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29/12/2023 | FRANCE | N°471159

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 29 décembre 2023, 471159


Vu la procédure suivante :



La société Deta Distribution a demandé à la cour administrative d'appel de Douai d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juin 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté sa demande tendant à l'extension d'un ensemble commercial situé sur la commune de Bellaing (Nord). Par un arrêt n°20DA01469 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête.



Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés le

s 7 février, 9 mai et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la socié...

Vu la procédure suivante :

La société Deta Distribution a demandé à la cour administrative d'appel de Douai d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juin 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté sa demande tendant à l'extension d'un ensemble commercial situé sur la commune de Bellaing (Nord). Par un arrêt n°20DA01469 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés les 7 février, 9 mai et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Deta Distribution demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, de la société Auchan Hypermarchés et de la société Carrefour Hypermarchés le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du commerce ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société Deta Distribution ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Deta Distribution a sollicité l'autorisation d'étendre de 630 m2 un ensemble commercial existant, sans construction nouvelle, consistant à porter la surface de vente d'un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc ", localisé au sein de cet ensemble commercial, de 6 170 m2 à 6 800 m2. Par une décision du 12 décembre 2019, la commission départementale d'aménagement commercial du Nord a délivré à la société Deta Distribution l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. La Commission nationale d'aménagement commercial, saisie d'un recours formé par des sociétés concurrentes exploitant des surfaces commerciales dans la zone de chalandise du projet, a, par une décision du 25 juin 2020, refusé d'autoriser cette extension. La société Deta Distribution se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I.- Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; / (...) 5° L'extension d'un ensemble commercial visé au 4°, réalisée en une ou plusieurs fois, de plus de 1 000 mètres carrés ; / (...) ". Aux termes du même article, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : " I.-Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; / (...) ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 752-3 du même code, dans sa version applicable au litige : " I.- Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : / 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; / 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; / 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; / 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. "

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que si l'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail est, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce, soumise à autorisation d'exploitation commerciale dès qu'elle concerne un magasin existant de plus de 1 000 m2 ou qu'elle porte la surface de ce magasin à plus de de 1000 m2, l'extension d'un ensemble commercial, y compris lorsque l'extension ne concerne qu'un seul de ses magasins, n'était, sous l'empire des dispositions du 5° du I du même article dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009, soumise à autorisation d'exploitation commerciale que si l'extension, en elle-même, dépassait 1 000 m2.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Commission nationale d'aménagement commercial a, par sa décision du 25 juin 2020, refusé d'autoriser l'extension de 630 m2 d'un ensemble commercial existant, sans construction nouvelle, consistant à porter la surface de vente d'un hypermarché situé dans cet ensemble commercial de 6 170 m2 à 6 800 m2, en se fondant notamment sur le motif tiré de ce qu'un des magasins de ce centre commercial avait, en octobre 2008, fait l'objet d'une extension de 968,55 m2 qui n'avait pas été préalablement autorisée et qui n'a jamais été régularisée. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Douai a jugé que l'extension réalisée en 2008 aurait dû faire l'objet d'une autorisation préalable, en retenant qu'était en cause l'extension d'un seul magasin, quand bien même il faisait partie d'un ensemble commercial, et en se fondant en conséquence sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce. En statuant ainsi, alors que, lorsqu'est en cause l'extension d'un ou plusieurs magasins d'un même ensemble commercial, s'appliquent non les dispositions du 2° mais celles du 5° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Deta Distribution est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, de la société Auchan Hypermarchés et de la société Carrefour Hypermarchés le versement d'une somme de 1 000 euros, chacun, à la société Deta Distribution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat, la société Auchan Hypermarchés et la société Carrefour Hypermarchés verseront une somme de 1 000 euros, chacun, à la société Deta Distribution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Deta Distribution, à la société Auchan Hypermarchés, à la société Carrefour Hypermarchés, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471159
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Si l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail est, sur le fondement du 2° du I de l’article L. 752-1 du code de commerce, soumise à autorisation d’exploitation commerciale dès qu’elle concerne un magasin existant de plus de 1 000 m2 ou qu’elle porte la surface de ce magasin à plus de de 1 000 m2, l’extension d’un ensemble commercial, y compris lorsque l’extension ne concerne qu’un seul de ses magasins, n’était, sous l’empire du 5° du I du même article dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, soumise à autorisation d’exploitation commerciale que si l’extension, en elle-même, dépassait 1 000 m2.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 471159
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471159.20231229
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