque les logements loués en application du premier alinéa du présent article sont libérés, ils sont proposés en priorité aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-12 ".

6. En premier lieu, si, en vertu des dispositions de l'article L. 822-1 du code de l'éducation, le réseau des œuvres universitaires a pour mission de contribuer à assurer aux étudiants une qualité d'accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation, notamment en matière de logement, aucune disposition législative ne fait obstacle à ce qu'un centre régional des œuvres universitaires et scolaires prévoie que la mise à disposition de logements étudiants, dont la durée de location ne peut excéder un an, prenne fin le 30 juin, ce qui correspond, en règle générale, à la fin de l'année de formation dispensée dans les établissements d'enseignement supérieur.

7. En second lieu, les dispositions de l'article L. 631-12-1 du code de la construction et de l'habitation permettent au gestionnaire d'une résidence universitaire qui n'est pas totalement occupée de louer les locaux inoccupés après le 31 décembre de chaque année pour des séjours d'une durée inférieure à trois mois s'achevant au plus tard le 1er octobre de l'année suivante. Si ces dispositions prévoient que cette faculté est susceptible de bénéficier, en particulier, aux publics reconnus prioritaires par l'Etat au sens de l'article L. 441-1 du même code, elles n'ont pas pour portée d'en réserver le bénéfice à ces publics et ne s'opposent pas, s'agissant de l'année universitaire 2023-2024, à ce que de tels locaux soient loués à l'Etat pour y loger des personnels mobilisés pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024.

Sur le pourvoi :

8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le CROUS de Paris a adressé courant mai 2023 un courriel aux étudiants logés dans certaines de ses résidences universitaires afin d'informer les étudiants entendant solliciter le renouvellement de leur droit d'occupation de leur logement pour l'année 2023-2024 que leur éventuel droit d'occupation d'un logement dans ces résidences pour cette année universitaire prendra fin le 30 juin 2024, ces résidences étant affectées, après cette date, au logement de personnels mobilisés pour l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et que, pour ceux qui souhaiteraient bénéficier pour le surplus de l'année universitaire d'un logement en résidence, un logement dans une autre résidence universitaire serait attribué, de même que des facilités pour l'organisation de leur déménagement d'une résidence à l'autre.

9. A la date de la présente décision, la campagne d'admission en résidence universitaire pour l'année universitaire 2023-2024, hors éventuelle admission en cours d'année, est achevée. Il ressort en outre des éléments versés au dossier que le conseil d'administration du CROUS de Paris a fixé, par délibération n° CA 20231106-2.1 du 6 novembre 2023, l'ensemble des modalités selon lesquelles le CROUS de Paris garantira le renouvellement du droit d'occupation des étudiants occupant un logement dans l'une des résidences qui seront mises à disposition pour les personnels de l'Etat participant à l'organisation et au bon déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024 et leur accordera diverses aides pour pallier les conséquences d'un changement de logement et de résidence universitaire. Il s'ensuit que la décision qui aurait été révélée par le courriel ayant fait l'objet de la demande en référé présentée au tribunal administratif de Paris n'est, en tout état de cause, plus susceptible de produire d'effets. Par suite, le pourvoi du CROUS de Paris est devenu, postérieurement à son introduction, sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la fondation Abbé A... pour le logement des défavorisés et de la fédération Droit au logement est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi du CROUS de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Paris, à Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes, à la fondation Abbé A... pour le logement des défavorisés, à la fédération Droit au logement, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au centre national des œuvres universitaires et scolaires.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488337
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05 L’article L. 631-12-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) permet au gestionnaire d'une résidence universitaire qui n'est pas totalement occupée de louer les locaux inoccupés après le 31 décembre de chaque année pour des séjours d'une durée inférieure à trois mois s'achevant au plus tard le 1er octobre de l'année suivante. Si ces dispositions prévoient que cette faculté est susceptible de bénéficier, en particulier, aux publics reconnus prioritaires par l'Etat au sens de l'article L. 441-1 du même code, il n’a pas pour portée d’en réserver le bénéfice à ces publics et ne s’opposent pas, s’agissant de l’année universitaire 2023-2024, à ce que de tels locaux soient loués à l’Etat pour y loger des personnels mobilisés pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 488337
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488337.20231229
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