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20/12/2023 | FRANCE | N°472425

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 20 décembre 2023, 472425


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 24 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure de jugement de son affaire devant la juridiction administrative ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, son avocat, de la somme

de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure de jugement de son affaire devant la juridiction administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, son avocat, de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que la durée de la procédure, qui a débuté à compter de sa première demande au service départemental d'incendie et de secours de Vaucluse, le 14 mars 2019, de lui communiquer divers avis en matière d'urbanisme sur le territoire de la commune de Blauvac et qui s'est achevée par la communication des avis demandés, le 14 février 2023, soit près de quatre ans plus tard, sans que l'affaire ait présenté de complexité, a excédé le délai raisonnable de jugement et lui a causé un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la durée de jugement du litige introduit par le requérant n'excède pas le délai raisonnable de jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours, particulière à chaque instance et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive. Lorsque des dispositions applicables à la matière faisant l'objet d'un litige organisent une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, la durée globale de jugement doit s'apprécier, en principe, en incluant cette phase préalable.

2. Il résulte de l'instruction que M. B... a saisi le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Vaucluse d'une demande tendant à la communication de tous les avis produits par ce service à compter du 1er janvier 2012 dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisations d'urbanisme relatives à des " habitations de la 1ère famille ", des lotissements d'habitation, et des zones d'habitation regroupées sur le territoire de la commune de Blauvac. Avant même la naissance d'une décision implicite de refus, M. B... a saisi le 18 avril 2019 la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), qui a émis un avis favorable à la communication de ces documents le 12 novembre 2019. Par une requête enregistrée le 6 avril 2020, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le SDIS de Vaucluse a implicitement rejeté sa demande et d'enjoindre au SDIS de lui communiquer les avis demandés sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision implicite de rejet du SDIS et lui a enjoint de communiquer à M. B... les avis dont il avait demandé communication dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sans assortir cette injonction d'une astreinte. A la suite de ce jugement, le SDIS de Vaucluse a, par plusieurs courriers électroniques du 25 mai 2022, communiqué à M. B... les documents demandés après avoir occulté les noms et coordonnées des agents publics comme des personnes destinataires de ces avis. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nîmes, le 6 juin 2022, d'une demande tendant à l'exécution de son jugement du 29 mars 2022 et à ce qu'il prononce une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'encontre du SDIS de Vaucluse. M. B... a, en outre, formé le 29 septembre 2022 un recours en interprétation de ce jugement en tant qu'il comporterait une ambiguïté relative à l'occultation des mentions qui seraient de nature à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Le 14 février 2023, le SDIS a communiqué à M. B... les avis demandés dans leur intégralité. Enfin, par une ordonnance du 22 février 2023, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a donné acte à M. B... du désistement de sa demande d'interprétation du jugement du 29 mars 2022. Il a été donné acte, le même jour, du désistement de M. B... de sa demande d'exécution.

3. M. B... demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la durée excessive de jugement de son affaire par la juridiction administrative.

4. Il résulte de l'instruction que la procédure, qui a commencé avec la saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs le 18 avril 2019 et non, comme le soutient M. B..., à la date de sa première demande adressée au SDIS, que la CADA a rendu son avis près de sept mois plus tard, que le tribunal administratif de Nîmes s'est ensuite prononcé, par son jugement du 29 mars 2022, dans le délai d'un an, onze mois et vingt-quatre jours sur la demande d'annulation présentée par M. B... le 6 avril 2020. En outre, la demande d'exécution de ce jugement, adressée par M. B... au même tribunal le 6 juin 2022, alors que le délai assortissant l'injonction prononcée par ce jugement venait seulement d'expirer, a été jugée le 22 février 2023, le SDIS ayant communiqué, le 14 février 2023, les avis sollicités par M. B.... Enfin, il a été statué le 22 février 2023 sur le recours en interprétation du jugement du 29 mars 2022 que le requérant avait parallèlement formé le 29 septembre 2022, par lequel il soutenait que ce jugement comportait une ambiguïté relative à l'occultation des mentions qui seraient de nature à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 relativement au jugement de l'affaire de M. B... que la durée de chacune des procédures au cours desquelles ont été examinées les demandes de M. B... n'a pas excédé la durée raisonnable de jugement et qu'en outre, la durée globale de la procédure de jugement de la première de ses affaires ne présente pas non plus, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors que le recours en interprétation de M. B..., qui soulevait des questions complexes, a contribué à l'allongement du délai de jugement, et qu'avant l'introduction de sa demande d'exécution, M B... avait d'ores et déjà obtenu les documents demandés, même s'ils étaient alors anonymisés, de caractère excessif. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement aurait été méconnu et à demander, pour ce motif, la réparation du préjudice moral qu'il invoque.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 472425
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2023, n° 472425
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anissia Morel
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:472425.20231220
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