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28/12/2023 | FRANCE | N°461306

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 28 décembre 2023, 461306


Vu la procédure suivante :



Le directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris a engagé des poursuites disciplinaires contre M. A... B... devant la section disciplinaire de cet établissement. Par une décision du 20 juillet 2020, la section disciplinaire de l'IEP de Paris a infligé à M. B... la sanction de l'exclusion de l'établissement pour une durée de deux ans et décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant recours.



Par une décision du 9 décembre 2020, le Conseil national de l'enseignemen

t supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a rejeté la...

Vu la procédure suivante :

Le directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris a engagé des poursuites disciplinaires contre M. A... B... devant la section disciplinaire de cet établissement. Par une décision du 20 juillet 2020, la section disciplinaire de l'IEP de Paris a infligé à M. B... la sanction de l'exclusion de l'établissement pour une durée de deux ans et décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant recours.

Par une décision du 9 décembre 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a rejeté la demande de M. B... tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution de cette décision, qu'il avait formée parallèlement à l'introduction de sa requête d'appel.

Par une décision n° 449286 du 25 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette décision et renvoyé l'affaire au CNESER, statuant en matière disciplinaire.

Par une décision du 9 décembre 2021, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a fait droit à la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 10 juillet 2020.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 9 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'IEP de Paris demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de sursis à exécution engagée, de rejeter les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 20 juillet 2020 ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'Institut d'études politiques de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris a engagé des poursuites disciplinaires contre M. A... B... devant la section disciplinaire de cet établissement. Par une décision du 20 juillet 2020, la section disciplinaire de l'IEP de Paris a infligé à M. B... la sanction de l'exclusion de l'établissement pour une durée de deux ans, pour avoir commis des faits constitutifs d'une violation de l'article 3 du règlement de la vie étudiante de cet établissement, et décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant recours. Par une décision du 9 décembre 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a rejeté la demande de M. B... tendant au sursis à l'exécution de cette décision. Par une décision n° 449286 du 25 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette décision et renvoyé l'affaire au CNESER, statuant en matière disciplinaire. L'IEP de Paris se pourvoit en cassation contre la décision du 9 décembre 2021 par laquelle le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a, sur renvoi du Conseil d'Etat, ordonné qu'il soit sursis à l'exécution de la sanction d'exclusion d'une durée de deux ans prise à l'encontre de M. B... par la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris.

Sur le pourvoi :

2. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le CNESER, statuant en matière disciplinaire qu'au soutien de ses conclusions tendant au rejet de la demande, formée par M. B..., tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris, l'IEP de Paris a soutenu, dans un mémoire produit avant la clôture de l'instruction, que le CNESER, statuant en matière disciplinaire, n'était pas compétent pour connaître d'un tel litige, au motif que l'article L. 232-2 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, aux termes duquel le CNESER statue en appel et en dernier ressort sur les seules décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs et enseignants, entré en vigueur antérieurement à la lecture de la décision de la section disciplinaire de l'IEP de Paris, était applicable au litige. Il résulte des termes même de sa décision, qui a fait droit aux conclusions de M. B..., que le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a omis de se prononcer sur cette exception d'incompétence, qu'il n'a d'ailleurs pas davantage mentionnée dans ses visas. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, en date du 9 décembre 2020, doit être annulée.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

Sur la demande de sursis à exécution de la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris :

En ce qui concerne la compétence de la section disciplinaire de l'IEP de Paris :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statue en appel et en dernier ressort sur les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers. (...) ". Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de cette même loi, le CNESER statue en appel et en dernier ressort sur les seules décisions disciplinaires prises à l'égard des enseignants-chercheurs. Aux termes des dispositions du X de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 : " Les articles L. 232-2 (...) du code de l'éducation, dans leur rédaction antérieure à l'article 33 de la présente loi, demeurent applicables aux procédures en cours à la date de publication de la présente loi, ainsi qu'aux appels formés contre les décisions disciplinaires intervenues avant la date de publication de la présente loi devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ". Aux termes de l'article 15 du décret du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements d'enseignement supérieur, publié le 27 juin 2020, pris en application notamment du X de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 : " Les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre III du livre II de la partie réglementaire du code de l'éducation, dans leur rédaction antérieure au présent décret, demeurent applicables aux procédures engagées devant les sections disciplinaires compétentes à l'égard des usagers avant la publication du présent décret ainsi qu'aux appels formés devant le Conseil national de l'enseignement et de la recherche contre les décisions intervenues dans ces procédures, sous réserve des dispositions des articles 16 à 19 ci-après ". Il résulte de ces dispositions que le CNESER, statuant en matière disciplinaire, est demeuré compétent pour connaître des décisions intervenues dans les procédures engagées avant le 27 juin 2020 devant les sections disciplinaires compétentes à l'égard des usagers. Par suite, l'IEP de Paris, dont le directeur, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, a engagé des poursuites disciplinaires contre M. B... le 11 février 2020, n'est pas fondé à soutenir que le CNESER, statuant en matière disciplinaire, n'était pas compétent pour connaître de la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 712-10 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable : " Relèvent du régime disciplinaire prévu aux articles R. 712-9 à R. 712-46 : (...) / 2° Tout usager de l'université lorsqu'il est auteur ou complice notamment : (...) / b° D'un fait de nature à porter atteinte à l'ordre ou au bon fonctionnement de l'université (...) ". Il résulte de l'instruction que les faits reprochés à M. B..., commis au préjudice d'étudiantes de l'IEP de Paris, bien que commis en dehors de l'établissement, ont eu un retentissement tant sur le climat régnant entre les étudiants de l'IEP que sur la santé et la scolarité des étudiantes en cause et qu'ils étaient, ainsi, de nature à porter atteinte à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la section disciplinaire de l'IEP de Paris n'était pas compétente pour connaître de poursuites disciplinaires engagées contre un étudiant à raison de tels faits.

En ce qui concerne les moyens de la requête :

6. Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 232-34 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Le sursis peut être prononcé si les moyens présentés dans la requête paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation de la décision attaquée ".

7. Il ressort de la décision de la section disciplinaire de l'IEP de Paris, qui avait, à la date à laquelle elle a été rendue, le caractère d'une décision juridictionnelle et devait dès lors observer la règle générale de procédure d'après laquelle la rédaction des décisions juridictionnelles doit contenir le nom des juges, qu'elle ne comporte pas la mention des noms des membres de la formation de jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision est irrégulière pour ce motif, paraît sérieux et de nature à justifier son annulation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à demander à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'IEP de Paris la somme que demande M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en outre obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'IEP de Paris à l'encontre de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, du 9 décembre 2020 est annulée.

Article 2 : Il est sursis à l'exécution de la décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l'IEP de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... et celles présentées par l'Institut d'études politiques de Paris, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut d'études politiques de Paris et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 novembre 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 décembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Fradel

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 461306
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2023, n° 461306
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461306.20231228
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