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21/12/2023 | FRANCE | N°473466

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21 décembre 2023, 473466


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril et 18 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des professionnels du CBD demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de la santé et de la prévention sur sa demande tendant à la modification de l'arrêté du 13 dé

cembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril et 18 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des professionnels du CBD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de la santé et de la prévention sur sa demande tendant à la modification de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route ;

2°) d'enjoindre au pouvoir réglementaire d'abroger ou de modifier l'arrêté attaqué ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité au droit de l'Union européenne de l'incrimination de la conduite d'un véhicule après avoir fait usage de produits à base de cannabidiol (CBD), comportant des traces de 9-tétrahydrocannabinol (THC) inférieures à 0,3%, dont la commercialisation et la consommation est par ailleurs autorisée.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la route ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route et abrogeant l'arrêté du 5 septembre 2001 modifié fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-960 QPC du 7 janvier 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Union des professionnels du CBD.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 décembre 2023, présentée par l'Union des professionnels du CBD ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Union des professionnels du CBD demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de la santé et de la prévention ont refusé d'abroger ou de modifier l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route et abrogeant l'arrêté du 5 septembre 2001 ayant le même objet.

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 235-1 du code de la route : " Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende ". L'article L. 235-2 du même code dispose, à son premier alinéa, que : " Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou la police nationales territorialement compétents et, sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints font procéder, sur le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur impliqué dans un accident mortel ou corporel de la circulation, à des épreuves de dépistage en vue d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants " et détermine par ses alinéas suivants les modalités de ces contrôles. En particulier, le cinquième alinéa dispose que : " Si les épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque le conducteur refuse ou est dans l'impossibilité de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder à des vérifications consistant en des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir si la personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. A cette fin, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang ". Le dernier aliéna de l'article L. 235-2 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application de cet article.

3. D'autre part, l'article R. 235-3 du code de la route précise les personnes habilitées à effectuer les épreuves de dépistages prévues par l'article L. 235-2, en cas de recueil urinaire ou salivaire. L'article R. 235-4 prévoit que : " Les épreuves de dépistage réalisées à la suite d'un recueil de liquide biologique sont effectuées conformément aux méthodes et dans les conditions prescrites par un arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur ainsi que du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ". L'article R. 235-5 dispose que : " Les vérifications mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 235-2 comportent une ou plusieurs des opérations suivantes : / -examen clinique en cas de prélèvement sanguin ; / -analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin ". L'article R. 235-6 précise les modalités du prélèvement salivaire, du prélèvement sanguin et de l'examen clinique.

4. Enfin, l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route, et abrogeant un précédent arrêté du 5 septembre 2001 ayant le même objet, définit, dans une première section, les modalités relatives aux épreuves de dépistage, prévues aux article R. 235-3 et R. 235-4 du code de la route, consistant, à partir d'un recueil salivaire ou urinaire, à rechercher la présence d'une ou plusieurs substances témoignant de l'usage de stupéfiants appartenant notamment à la famille des cannabiniques et, dans une deuxième section, les modalités relatives aux analyses et examens, en précisant que le prélèvement salivaire ou sanguin, prévu aux articles R. 235-5 et R. 235-6 du code de la route, est destiné à la recherche et à la confirmation de la présence d'un ou plusieurs produits stupéfiants.

5. En premier lieu, l'union requérante ne peut utilement critiquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger l'arrêté du 13 décembre 2016 mentionné au point précédent, les conditions d'édiction de cet acte et les vices de procédure dont il serait entaché. Dès lors, les moyens tirés, d'une part, de l'absence d'avis du directeur de l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé sur le projet d'arrêté et, d'autre part, de ce que les informations et études scientifiques sur la base desquelles l'arrêté litigieux a été pris auraient présenté des incohérences, ne peuvent qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, l'union requérante ne peut utilement reprocher à l'arrêté litigieux, qui a pour seul objet de fixer les modalités de dépistage et de vérification de l'usage de certains produits stupéfiants et non d'en déterminer la liste, de méconnaître les critères de définition de ces produits, tels qu'ils découlent de la décision n° 2021-960 QPC du 7 janvier 2022 du Conseil constitutionnel.

7. En troisième lieu, eu égard à son objet et à sa portée, l'arrêté du 13 décembre 2016 contesté, qui se borne à fixer des seuils permettant de s'assurer que les tests salivaires, urinaires ou sanguins mis en œuvre, soit au titre du dépistage, soit au titre de la vérification, détectent, notamment, une présence de 9-tétrahydrocannabinol (THC), substance classée comme stupéfiant, en vue d'établir, conformément aux dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-2 du code de la route cités au point 2, si la personne qui conduisait ou était l'accompagnateur d'un élève conducteur avait fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, ne saurait constituer une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation de produits à base de cannabidiol (CBD). Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu eu égard à l'objet du litige de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la requête de l'Union des professionnels du CBD doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Union des professionnels du CBD est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des professionnels du CBD et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 21 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473466
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2023, n° 473466
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473466.20231221
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